L’ego de Martin St-Louis a eu le dernier mot : Montréal enterre Arber Xhekaj vivant.
Il fallait entendre le ton, lire entre les lignes, regarder les regards sur la glace pendant l'entraînement. Il n’y a plus de doute.
C’est terminé. C’est définitif. Arber Xhekaj ne portera plus l’uniforme du Canadien de Montréal en séries éliminatoires. Et selon toute vraisemblance, il ne le portera plus jamais.
Les paires et les trios du Canadien de Montréal n’ont pas bougé à l’entraînement ce matin. Rien. Pas un ajustement. Pas un signe d’ouverture. Et c’est justement là que se cache le vrai scandale : il ne se joue pas sur la glace, il se trame hors glace.
Ce que vit Arber Xhekaj en ce moment, ce n’est plus une simple décision sportive. C'est message cinglant envoyé par Martin St-Louis à un joueur qu’il ne veut tout simplement plus diriger.
On le sait tous. Dans les coulisses, dans les gradins, dans les médias. Le Shérif est banni, et ce n’est pas une question de hockey. C’est un règlement de comptes personnel.
Le couperet est tombé comme une bombe. Martin St-Louis l’a dit, sans trembler, sans hésiter, sans compassion apparente : il ne voit pas la nécessité d’intégrer Arber Xhekaj dans son alignement, même après une défaite physique, brutale, dérangeante contre les Capitals de Washington.
Même après avoir vu ses jeunes joueurs intimidés, ses vétérans reculer, ses étoiles éviter les coins de patinoire. Même après tout ça, Saint-Louis s’entête. Il refuse de plier. Il refuse d’écouter la province entière qui demande, supplie presque, pour que le Shérif entre en scène.
Mais rien. Xhekaj ne sera pas là. Pas demain. Pas dans cette série. Peut-être plus jamais.
Pour les partisans, c’est une claque en pleine figure. Pour Arber Xhekaj, c’est une trahison. Et pour Martin St-Louis, c’est un aveu. Un aveu que l’ego est devenu plus important que la mission. Un aveu que la gestion humaine d’un groupe passe après ses préférences personnelles.
Car ne nous méprenons pas : si Xhekaj n’est pas là, ce n’est pas à cause de ses performances sur la glace. Ce n’est pas parce qu’il est inférieur à Jayden Struble ou moins utile qu'Emil Heineman. Ce n’est pas parce qu’il n’a pas ce qu’il faut pour les séries.
C’est parce que Martin St-Louis n’en veut plus. Point.
Il ne veut plus de son attitude. Il ne veut plus de son surnom. Il ne veut plus de son image. Il ne veut plus de son marketing. Il ne veut plus de sa gueule.
Ce divorce ne date pas d’hier. Il a été mijoté, distillé, entretenu depuis plus d’un an. On se souvient tous de l’incident du burger.
Arber Xhekaj avait lancé, avec la complicité de la chaîne La Belle et La Bœuf, un hamburger à son nom, le “Shérif Burger”. Un clin d’œil à son surnom, une célébration sympathique d’un joueur adoré du public. Mais pas de Martin St-Louis.
Non, l’entraîneur-chef n’a jamais digéré cette initiative. Il l’a perçue comme une distraction. Une trahison. Un manque de sérieux. Il n’est même pas allé au lancement. Depuis ce jour, la relation entre les deux hommes est demeurée tendue, froide, cassée.
Saint-Louis a demandé aux joueurs de cesser d’appeler Xhekaj “le Shérif” dans le vestiaire. Il a retiré son nom de l’avantage numérique. Il l’a rétrogradé sans ménagement. Il l’a envoyé à Laval. Puis rappelé. Puis ignoré.
Mais ce qui s’est passé hier soir à Washington est d’une autre ampleur.
Le Canadien a été frappé, ébranlé, malmené. Et pendant ce temps, Arber Xhekaj regardait ça du haut de la galerie de presse. Un spectateur inutile. Un bouc émissaire relégué au statut de passager.
Cole Caufield avait peur dans les coins. Suzuki reculait. Hutson se faisait frapper. Et personne n’était là pour répondre.
Tom Wilson, lui, riait. Il l’a dit après le match : il s’attendait à une réplique. Il s’attendait à croiser le Shérif. Mais non. Martin St-Louis avait décidé de le lui offrir sur un plateau d’argent.
La logique est pourtant implacable. Si tu affrontes Tom Wilson en séries, tu places ton homme fort dans l’alignement. Si ce n’est pas le cas, tu prends un risque. Et Saint-Louis a pris ce risque. Par ego.
Le Québec aime Arber Xhekaj. Le peuple l’adore. Il est le symbole d’une équipe qui s’est construite dans la douleur, qui a émergé de nulle part. Un gars pas repêché. Un dur au cœur tendre. Un enfant de la banlieue devenu une idole nationale.
Et c’est lui qu’on enterre vivant. Parce qu’il n’entre pas dans les plans d’un homme qui veut garder le contrôle total.
Martin St-Louis se comporte comme s’il devait envoyer un message. Un message à ses joueurs. Un message au public. Mais surtout, un message à Xhekaj : “Je suis le boss.”
Pour les partisans, c’est la goutte de trop.
Les commentaires pleuvent sur les réseaux sociaux. Les journalistes s’étonnent. Même les journalistes de Washington trouvent cela ridicule.
Même les joueurs dans le vestiaire semblent étonnés. Il règne un malaise. Tout le monde sait qu’un gars comme Xhekaj aurait pu faire une différence. Pas par ses buts, pas par ses passes. Mais par sa simple présence.
Et maintenant?
Il ne reste plus que deux options.
La première : Martin St-Louis revient sur sa décision. Il admet son erreur. Il habille Xhekaj pour le match numéro trois. Impossible, connaissant le personnage.
La deuxième : Kent Hughes se met au téléphone. Et il prépare un départ.
Déjà, les Flyers de Philadelphie rêvent de Xhekaj. Daniel Brière est un admirateur. Anaheim, Columbus, Chicago, tous pourraient être intéressés.
Et pendant ce temps, Florian Xhekaj, son petit frère, flambe à Laval. Il vient d’atteindre la barre des 23 buts. On dit de lui qu’il est un futur quatrième trio de la LNH. Un joueur qui va cogner, marquer, déranger. Une licorne, comme disent les anglophones.
Mais Arber, lui, est cloué aux gradins. Pour des raisons d’image. Pour des raisons personnelles.
Pour des raisons inacceptables.
Ce que Martin St-Louis vient de faire, c’est signer l’arrêt de mort de Xhekaj à Montréal. Il ne reviendra pas. Peu importe ce qui arrive dans cette série. Même si on le rappelle. Même s’il joue un match.
Le mal est fait. Le message est passé. Il n’est plus désiré.
Et ce n’est pas une décision d’équipe. Ce n’est pas Kent Hughes. Ce n’est pas Jeff Gorton. C’est Martin St-Louis. Lui seul.
Et c’est une erreur monumentale.
Martin St-Louis est un bon entraîneur. Il a ramené le CH à la compétition. Il a redonné un style, une identité. Il a bâti un groupe.
Mais il a aussi ses limites. Il a ses chouchous. Il a ses boucs émissaires. Et il ne pardonne pas. Il gère à l’instinct, à la loyauté, au ressenti. Et parfois, ça fait mal.
Aujourd’hui, c’est Arber Xhekaj qui en paie le prix. Demain, ce sera peut-être un autre.
Mais l’histoire retiendra ceci : au moment où son équipe avait besoin d’un guerrier, Martin St-Louis a choisi de l’ignorer. Pour affirmer son autorité. Pour ne pas reculer.
Et peut-être, juste peut-être, pour nourrir son ego.
C’est son droit. Mais c’est une erreur.
Et c’est une honte.