Mike Matheson ne se berce pas d’illusions. Il sait pertinemment que malgré la séquence victorieuse du Canadien, Kent Hughes jouera au grand méchant loup.
Alors que le Tricolore vient d’enchaîner une quatrième victoire consécutive et se retrouve à quelques points des séries éliminatoires, l’enthousiasme du vétéran défenseur cache mal une réalité plus sombre : le vestiaire va perdre des morceaux importants.
Le regard de Matheson en disait long après la victoire à Buffalo. Derrière son sourire et ses déclarations sur l’excitation des séries, il y avait une frustration évidente.
« Comme partisan, comme joueur, les séries sont tellement spéciales. C’est la seule raison pour laquelle tu veux jouer. C’est motivant, c’est excitant. »
Matheson ne peut pas s’empêcher d’être enragé, car il sait que dans quelques jours, son vestiaire ne sera plus le même.
Malgré les succès récents de l’équipe, le DG du Canadien ne veut pas dévier de son plan.
Il a écouté les offres pour Jake Evans, Joel Armia, David Savard et Christian Dvorak. Il sait qu’il peut obtenir des choix et des espoirs pour ces joueurs. Il sait que dans une reconstruction, chaque actif compte.
Mais Matheson et ses coéquipiers ne veulent rien savoir de ces calculs froids et rationnels.
« On veut se battre pour les séries. On veut rester ensemble. » – Nick Suzuki
Le message du vestiaire est limpide, mais Hughes semble sourd aux suppliques de ses joueurs.
Et Matheson le sait. Il l’a vu venir. Il sait que Hughes ne se laissera pas influencer par les émotions et qu’il prendra des décisions impopulaires.
Matheson n’est pas naïf.
Il a vu d’autres vestiaires être brisés en pleine course aux séries. Il sait qu’en 2007, alors que le Canadien se battait pour une place en séries, Bob Gainey avait expédié Craig Rivet à San Jose contre un jeune défenseur du nom de Josh Gorges et un choix de premier tour qui allait devenir Max Pacioretty.
À l’époque, les joueurs du Canadien avaient encaissé le coup de plein fouet.
« Je suis sous le choc, vraiment, parce qu’on perd un gros morceau, un gros joueur, un gros leader. » – Francis Bouillon à La Presse, après l’échange de Rivet
Le vestiaire avait été secoué, et le Canadien avait raté les séries de justesse. Matheson craint que l’histoire se répète.
Il sait que le Canadien n’est pas assuré d’une place en séries, mais il sait aussi que briser cette équipe pourrait avoir des conséquences irréversibles.
Un vestiaire prêt à exploser ?
Le plus inquiétant dans cette histoire, c’est l’impact psychologique sur les joueurs.
Si Hughes tire sur la gâchette et échange Evans, Armia, Savard et Dvorak, quel sera le message envoyé aux joueurs restants ?
Que leur combat ne valait rien ? Que leur désir de gagner est secondaire par rapport à la vision à long terme du DG ?
Le cas des Rangers de New York cette année est un parfait exemple.
Malgré une course serrée aux séries, ils ont échangé Ryan Lindgren et Jimmy Vesey à l’Avalanche. Le vestiaire a été anéanti. Les Rangers ont perdu leur étincelle et vont s'écrouler.
Matheson craint que le même scénario se reproduise à Montréal.
Et il en veut déjà à Hughes.
Hughes a promis de reconstruire cette équipe avec patience et intelligence.
Mais a-t-il promis de sacrifier chaque opportunité de victoire ?
En 2022, il aurait pu échanger Josh Anderson pour un choix de premier tour, un espoir et un joueur établi. Il ne l’a pas fait.
L’an dernier, Mike Matheson valait une fortune sur le marché. Hughes a refusé d’écouter les offres.
Aujourd’hui, il veut échanger Joel Armia, Jake Evans et David Savard, alors que l’équipe se bat encore pour une place en séries.
Matheson voit les contradictions.
Il ne comprend pas.
Et il sait que si Hughes passe à l’action, le vestiaire risque de ne jamais lui pardonner.
Une décision qui pourrait hanter Hughes Dans quelques jours, le sort du Canadien sera scellé.
Soit Hughes écoute son vestiaire et garde l’équipe intacte. Soit il met en marche la vente de feu et brise l’élan du CH.
Ce qui est clair comme de l'eau de roche: Mike Matheson, lui, n’oubliera pas.
Et si Hughes joue au bourreau, il devra vivre avec le regard accusateur de son vestiaire.
Nick Suzuki peut bien chialer… mais sans une vente de feu, il ne serait même pas capitaine du CH.
Le capitaine n’a pas caché son mécontentement après la victoire contre Buffalo. Il l’a dit clairement : les joueurs veulent rester ensemble et ne veulent pas voir leurs coéquipiers sacrifiés à la date limite des transactions.
« Le message de tout le monde qui ne fait pas partie de la direction, c’est qu’on veut rester ensemble. On a montré qu’on peut gagner et être une bonne équipe. Il n’y a pas de raison d’échanger qui que ce soit. »
Un message fort... un cri du cœur du vestiaire...
Mais si Suzuki prend un moment pour réfléchir… il se rendra compte que c’est exactement ce genre de décision qui lui a permis de devenir capitaine du Canadien de Montréal.
Sans la vente de feu de 2007, Suzuki ne serait pas là.
Le Canadien se battait pour une place en séries. Montréal était à égalité avec les Islanders au 8e rang de l’Association de l’Est. Tout indique que l’équipe va fonçait à fond vers le printemps.
Et puis, Bob Gainey a fait ce qui sembaite impensable : il a échangé Craig Rivet aux Sharks de San Jose contre un jeune défenseur inconnu, Josh Gorges, et un choix de premier tour.
Le vestiaire était sous le choc.
Les joueurs ne comprenaient pas. Ils venaient de perdre l’un de leurs piliers défensifs. Le moral en prend un coup, l’équipe enchaîne quatre défaites de suite et manque les séries par deux petits points.
Bob Gainey est alors critiqué de toutes parts.
Mais 18 ans plus tard, qui ose dire que cette transaction était une erreur ?
Ce fameux choix de premier tour acquis des Sharks devient Max Pacioretty. Pacioretty deviendra un pilier offensif du Canadien pendant près d’une décennie.
Six saisons de 30 buts.
Meilleur marqueur du CH pendant des années.
Capitaine de 2015 à 2018.
Puis, en 2018, le Canadien échange Pacioretty aux Golden Knights de Vegas, ce qui permet d'obtenir Nick Suzuki.
Oui, le même Nick Suzuki qui, aujourd’hui, remet en question les décisions de son DG.
Kent Hughes a un argument en béton contre Suzuki. Si Suzuki pense bien à l’histoire du Canadien, il doit se rendre compte d’une chose :
Sans l’échange de Craig Rivet en pleine course aux séries, il n’aurait jamais mis les pieds à Montréal.
C’est un cercle vicieux, mais une réalité cruelle du hockey : parfois, pour construire un avenir meilleur, il faut briser le présent.
Kent Hughes le sait. Et il va frapper.
Matheson, Suzuki, St-Louis… tout le monde va devoir encaisser le choc. Tout le monde s’attend à une vente de feu.
Ils ne l’acceptent pas. Mais c’est la loi du hockey. Les dirigeants pensent à long terme. Les joueurs, à court terme.
Et dans 5 ou 10 ans, quand un jeune joueur acquis grâce aux départs de Joel Armia, Jake Evans ou David Savard sera un élément clé du Canadien, Suzuki réalisera peut-être que Hughes avait raison.
Si Suzuki se fie à l’histoire du CH, il devrait peut-être prendre une grande respiration avant de chialer.