Mardi soir, dans la salle de presse du Centre Bell, le silence de Martin St-Louis entre la question d’Eric Engels et sa réponse fut une confirmation triste : le coach du Canadien de Montréal est désormais prisonnier d’un discours qu’il ne contrôle plus.
Quand Engels a formulé sa question, pourtant posée sans agressivité, sur la confiance de Samuel Montembeault après un match catastrophique, il a fallu moins d'une seconde pour sentir l’inconfort.
Pas besoin d’un langage non verbal poussé ou d’un coach expert en communication pour comprendre ce qui se passait dans la tête de St-Louis. Il n’avait plus rien de nouveau à dire. Mais surtout, il savait que personne ne le croyait plus.
« Sam a doucement amélioré sa confiance… mais après un match comme celui-là, vous ne commencez pas à vous inquiéter ? », a demandé Engels.
La réponse de Martin St-Louis, sans surprise, est tombée dans les clichés qu’il recycle depuis trop longtemps :
« Non, je ne pense pas que je suis inquiet. Je pense que nous avons deux gardiens qui peuvent faire le travail. Nous n’avons pas aidé Monty ce soir devant lui. Je ne suis pas inquiet. »
Mais ce « je ne suis pas inquiet » n’était pas ferme. Il n’était pas confiant. Il était vide.
Pendant que St-Louis tentait de sauver les apparences, les chiffres, eux, s’accumulaient à l’écran. Une autre performance honteuse : quatre buts alloués sur 25 tirs. Une moyenne de buts alloués qui grimpe à 3,52. Un pourcentage d’efficacité qui dégringole à 0,861.
Ce ne sont plus des chiffres anecdotiques. Ce ne sont plus des ratés de début de saison. Ce sont les chiffres d’un gardien qui ne livre plus. D’un gardien qui a régressé. D’un gardien dont les lacunes deviennent tellement évidentes que c'en est rendu malaisant pour tout le monde.
Pour le vestiaire. Pour les médias. Pour les partisans.
Et c’est dans ce contexte que le coach continue, inlassablement, à le défendre, à dire qu’il n’est « pas le seul à blâmer », que « c’est une défaite d’équipe », qu’il « faut être meilleurs devant lui ».
Mais où est la vérité là-dedans ? Où est le leadership ?
Martin St-Louis ne se rend peut-être pas compte à quel point son discours ne passe plus. À quel point il creuse un fossé entre lui et ses partisans en tentant de protéger un joueur qui ne mérite plus ce bouclier.
Car oui, le coach a raison sur un point : le CH a été mauvais défensivement. Mais cela n’explique pas tout. Cela n’excuse pas ces tirs ratés qui finissent dans le filet. Cela n’efface pas ces angles mal couverts, ces retours mal contrôlés, cette incapacité chronique à stopper la séquence négative.
Le tournant du match est clairemant quand Montembeault redonne la rondelle en cadeau sur la palette de Kevin Fiala:
Ce que St-Louis refuse de dire, c’est ce que tout le monde voit. Ce que les fans ont vu en huant Montembeault au Centre Bell.
Ce que la direction d’Équipe Canada voit en rayant son nom de la liste. Samuel Montembeault n’est plus un numéro un dans son équipe. Et il n’est même plus proche de l’être.
Ce que la caméra a capté en montrant Dobeš sur le banc, qui attendant le signal de St-Louis pour sauter sur la glace, pendant que Montembeault s’effondrait devant plus de 20 000 personnes. (encore une fois, St-Louis n'a pas eu le guts de changer Montembeault).
Il y a une limite à protéger un joueur au détriment du reste du groupe. Il y a une limite à cacher la réalité sous le tapis. Le sport professionnel, ce n’est pas une garderie. Et les excuses répétées de Martin St-Louis, soir après soir, ont désormais l’effet inverse.
Elles ne protègent plus Montembeault. Elles l’isolent. Elles envoient le message qu’il est intouchable, même quand il est le maillon faible. Elles le placent dans une position impossible, parce que chaque match devient une validation de son statut d’erreur tolérée.
En plus, St-Louis n’a pas toujours été comme ça. Il a souvent été honnête. Il a déjà critiqué ses défenseurs, ses attaquants, ses unités spéciales.
Il a même remis en question ses propres décisions. Mais avec Montembeault, c’est toujours le silence. Comme si reconnaître sa faiblesse était un aveu d’échec personnel. Comme si sa gestion du poste de gardien était trop ridicule pour être exposé.
Et pourtant, les conséquences sont claires. Dans la tête des joueurs, l’injustice est évidente. Dobeš joue mieux. Fowler brille à Laval. Mais Montembeault, lui, continue d’obtenir des départs, continue d’avoir la faveur du coach, continue de bénéficier d’un traitement que d’autres n’auraient jamais eu.
Comment expliquer aux autres que la performance est la seule monnaie d’échange dans cette équipe, si le poste de gardien y échappe ?
La réalité est sans pitié : le CH a perdu des points précieux à cause de Montembeault. Il a été directement responsable de deux ou trois défaites. Et même dans ses rares victoires, ses statistiques demeuraient indéfendables.
Ce n’est pas de l’acharnement. C’est la réalité. Une réalité que St-Louis refuse de formuler. Et cette diffrence entre ce que voit le public et ce que dit l’entraîneur alimente la frustration. Elle alimente la colère. Elle alimente le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond dans la gestion de cette équipe.
La semaine dernière, Félix Séguin s’est attiré les foudres d’une partie de la population en disant que les partisans qui avaient hué Montembeault étaient des « épais ».
Peu importe ce qu’on pense de cette déclaration, une chose est claire : si les fans en sont rendus à huer un gardien québécois à Montréal, c’est qu’ils n’en peuvent plus. Ils n’en peuvent plus de ce double discours. Ils n’en peuvent plus de voir leur intelligence insultée par des justifications qui ne tiennent plus debout.
Et cette colère, elle ne vient pas de nulle part. Elle vient d’un ras-le-bol. Elle vient du fait qu’en ce moment, l’équipe est divisée en deux : ceux qui performent, et ceux qu’on protège. Et à la tête de cette division, il y a Samuel Montembeault… et Martin St-Louis, qui s’entête à ne rien voir.
Il ne s’agit pas ici de faire de Montembeault un bouc émissaire. Il s’agit de rappeler que l’évaluation des performances doit être équitable. Que les décisions doivent être méritées. Que le leadership, ce n’est pas fuir la réalité pour préserver les sensibilités de ses joueurs. C’est dire la vérité. Même quand elle fait mal.
Et la vérité, aujourd’hui, c’est que Samuel Montembeault ne livre pas la marchandise. Il n’est plus un gardien sur qui une organisation peut bâtir. Il n’est plus un joueur qui mérite la confiance aveugle de son entraîneur.
Et tant que Martin St-Louis refusera de le reconnaître, tant qu’il s’obstinera à sauver les apparences au lieu de prendre des décisions courageuses, il mettra en péril bien plus que la confiance d’un gardien : il mettra en péril la crédibilité de tout son message.
