Pauvre Phil Danault.
Il y a quelque chose d’assez cruel dans cette première image publique du Québécois depuis son retour à Montréal.
Le voilà enfin à Brossard, numéro 24 sur le dos, patins bien affûtés, jambes légères, visiblement en forme après plusieurs jours loin de l’entourage du club.
Phillip Danault donne ses premiers coups de patin avec le CH ce matin à Brossard.
— Patrick Guillet (@PatGuillet) December 22, 2025
Il portera le numéro 24 à nouveau.@DLCoulisses #GoHabsGo #Danault #NHL pic.twitter.com/EpKMPWfBNF
Et pourtant… incapable de déjouer Samuel Montembeault.
Pas une fois. Pas deux. À répétition.
📽🏒 Samuel Montembeault s'entraîne à Brossard ce matin avec Phillip Danault, l'entraîneur des gardiens du Rocket (Marco Marciano), mais avec son chandail du CH.
— DansLesCoulisses (@DLCoulisses) December 22, 2025
Montembeault et Danault semblent en parfaite santé... et les trois se parlent en français. pic.twitter.com/ywjk28AJET
Comme si le hockey avait décidé de jouer avec les nerfs de tout le monde en même temps. Sur papier, tout était pourtant aligné.
Le Canadien venait de quitter Pittsburgh avec trois points sur quatre possibles face au groupe de Sidney Crosby, un court vol de nuit vers Boston, une arrivée tardive à l’hôtel, et une journée de congé parfaitement logique accordée par Martin St-Louis.
Pas d’entraînement officiel. Pas de routine lourde. Mais pendant que le reste du vestiaire récupérait à Boston, deux trajectoires se sont croisées sur la glace de Brossard, loin des caméras principales, mais sous l’œil attentif de ceux qui savent exactement quoi regarder. Danault, d’abord.
Physiquement, il n’y a rien à redire. Aucun signe de virus, aucune trace de blessure. Le patin est fluide, le tempo est bon, l’intensité est réelle. On est loin d’un joueur qui traîne un corps fatigué ou un esprit ailleurs.
Phillip Danault met les bouchées doubles. Il semble en très bonne forme.@DLCoulisses #GoHabsGo #Danault #NHL pic.twitter.com/IXmwltRQpr
— Patrick Guillet (@PatGuillet) December 22, 2025
Il met les bouchées doubles, comme quelqu’un qui sait très bien qu’il n’a pas le luxe de prendre son temps. Son dernier match remonte au 10 décembre avec les Kings, et malgré l’inactivité forcée, officiellement malade, officieusement protégé en vue d’une transaction, il n’avait rien d’un joueur rouillé ce matin.
Tout indiquait un vétéran prêt à embarquer dès demain à Boston, surtout avec la blessure de Jake Evans qui vient redistribuer les cartes au centre.
Et pourtant, chaque séquence racontait la même histoire. Les tirs partaient bien. Les intentions étaient là. Mais la rondelle ne passait pas. Montembeault fermait la porte.
Encore. Et encore. Plus d’arrêts que de buts accordés, dans un exercice où, soyons honnêtes, l’attaquant a habituellement l’avantage.
C’est là que le malaise commence à s’installer, parce que ce n’est pas seulement une anecdote d’entraînement. C’est un symbole.
Sur les réseaux sociaux, la scène a rapidement pris une tournure presque moqueuse.
« Même Montembeault… »
« Même à l’entraînement… »
« Zéro but, ça continue. »
Le narratif est cruel pour Danault, qui traîne déjà le poids de cette saison sans but comme une étiquette collée au front.
Et ce qui rend la situation encore plus piquante, c’est que ce même Montembeault est constamment décrit comme le maillon faible, le pire gardien de la LNH qu’on veut remplacer, celui qu’on veut tasser pour faire place au duo du futur.
Voir Danault, fraîchement débarqué, incapable de le battre, alimente tous les sarcasmes possibles. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Parce que du côté de Montembeault, cette séance avait une tout autre signification. On se souviendra que le plan initial était de le faire voyager vers Pittsburgh.
L’état-major a changé d’idée à la dernière minute, préférant le ramener à Montréal avec le bus du Rocket. Version officielle : éviter du voyagement inutile.
Version réelle : le départ était déjà décidé. Dobeš hier. Fowler demain. Fowler venait de signer un jeu blanc, Dobeš sortait de deux matchs solides, et Montembeault n’avait tout simplement plus de chaise disponible à court terme.
Ce matin à Brossard, ce n’était donc pas un simple entraînement. C’était un rappel à l’ordre. Une tentative de reconstruction.
Sous la supervision de Marco Marciano, Montembeault a montré quelque chose de différent. Plus compact. Plus calme.
Moins d’hésitation dans ses déplacements latéraux. On sentait un travail ciblé sur des détails qui le trahissaient depuis des semaines, notamment du côté de sa mitaine.
Rien de spectaculaire, mais beaucoup d’efficacité. Et le fait qu’il tienne tête à Danault, même si ce n’est qu’un entraînement, vient nourrir un discours qui commence tranquillement à émerger : Montembeault n’est peut-être pas aussi fini qu’on aime le croire.
Ce qui est fascinant, c’est la collision des récits. Danault, le vétéran censé stabiliser le Canadien, arrive avec une disette offensive lourde à porter… et se bute immédiatement à un gardien que toute la province pousse vers la sortie.
Montembeault, le gardien au fond du trou, profite justement de l’arrivée de Danault pour regagner un peu de confiance, arrêter des rondelles, reprendre du terrain mental.
Chacun devient, malgré lui, l’outil de rédemption de l’autre. Même du côté des Kings, certains partisans sourient en coin.
Eux aussi voyaient Danault incapable de battre Montembeault sur les images circulant en ligne, renforçant leur propre narratif : un joueur en perte de vitesse, des mains lourdes, une touche offensive disparue.
Évidemment, il serait absurde de tirer une conclusion définitive à partir d’un entraînement matinal à Brossard. Mais dans l’univers impitoyable des perceptions, ces images collent vite.
La vérité, c’est que ce moment résume parfaitement l’état actuel du Canadien. Rien n’est simple. Rien n’est linéaire.
Chaque solution vient avec sa contradiction. Danault va aider le club, c’est presque une certitude, notamment défensivement et dans la gestion des missions difficiles.
Mais il arrive avec une pression immédiate : prouver que son zéro but n’est pas une fatalité. Montembeault, lui, n’est peut-être pas mort sportivement, mais il joue maintenant contre le temps, contre la patience de l’organisation et contre l’enthousiasme populaire pour le duo Fowler-Dobes.
Et au milieu de tout ça, une simple séance d’entraînement à deux joueurs devient un miroir cruel : le vétéran qui cherche un nouveau départ n’arrive pas à battre le gardien qu’on veut enterrer. Le gardien qu’on veut enterrer arrête tout face au vétéran qu’on attend comme un sauveur.
Bienvenue à Montréal.
