Le moment est symbolique. L’Avalanche du Colorado, ce club qui a arraché le cœur de Québec en 1995, s’apprête à porter à nouveau le chandail des Nordiques.
Mais cette fois, pas un chandail hybride en bourgogne comme en 2020. Non. Un chandail bleu. Le bleu des Nordiques. Le vrai. Une version fidèle à l’histoire. Une couleur qui n’appartient pas à Denver. Une couleur qui crie Québec.
Et pendant que les caméras capteront les cris nostalgiques des partisans, Luc Poirier, lui, regardera tout ça avec un sourire en coin.
Parce qu’il sait une chose que peu de gens osent dire à voix haute : ce chandail est une opportunité. Un tremplin politique. Un moment stratégique. Et cette fois, il ne laissera pas le train passer. Surtout pas avec Pierre Karl Péladeau encore à bord.
Luc Poirier a été clair. Lui aussi veut ramener les Nordiques à Québec. Mais il ne veut pas le faire aux côtés de PKP.
Il ne veut pas construire sur des ruines corporatistes, sur des promesses mortes-nées, sur des illusions médiatiques. Il veut rebâtir propre. Libre. Lucide.
Et il n’a pas peur de nommer celui qu’il considère comme l’obstacle principal à ce rêve : Pierre Karl Péladeau.
Parce qu’à ses yeux, Péladeau a tué les Nordiques deux fois.
Une première fois en entretenant l’illusion pendant plus d’une décennie que Québecor allait réussir à convaincre la LNH.
En construisant un Centre Vidéotron pour ensuite le laisser vide. En faisant croire au peuple qu’un retour était imminent, alors qu’aucune offre formelle n’a jamais été déposée à la ligue.
Et une seconde fois, aujourd’hui, en restant accroché au projet comme un propriétaire jaloux d’un bien qu’il n’a jamais su rentabiliser. PKP ne veut pas se désengager. Mais il ne veut plus investir. Il bloque. Il gèle. Il étouffe.
C’est à RDS, face à Frédéric Plante, que Luc Poirier a lancé sa déclaration-choc. Pas une déclaration improvisée. Pas un lapsus. Une opération chirurgicale.
Pendant que l’animateur parlait de Formule 1, Poirier a fait dérailler la conversation. Délibérément. Pour rediriger les projecteurs vers le rêve nordique. Pour envoyer un message cinglant :
Je suis prêt. J’y crois. Mais pas avec lui.
@rds.ca Non mais pourquoi pas Luc Poirier? 🫰🏻⚜️ #hockey #nordiques #f1 #lnh #québec ♬ son original - RDS
Quelques jours plus tard, il en rajoutait sur les ondes de Radio X, expliquant qu’il était impossible de faire des affaires avec PKP. Que personne ne voulait s’asseoir à la table avec lui. Que la LNH, aussi, ne voulait pas de lui.
Et dans les coulisses, les mots résonnaient comme un coup de tonnerre.
Chez les "anciens riches", on surnomme Luc Poirier “le gars du trou”. Un clin d’œil méprisant à ses débuts modestes dans un HLM. À ses airs de promoteur flamboyant.
Rappelez-vous son projet controversé de remblai d’un milliard de dollars à La Prairie, où il voulait transformer un marécage en mégazone résidentielle.
Un projet avorté, bloqué par Québec pour des raisons environnementales, mais qui a aussi contribué à forger la réputation de Poirier : un promoteur audacieux, flamboyant, détesté des élites traditionnelles, mais qui n’a jamais eu peur de brasser la cage.
Et aujourd’hui, c’est cette même audace qui menace de faire dérailler PKP dans le dossier des Nordiques.
Poirier, lui, voit en Péladeau un homme isolé, rancunier, incapable de bâtir des ponts avec la LNH. Un homme que Gary Bettman et Bill Daly tolèrent à peine. Un homme qui a grillé toutes ses cartouches. Et qui n’a plus ni les reins financiers, ni le réseau, ni la crédibilité pour porter ce projet.
Le problème? Péladeau ne veut pas lâcher prise.
Luc Poirier l’a dit : ramener une équipe de la LNH à Québec sans détenir la gestion ou la propriété du Centre Vidéotron, c’est presque impossible. Et en ce moment, c’est Québecor qui a ce contrôle. Pas la Ville. Pas la province. Québecor. PKP.
Or, ce modèle ne fonctionne plus. Le Centre Vidéotron est un gouffre financier. Un bijou sans locataire, à part les Remparts... une équipe junior...
Un éléphant blanc. Et ni la Ville, ni Québecor, ni TVA Sports n’ont les moyens de le porter plus longtemps à bout de bras.
Mais PKP s’accroche. Et tant qu’il s’accroche, il bloque Poirier.
Poirier, lui, ne s’est pas contenté de rêver tout haut. Il a agi. En 2017, il a tenté de racheter les Coyotes de l’Arizona pour les ramener à Québec. Plus récemment, il a laissé entendre qu’il avait offert jusqu’à 800 millions US pour une franchise de la LNH.
Il est respecté par les milieux d’affaires, bien vu par certains maires de grandes villes, et surtout, il n’est pas perçu comme un joueur problématique par les dirigeants de la ligue. Il ne traîne pas les casseroles politiques de PKP. Il ne polarise pas.
Et surtout : il a de l’argent. Beaucoup d’argent. En fonds propres.
Une conjoncture parfaite pour relancer la machine.
Ce chandail bleu de l’Avalanche, c’est la parfaite excuse pour raviver la flamme. Pour relancer la conversation nationale. Pour rappeler que Québec a été spoliée. Et que son rêve n’est pas mort, il est simplement resté prisonnier du mauvais porte-parole.
Et pendant que le monde aura les yeux rivés sur ce chandail, Luc Poirier, lui, fera entendre sa voix.
Il dira que le Québec mérite mieux qu’un actionnaire obsédé par l'achat de Transat. Il dira que le Québec a besoin de croire à nouveau. Il dira que le moment est venu de passer à autre chose. D’oublier PKP.
Car pendant ce temps, Pierre Karl Péladeau consacre ses énergies à acheter Transat. Il a fait trois offres : une à 1 $ pour toutes les actions. Une autre avec une proposition de restructuration par l’insolvabilité. Et une dernière à 2,64 $ l’action.
Son obsession est ailleurs. Il ne parle plus des Nordiques. Il ne parle plus de TVA Sports.
Il cherche à construire un empire aérien. Il veut que le Québec croie en sa vision d’un transporteur national. Mais il oublie que pendant qu’il court après ses avions, ses employés de TVA Sports, eux, n’ont plus de mission claire.
La priorité, ce n’est plus le sport. Ce n’est plus Québec. Ce n’est plus le hockey. La priorité pour Péladeau... c'est Péladeau..
On peut se poser la question. Le réseau sportif de Québecor a perdu la LNH. Il a perdu les séries. Il a perdu des têtes d’affiche. Et il est au bord du gouffre. Les rumeurs de fermeture se multiplient. La date fatidique de 2026, quand l’entente de diffusion expire, plane comme une épée de Damoclès.
Et pourtant, Péladeau ne fait rien. Il investit ailleurs.
Pour les employés de TVA Sports, c’est l’angoisse. Pour les amateurs de hockey, c’est la désillusion. Et pour Luc Poirier? C’est l’opportunité.
D’un côté, un magnat médiatique qui contrôle journaux, télé et capital politique. De l’autre, un entrepreneur indépendant, qui préfère les studios de RDS et les ondes de Radio X aux cocktails d’Outremont.
Le premier est discret, stratégique, obsédé par son image. Le second est frontal, provocateur, impitoyable.
Et pourtant, c’est Poirier qui prend le dessus dans l’opinion publique. Parce qu’il dit ce que tout le monde pense : PKP ne veut plus des Nordiques. Il veut qu’on pense qu’il les a voulus. C’est tout.
Aujourd’hui, Québec est à la croisée des chemins.
Elle peut continuer à attendre une offre qui ne viendra jamais. Elle peut espérer que Québecor redonne un jour priorité au sport. Ou elle peut tendre l’oreille à Luc Poirier, qui a clairement dit : je suis là, j’ai les moyens, et j’ai le feu sacré.
Mais pour cela, il faudra changer de narratif. Sortir PKP du portrait. Renégocier la gestion du Centre Vidéotron. Mobiliser les élus. Remettre de la lumière sur le dossier.
Et ça commence ici. Par un chandail bleu. Par une phrase à RDS. Par un nom : Poirier.
La nostalgie ne suffira pas. Le chandail, aussi magnifique soit-il, ne ramènera pas une franchise à Québec à lui seul. Mais il peut rallumer l’espoir. Il peut raviver le débat.
Et Luc Poirier, lui, est prêt.
À condition qu’on arrête de faire semblant que Pierre Karl Péladeau est encore dans la course.
Le rêve est vivant. Mais pas avec PKP. Luc Poirier l’a dit. Et cette fois, tout le Québec l’a entendu.