Retournement de situation à Montréal: Geoff Molson intervient entre Arber Xhekaj et Martin St-Louis

Retournement de situation à Montréal: Geoff Molson intervient entre Arber Xhekaj et Martin St-Louis

Par David Garel le 2025-08-12

Il y a des blessures qui se referment vite. Et puis il y a celles qui continuent de saigner, lentement, presque invisiblement, jusqu’au jour où elles éclatent au grand jour.

Entre Martin St-Louis et Arber Xhekaj, la cicatrice n’a jamais eu la chance de se former. Depuis plus d’un an, les signes s’accumulent : rétrogradations, déclarations sèches, choix d’alignement humiliants.

Et voilà que le conflit, jusqu’ici confiné à la glace et aux coulisses, explose dans le domaine public avec un geste qui ressemble à une véritable déclaration de guerre… mais cette fois, l’attaque ne vient pas d’un joueur. Elle vient de son propre employeur.

La goutte qui fait déborder le vase : une vidéo promotionnelle du Canadien de Montréal pour le festival de country LASSO, présenté par Bell et organisé par Evenko… qui appartient au groupe CH.

Dans cette vidéo, on retrouve Arber Xhekaj, habillé en cowboy, lâchant des phrases aux accents de western… et surtout, un slogan choc... en français... :

« Cette ville n’est peut-être pas assez grande pour deux shérifs, mais à LASSO Montréal, tout le monde est le bienvenu. »

Ce n’est pas anodin. C’est même une provocation directe à l’endroit de Martin St-Louis. Parce que tout le monde se souvient de ce moment glacial, quand le coach avait coupé court à l’enthousiasme d’un journaliste qui appelait Xhekaj « le Shérif ». Sa réponse, sèche comme un désert texan :

« Vous l’appelez le shérif, mais personne ne le surnomme comme ça dans notre vestiaire. »

Cette phrase-là avait été reprise en boucle. Luc Gelinas de RDS l’avait publié, soulignant que St-Louis répondait en anglais à Stu Cowan : 

“Vous l'appelez le shérif, mais personne ne l'appelle comme ça dans la chambre.” 

Pour beaucoup, c’était plus qu’une précision : c’était un désaveu public. Une façon claire de dire que ce surnom, popularisé par les fans et les médias, n’avait pas sa place dans sa culture d’équipe.

Et voilà qu’aujourd’hui, le marketing du Canadien, sous l’œil de Geoff Molson lui-même, fait exactement le contraire : non seulement on utilise le surnom, mais on en fait la "punchline" centrale d’une campagne publicitaire liée à un événement majeur de la marque CH.

Pour Martin St-Louis, c’est un coup de poignard dans le dos. Pendant des mois, il a travaillé, parfois avec une brutalité assumée, à réduire l’aura médiatique de Xhekaj.

À ramener le défenseur dans un rôle plus discret, plus « d’équipe ». Il a sacrifié sa place dans l’alignement, refusé de le déplacer à l’attaque, et multiplié les messages codés pour rappeler que l’individu ne devait pas dépasser le groupe.

Et là, en une vidéo, le service marketing efface tout ça. Pire : il consacre Arber Xhekaj comme un visage officiel de la marque CH, non pas pour ses statistiques, non pas pour son rendement, mais précisément pour cette image de Shérif que St-Louis voulait enterrer.

Pour un entraîneur obsédé par la cohérence de son vestiaire, c’est une humiliation. Ça revient à dire publiquement : 

« Ce que dit le coach importe peu. Nous, au marketing, on décide de l’image de nos joueurs. »

Pour comprendre pourquoi ce geste est aussi explosif, il faut revenir en arrière. L’histoire entre St-Louis et Xhekaj, c’est une succession de tensions qui ont commencé bien avant LASSO.

Il y a eu l’épisode du "Shérif Burger", lancé par Xhekaj avec La Chambre, puis La Belle et La Bœuf. Une initiative commerciale sympathique pour les fans, mais mal vue par le CH, qui est partenaire de La Cage, un concurrent direct.

St-Louis n’avait même pas daigné se pointer au lancement. Dans son esprit, c’était une distraction. Une preuve que Xhekaj aimait trop être une marque, et pas assez un joueur d’équipe.

Puis il y a eu la séquence des mises à l’écart. Xhekaj regardait les matchs du haut de la galerie de presse.

Pas parce qu’il jouait mal, mais parce que St-Louis voulait envoyer un message, surtout que Xhekaj était très indiscipliné et que le coach n'a jamais aimé les bagarreurs qui mettent son équipe dans le trouble.

Ses propres mots à ce moment-là : 

« Il n’est plus une recrue. Il doit gérer ça comme un professionnel. » 

En langage de hockey, c’est un avertissement sévère : « Ton attitude me dérange. »

Le vrai problème, c’est que cette guerre n’a jamais vraiment été sportive. Xhekaj a payé pour des raisons d’image, de personnalité, de contrôle.

St-Louis n’aimait pas que son joueur capitalise sur un surnom qui, selon lui, alimentait un culte individuel. Il n’aimait pas non plus que les partisans et les médias utilisent ce surnom pour en faire un symbole.

Et c’est là que la publicité de LASSO devient une bombe. Parce qu’elle ne se contente pas de réhabiliter le surnom : elle en fait un outil de vente.

Elle l’associe à une ambiance festive, rassembleuse, sympathique. Elle repositionne Xhekaj non pas comme un problème de vestiaire, mais comme un ambassadeur cool, bilingue, capable de vendre un événement majeur.

En d’autres mots : elle efface le narratif de St-Louis pour le remplacer par celui du département marketing.

Impossible de croire que cette campagne ait été approuvée sans que le président et propriétaire, Geoff Molson, ne soit au courant.

LASSO est une vitrine importante pour Evenko, et Evenko est l’une des pierres angulaires du portefeuille d’événements du Groupe CH.

Si le slogan a passé la validation finale, c’est que Molson lui-même l’a vu… et qu’il n’y a vu aucun problème. Ou pire : qu’il a décidé sciemment de passer outre la sensibilité de son entraîneur.

Ce qui veut dire que, pour la première fois depuis son arrivée à la barre du CH, Martin St-Louis est publiquement contredit par sa propre organisation. Pas par un journaliste. Pas par un joueur. Par son patron.

Ne nous trompons pas : les joueurs voient tout. Ils savent que St-Louis déteste le surnom « shérif ». Ils savent qu’il a bâti son autorité sur l’idée que sa parole est loi dans le vestiaire. Et là, ils voient une vidéo officielle du CH qui ridiculise, même subtilement, cette position.

Pour les vétérans, c’est un signal : l’autorité de l’entraîneur a des limites. Pour les jeunes, c’est encore plus clair : si le marketing aime ton image, tu as une protection que même le coach ne peut pas briser.

Et comme si ce n’était pas assez, le timing rend l’affaire encore plus croustillante. Peu après la sortie publique de St-Louis niant le surnom, Cole Caufield, l’un de ses favoris, avait confirmé dans le balado Spittin’ Chiclets que oui, tout le monde appelait Xhekaj « le shérif ».

Un démenti indirect, mais cinglant. Et aujourd’hui, la publicité de LASSO vient entériner la version de Caufield… pas celle de St-Louis.

Quelles seront les conséquences ? Elles peuvent être multiples.

D’abord, St-Louis pourrait décider de resserrer encore plus son contrôle. Moins de marge pour les initiatives personnelles.

Moins de tolérance pour les joueurs qui cultivent leur image hors glace. Mais il sait aussi qu’en se mettant frontalement en guerre contre la machine marketing du CH, Molson pourrait être irrité.

Ensuite, il y a le cas Xhekaj lui-même. Cette publicité, c’est un feu vert médiatique pour continuer d’exister dans l’espace public comme « le shérif ».

C’est un argument en or pour son agent dans une éventuelle transaction : le joueur a une valeur commerciale forte, reconnue par son équipe… même si son entraîneur le boude.

Et enfin, il y a le message envoyé aux fans : l’organisation CH ne parle pas toujours d’une seule voix. Entre le discours de l’entraîneur et celui du service marketing, il y a un gouffre.

Et dans ce gouffre, c’est l’image d’un joueur qui se construit… et celle d’un coach qui se fragilise.

Ironiquement, si St-Louis voulait vraiment se débarrasser de Xhekaj, cette publicité pourrait accélérer le processus. Non pas parce qu’elle nuit à sa valeur, mais parce qu’elle rend la cohabitation encore plus impossible.

Comment un entraîneur peut-il continuer à marginaliser un joueur dont le visage est utilisé dans les campagnes de promotion officielles ?

Et comment Xhekaj, qui sait très bien que le coach l’a ciblé, peut-il encore prétendre qu’il joue uniquement pour l’équipe alors que l’équipe elle-même l’utilise pour vendre autre chose que du hockey ?

La saga Martin St-Louis vs Arber Xhekaj avait déjà tous les ingrédients d’un feuilleton : ego, image, choix sportifs contestés, friction avec les médias.

L’affaire LASSO ajoute une dimension nouvelle : la trahison interne. Pour un entraîneur qui a bâti sa carrière sur le contrôle et l’unité, voir son propre employeur piétiner sa ligne directrice est plus qu’un affront.

C’est un rappel brutal que, dans l’empire CH, le hockey n’est pas toujours roi. Parfois, c’est le marketing qui commande.

Et pour les partisans, c’est une étrange consolation : même si St-Louis continue de tenir Xhekaj à l’écart sur la glace, rien ne peut l’effacer de la culture populaire montréalaise.

Le Shérif est là. Il sourit en chapeau de cowboy, dans une vidéo approuvée par Geoff Molson.

Et ça, c’est un but que même Martin St-Louis ne pourra jamais annuler.