Revirement de situation à Cogeco: Patrick Lagacé pris la main dans le sac

Revirement de situation à Cogeco: Patrick Lagacé pris la main dans le sac

Par David Garel le 2025-08-08

Il y a des chutes qui arrivent brutalement, avec fracas. D’autres sont lentes, sournoises, vicieuses… mais tout aussi douloureuses.

Le 98,5 FM, jadis géant indétrônable de la radio parlée montréalaise, est en train de vivre la deuxième. Et le plus incroyable, c’est que ses dirigeants semblent avoir choisi de l’accompagner jusqu’au fond.

Après avoir détruit sa crédibilité en congédiant le populaire Pierre-Yves McSween, après avoir dilapidé son capital de confiance en confiant la matinale à un Patrick Lagacé parachuté en héritier de Paul Arcand, après avoir multiplié les décisions catastrophiques qui ont alimenté les tensions internes et fait fuir les auditeurs, Cogeco ose aujourd’hui présenter comme une victoire le retour de pratiquement la même équipe cet automne.

Oui, la même équipe. Les mêmes visages qui ont échoué. Les mêmes égos qui se déchirent en coulisses. Les mêmes voix qui n’arrivent plus à créer de lien avec un public qui, lui, est déjà parti ailleurs.

Le communiqué de presse dévoilé jeudi, est un monument de déni. On y parle de « rentrée radiophonique sans pareille » et de « favoris du public »… alors que les chiffres de Numeris sont sans appel : le 98,5 FM n’est plus la station la plus écoutée à Montréal.

"Le retour des animateurs les plus écoutés à Montréal" écrit Cogeco. Pardon? Quel mensonge!

Patrick Lagacé est pris la main dans le sac.

Au printemps dernier, ICI Première a devancé pour la première fois le 98,5. Paul Arcand attirait 89 300 auditeurs en matinale; Patrick Lagacé, lui, s’écrase à 58 100. Pendant ce temps, Patrick Masbourian triomphe avec Tout un matin et 63 700 auditeurs.

À l’échelle de la station, ICI Première obtient 19,3 % des parts de marché, contre 19,1 % pour le 98,5. Ce n’est pas un petit glissement. C’est un changement d’ère. Le trône est perdu.

Et pourtant, dans son communiqué, Cogeco ose encore se présenter comme leader. C’est plus qu’une erreur : c’est une insulte à l’intelligence du public.

Pour comprendre le naufrage, il faut revenir à la décision la plus catastrophique de l’histoire récente du 98,5 : le congédiement inacceptable de Pierre-Yves McSween.

McSween n’était pas seulement un chroniqueur apprécié. Il était une marque en soi, un repère crédible et adoré du public, un homme capable de vulgariser l’économie avec intelligence tout en restant accessible. Et surtout, il avait su bâtir une relation de confiance avec l’auditoire.

Son départ, mal justifié, a été vécu comme une trahison par une bonne partie du public. Le résultat? McSween est parti renforcer Radio-Canada, où il a rejoint l’équipe de Patrick Masbourian… et ensemble, ils ont pris la première place à Montréal.

Ironie ultime : McSween contribue aujourd’hui à enterrer la station qui l’a congédié.

Patrick Lagacé n’est pas le seul responsable de la chute du 98,5 FM. Mais il en est devenu le symbole le plus visible.

Lagacé... symbole de l’arrogance Cogeco...

À son arrivée à la matinale, il a imposé son ton, son rythme, ses sujets. Il est accusé par certains d'écarter les idées qui ne viennent pas de lui?

On raconte aussi qu’il perçoit toute critique comme une attaque personnelle, et qu’il a rapidement transformé la matinale en royaume personnel.

Résultat : un format qui ne parle plus au public, une perte massive d’auditeurs, et un climat interne toxique. Selon plusieurs sources, Lagacé n’hésite pas à critiquer ouvertement ses collègues, notamment Philippe Cantin, qu’il juge responsable de la fuite de l’auditoire en fin de journée.

« Le monde se syntonise ailleurs à cause de lui », aurait-il déjà lancé, selon des témoins.

Le cas de Philippe Cantin est tout aussi révélateur. Recommandé par Lagacé lui-même pour animer Le Québec maintenant, Cantin devait incarner la stabilité du retour à la maison. Il n’aura été qu’un naufrage ambulant.

Les chiffres se sont effondrés. Le lien avec le public s’est brisé. Et à l’interne, on raconte qu’il a tout perdu : ses auditeurs, son influence… et sa dignité.

Mais au lieu de corriger le tir, Cogeco le reconduit pour l’automne. Comme si récompenser l’échec était devenu une stratégie assumée.

Tout cela s’explique par une réalité que les auditeurs ignorent souvent : le 98,5 est dirigé comme un club privé. Les postes-clés sont occupés par des amis, des anciens collègues de La Presse, des protégés d’Éric Trottier et de quelques autres figures influentes.

Plusieurs employés utilisent en coulisse l’expression « Country Club » pour désigner le cercle fermé d’animateurs et de collaborateurs privilégiés, tous issus de la même galaxie médiatique et souvent liés par des amitiés ou d’anciennes alliances professionnelles.

L’arrivée d’Éric Trottier à la direction de l’information et des contenus a renforcé cette perception. Ancien cadre influent de La Presse, il a rapidement été vu comme un protecteur naturel des ex-collègues et proches du quotidien montréalais, dont Patrick Lagacé.

Sous son règne, le noyau dur du « Country Club », composé d’animateurs vedettes déjà bien installés, a été préservé coûte que coûte, même face à des échecs d’auditoire.

Cette loyauté interne, qui confine parfois à l’entre-soi, nourrit l’idée que Trottier défend un petit cercle d’élus au détriment du renouvellement et de l’ouverture à de nouvelles voix.

Les talents qui osent déplaire sont écartés. McSween? Dehors. MC Gilles? Mis sur la touche. Pendant ce temps, on protège les chouchous, peu importe leurs performances.

Le résultat, c’est une station qui ne vit plus pour son public, mais pour préserver les égos en place.

Lors de sa dernière émission avant les vacances, Patrick Lagacé a choisi de consacrer sa chronique… à Hockey30. Pendant plusieurs minutes, il a ri des titres du site, les accusant d’exagération et de fausse représentation.

Ce qu’il n’a pas dit? Que derrière ces titres se trouvaient aussi des informations exclusives sur les conflits internes du 98,5, sur les luttes d’ego, sur les décisions absurdes de la direction.

Il a préféré attaquer la forme pour éviter le fond. Une stratégie classique : détourner l’attention plutôt que d’affronter les vraies questions. Mais en le faisant, il a offert involontairement de la publicité gratuite à ses critiques… et montré à quel point la pression le ronge.

Oui, il a ri. Mais c’était un rire jaune. Car si on gratte un peu, on voit que Lagacé a bel et bien croulé sous la pression cette année. Il s’est effondré… avant de se relever. Et il faut lui reconnaître ça : il a survécu.

Derrière les micros, c’est la guerre. Les tensions sont telles que même les cadres ne savent plus comment recoller les morceaux. Les clans s’affrontent, les critiques fusent, et l’instabilité est devenue la norme.

On parle d’un environnement où la méfiance règne, où les idées ne circulent plus, où chaque émission fonctionne en vase clos.

Pendant ce temps, Radio-Canada rayonne. Masbourian et son équipe offrent un produit cohérent, soudé, moderne. Le contraste est cruel.

Pour l’automne 2025, Cogeco a décidé de s'enfoncer dans la honte à nouveau.

Du recyclage pur et simple. Les mêmes animateurs, les mêmes émissions, les mêmes échecs.

C’est de la réaction de panique, pas de la stratégie.

Pierre Martineau, vice-président des stations parlées chez Cogeco, avait livré des propos qui résument parfaitement l’aveuglement de la direction cet été.

« On va peut-être changer des petites choses, mais il n’y aura pas de grands bouleversements. Je suis très satisfait de chacune de nos équipes. »

On ne change rien, on continue comme avant, même si les sondages nous enterrent.

Cet entêtement, le fait d'être sourd face au verdict du public, sont suicidaires.

Le 98,5 FM est devenu une station crispée, repliée sur ses acquis, incapable de se réinventer. Là où Radio-Canada attire un auditoire plus jeune, plus varié, plus exigeant, le 98,5 se contente de flatter un noyau vieillissant.

La relève? Absente. Les voix nouvelles? Écartées. La créativité? Inexistante.

En remplaçant Paul Arcand, Cogeco avait une occasion historique : réinventer la matinale, surprendre, attirer une nouvelle génération d’auditeurs.

Au lieu de ça, on a installé Lagacé comme un roi désigné, sans transition, sans adaptation, sans stratégie. On a gaspillé un capital d’audience unique… et on a brisé une relation de confiance vieille de deux décennies.

À court terme, Cogeco pourra encore compter sur quelques annonceurs fidèles. Mais à moyen terme, les parts de marché en chute libre auront un impact direct sur les revenus publicitaires. Et là, il sera trop tard pour renverser la vapeur.

Car le public ne revient pas par magie. Une fois qu’il a trouvé mieux ailleurs, il ne regarde pas en arrière.

En reconduisant pour l’automne 2025 la même équipe qui a provoqué sa chute, le 98,5 FM envoie un message clair : nous préférons protéger nos égos que reconquérir notre public.

C’est un choix. Un choix qui va droit dans le mur.

Le 98,5 FM n’est plus qu’un Titanic radiophonique, fièrement piloté vers l’iceberg par des dirigeants persuadés qu’ils sont encore invincibles.

La suite? Une lente agonie. Et la certitude que l’histoire retiendra cette période comme celle où Cogeco a brisé, de ses propres mains, la plus grande station de radio parlée du Québec.