On dirait un vieux film qu’on a déjà vu.
Sauf que cette fois, le réalisateur s’appelle Rick Tocchet.
À Philadelphie, Matvei Michkov vit exactement le scénario que Martin St-Louis voulait éviter à Montréal.
Même décor : un vestiaire nord-américain, des attentes démesurées, et un prodige russe qu’on n’ose plus trop appeler un prodige.
14 minutes 54 secondes de glace.
C’est tout ce que Tocchet lui a offert contre les Panthers ... et encore, c’était sans Aleksander Barkov ni Matthew Tkachuk en face.
Pas d’excuse. Pas de “match-up difficile”.
Juste une réalité froide : Michkov n’est pas encore prêt à jouer le hockey que la LNH exige à cinq contre cinq.
Ce n’est pas une question de talent.
Le talent, Michkov en a à revendre. Il a cette touche rare, ce flair à la Kucherov, ce sens du spectacle qui rend un simple tir dangereux, un angle mort exploitable.
Mais à Philadelphie comme à Montréal, les entraîneurs ne cherchent pas des magiciens. Ils cherchent des soldats.
Et Michkov, c’est tout sauf un soldat.
L’été dernier, il l’a dit lui-même ... sans filtre, sans nuance :
« Je préfère transporter la rondelle sous contrôle. Si tu la dumpes, tu dois aller te battre pour la récupérer. C’est un hockey épuisant. »
Ces mots-là résonnent aujourd’hui dans la tête de Tocchet comme ils résonnaient dans celle de St-Louis en 2023.
Pas de “dump and chase”. Pas de guerre de tranchées.
Pas de rondelles rejetées pour aller s’user dans les coins.
Et c’est précisément ce que St-Louis déteste.
Pas le joueur ... l’attitude.
Parce qu’à Montréal, on ne pardonne pas à ceux qui refusent de souffrir pour la rondelle.
Montréal avait compris
Quand le Canadien a passé son tour sur Michkov pour choisir David Reinbacher, une bonne partie du Québec a crié au scandale.
“Encore un défenseur!”
“Pas de courage!”
“Pas de vision!”
Mais ce que peu de gens comprenaient à ce moment-là, c’est que le Canadien n’a pas seulement repêché un joueur : il a choisi une culture.
Et quand Ivan Demidov est tombé entre ses mains un an plus tard, on a compris la nuance.
Demidov, c’est le même ADN que Michkov ... le même talent brut, la même magie dans les doigts.
Mais à Montréal, il tombe dans un environnement où on ne le jette pas dans le feu.
On le façonne.
Martin St-Louis a dit une phrase, cet été, qui résume tout : « Je ne peux plus le prendre par la main. Il doit apprendre à se gérer lui-même. »
Cette phrase, il la disait à propos de Juraj Slafkovsky, mais elle s’applique aujourd’hui parfaitement à Demidov.
St-Louis ne protège pas ses jeunes. Il les responsabilise.
Et c’est là toute la différence entre Montréal et Philadelphie.
Deux philosophies, une même leçon
À Philadelphie, Tocchet applique la loi du plus fort.
Tu veux ton temps de glace? Gagne tes batailles. Gagne tes coins. Gagne ton respect.
Mais Michkov n’a jamais aimé se salir les mains. Il veut créer, pas détruire.
Et dans une ligue où la majorité des buts viennent de la zone sale, ce romantisme finit souvent au banc.
À Montréal, c’est la même école de rigueur, mais la méthode change.
St-Louis ne casse pas ses jeunes talents : il les rééduque.
Demidov joue peu, mais il apprend.
Il découvre comment exister sans la rondelle, comment survivre dans le trafic, comment transformer sa créativité en structure.
Michkov, lui, résiste encore à la gravité de la LNH.
Il veut garder la rondelle, même quand le système lui crie de la déposer.
Il veut danser là où il faudrait frapper.
Et Tocchet, ancien dur à cuire des années 90, n’a aucune patience pour ce genre d’esthétisme.
Le Canadien avait raison
Aujourd’hui, les chiffres sont cruels.
14 minutes 54 secondes.
Pas de liberté.
Et un coach qui commence déjà à parler d’« effort soutenu » et de « constance sans rondelle ».
C’est le code, dans la LNH, pour dire : le gars n’écoute pas encore.
À Montréal, on observe ça avec un sourire en coin.
Pas de triomphe, pas de revanche, juste la confirmation tranquille que le pari Demidov est plus équilibré que celui de Michkov.
Le CH a choisi un joueur qu’il peut modeler.
Philadelphie a choisi un joueur qui veut remodeler le jeu.
Et à long terme, c’est rarement le joueur qui gagne cette bataille-là.
Les Panthers ont gagné deux Coupes Stanley avec du “dump and chase”.
Les Blues, les Lightning, les Kings avant eux ... tous ont mis le spectacle de côté pour la sueur et la structure.
Ce n’est pas sexy, mais c’est efficace.
Et St-Louis, comme Tocchet, le sait.
C’est pour ça qu’il ne voulait pas de Michkov. Pas parce qu’il ne croyait pas à son talent.
Mais parce qu’il savait que, dans une ligue d’hommes de 200 livres, le génie isolé ne survit pas longtemps.
La morale du jour
Matvei Michkov n’a pas perdu son talent.
Il n’a pas perdu sa magie.
Il a juste découvert la dure vérité de la LNH : ici, l’art ne suffit pas.
Et pendant qu’il apprend cette leçon à Philadelphie, Ivan Demidov, lui, l’apprend à Montréal ... mais à un rythme plus humain, plus intelligent, plus durable.
La différence entre les deux?
Un coach qui veut le casser.
Et un autre qui veut le construire.
Ouin...