Cet après-midi, pendant que les Alouettes de Montréal disputaient leur match devant une foule bien fournie au Stade Percival-Molson, les discussions en coulisses se poursuivaient du côté de TVA Sports, où l’urgence se fait sentir plus que jamais.
Selon les informations de Maxime Truman, Jeff Gorton, vice-président des opérations hockey du Canadien, était bel et bien présent dans la loge de Pierre Karl Péladeau.
À ses côtés : Louis-Philippe Neveu, vice-président aux opérations, information et sports de Québecor, ainsi qu’Alex Caz, directeur des services de l’équipe.
Ce n’était pas une visite de courtoisie. C’était une réunion de crise.
TVA Sports joue sa survie. L’équipe de Neveu tente le tout pour le tout pour obtenir une part des 39 matchs francophones de la saison régulière qui restent à attribuer par Rogers et le Groupe CH.
On le sait : RDS a déjà 45 matchs régionaux confirmés, TSN en a 50. Ce qu’il reste, c’est le seul oxygène disponible pour TVA Sports. Sans ces matchs, la chaîne n’a plus de raison d’être.
Mais la question se pose : est-ce que Québecor va refaire la même erreur qu’en 2014, en payant beaucoup trop cher pour des droits télé qui n’ont jamais été rentables?
La vérité, c’est que TVA Sports n’a jamais réussi à rentabiliser le hockey. Les pertes cumulées frisent les 300 millions de dollars, et la chaîne saigne chaque trimestre.
Et pourtant, Pierre Karl Péladeau refuse d’abandonner.
Selon plusieurs sources proches du dossier, il veut à tout prix sauver les emplois à TVA Sports, quitte à replonger dans une autre ronde de négociations coûteuses.
C’est une question d’orgueil, mais aussi de responsabilité sociale : des centaines de techniciens, de journalistes, de producteurs et d’analystes dépendent directement du sort du réseau.
Péladeau sait que, s’il ferme TVA Sports, il ferme aussi une partie de l’identité médiatique de Québecor.
Louis-Philippe Neveu, lui, est au front. Présent dans la loge cet après-midi, il multiplie les démarches auprès du Groupe CH pour obtenir un petit lot de matchs. Le scénario le plus probable : TVA Sports obtiendrait quelques rencontres symboliques, une poignée de soirées, juste assez pour maintenir une présence à l’antenne et conserver une structure interne minimale.
Mais rien n’est signé. Rien n’est acquis.
Et le silence de Québecor est éloquent : les négociations sont en cours, et tout se joue maintenant.
À ce stade-ci, tout indique que TVA Sports refuse de lancer la serviette.
Même si l’avenir financier du réseau est incertain, même si les audiences se sont effondrées, même si les compétiteurs comme Sportsnet, RDS et Crave se partagent déjà la majorité du gâteau, Péladeau tient encore le cap.
Parce qu’au fond, il ne veut pas être celui qui aura fermé TVA Sports.
Le message envoyé aujourd’hui est clair : TVA Sports se bat encore.
Mais c’est aussi la dernière chance. Si Québecor surenchérit sans garantie de rentabilité, ce sera une erreur stratégique majeure. Si, au contraire, TVA sort des négociations les mains vides, ce sera la fin.
La journée d’aujourd’hui, avec cette présence remarquée de Gorton, de Neveu et de Caz dans la loge, marque un moment charnière. TVA Sports joue sa survie sur le fil.
Et peu importe l’issue, une chose est sûre : Pierre Karl Péladeau tente de sauver ce qu’il reste: une chaîne, des emplois, et un symbole.
Mais à force de vouloir sauver TVA Sports à coups de millions, Péladeau devra aussi comprendre que ce n’est pas seulement l’argent qui peut redresser la situation.
Injecter de l’argent, c’est bien. Mais si TVA Sports parvient, à la dernière minute, à arracher un petit lot de matchs du Canadien, il faudra plus qu’un chèque. Il faudra une refonte complète du modèle, de la programmation, du ton et des visages.
Parce que la vérité est là : la chaîne s’est trompée de boutons pendant dix ans.
Les chiffres sont éloquents : l’émission de Jean-Charles Lajoie, censée être le rendez-vous du retour à la maison, ne rassemble que 20 000 téléspectateurs par jour. Des chiffres dignes d’une télévision communautaire.
C’est la preuve que le public québécois n’a jamais pris TVA Sports dans son cœur.
Le problème n’est pas que les gens ont déserté la télé sportive. Le problème, c’est qu’ils ont déserté TVA Sports.
Pendant que RDS reste une référence, malgré ses hauts et ses bas, TVA Sports s’est enfoncée dans une logique d’opinion plutôt que d’expertise. Trop de débats creux. Trop de chicanes de plateau. Trop de vedettariat interne.
Les téléspectateurs ne veulent plus ça.
Ils veulent du hockey, de la passion, de la crédibilité. Pas des monologues, pas des caricatures.
Si Péladeau veut sauver TVA Sports, il va devoir apprendre de ses erreurs.
Le réseau dépense encore des fortunes en salaires pour des visages connus qui ne ramènent plus le public.
On parle ici de Jean-Charles Lajoie, dont le contrat, à son sommet, flirtait avec les 400 000 dollars par année à un moment donné.
Quand la situation financière a commencé à déraper, Québecor lui a demandé de réduire son salaire. Il a accepté, par loyauté, mais le problème n’est pas son dévouement : c’est le concept même de l’émission.
Le format est usé, les cotes d’écoute sont honteuses, et la station s’entête à miser sur le même nom pour occuper l’heure de grande écoute.
À un moment donné, il faut cesser de croire qu’on peut reconstruire sur les mêmes fondations.
On ne sauvera pas TVA Sports avec des visages qu’on associe à ses pires années.
Il faut oser changer.
Et ce n’est pas seulement une question d’animateurs.
Le public ne veut plus Félix Séguin à la description, aussi compétent soit-il. Il est devenu, malgré lui, un symbole d’une époque que les amateurs veulent oublier.
Le problème n’est pas personnel : c’est culturel. Sa voix ne soulève pas la passion, ne crée pas l’émotion, et le public décroche.
Mais il y a moyen de le repositionner ailleurs, dans un autre rôle, pour préserver son emploi tout en rafraîchissant la couverture des matchs.
Il faut revoir la hiérarchie des priorités.
Patrick Lalime, Elzsabeth Rancourt, Renaud Lavoie… tous devront accepter un virage.
Moins de talk-show, plus de hockey. Moins d’opinion, plus de contenu.
Et surtout, moins de salaires démesurés pour des cotes d’écoute qui ne suivent plus.
Si Quebecor réussit à obtenir une poignée de matchs du Canadien, ce sera une victoire symbolique.
Mais sans réforme interne, cette victoire ne servira à rien.
Injecter de l’argent dans la même recette, c’est rejouer le film de 2014 : un chèque géant, des promesses de grandeur, et une lente agonie financière.
Le réseau doit se réinventer. Il doit écouter le public, pas ses propres animateurs.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : moins de 500 000 téléspectateurs pour le match d’ouverture, une moyenne journalière catastrophique pour ses émissions phares, et une réputation en chute libre.
Si TVA Sports ne change pas maintenant, il n’y aura plus de TVA Sports à sauver.
Et c’est là que Péladeau devra faire le choix le plus difficile de sa carrière :
Sauver la chaîne, oui, mais en changeant la culture de la chaîne.
Ce n’est pas seulement une question d’argent.
C’est une question d’humilité.
Jean-Charles Lajoie avait déjà accepté de réduire son salaire pour rester.
Mais la vraie question, c’est : pourquoi lui a-t-on donné autant, pendant autant d’années, pour si peu de résultats?
C’est cette erreur-là que Péladeau doit éviter de répéter.
Parce que s’il veut vraiment sauver TVA Sports, il ne doit pas simplement "cracher le cash".
Il doit changer ce qu’il finance...