Sidney Crosby abandonne ses coéquipiers: Montréal construit son offre

Sidney Crosby abandonne ses coéquipiers: Montréal construit son offre

Par David Garel le 2025-12-21

Sidney Crosby a abandonné. Sur la glace. Devant tout le monde. Au Centre Bell.

On peut toujours faire semblant de ne pas l’avoir vu. On peut parler de séquence difficile, de confiance fragile, de système défaillant.

Mais quand même Sidney Crosby, en avantage numérique, décoche deux tirs mous, sans conviction, sans hargne, sans rage, alors que son équipe est en train de sombrer, le message est clair : le cœur n’y est plus. Le moteur émotionnel est éteint.

Les Penguins ne sont pas seulement en train de perdre. Ils sont en train de se vider.

À la fin octobre, Pittsburgh trônait au sommet de l’Association de l’Est. Aujourd’hui, l’équipe est à trois points de la cave.

Huit défaites de suite. Des avances de quatre et trois buts gaspillées contre San Jose et l’Utah. Deux blanchissages consécutifs à Ottawa et à Montréal. Vingt revirements au Centre Bell. En troisième période, alors que le Canadien menait 3-0, il n'y avait aucun sentiment d’urgence. Même Crosby semblait ailleurs.

« Ce n’est facile pour personne, mais on doit tourner la page », a répété l’entraîneur-chef Dan Muse. On survit au jour le jour.

Et dans ce contexte-là, Sidney Crosby n’a pas simplement mal joué. Il a cessé de croire. Un leader peut être frustré. Il peut être fâché. Mais quand il cesse de pousser, quand il cesse de tracter le groupe, quand il tire sans intention, c’est qu’il a déjà tourné une page intérieurement.

Et cette page mène à Montréal.

Parce que le rêve n’a jamais disparu. Il a seulement été mis sur pause.

Crosby était à un point de dépasser Mario Lemieux. À Montréal. Devant son père. Devant l’organisation qu’il idolâtrait enfant. Lemieux, son mentor, est né ici. Troy Crosby a porté les couleurs du Canadien. 

Et son équipe a "choké" sur toute la ligne. Ils ont abandonné leur capitaine... qui a décidé de les abandonner à son tour...

Le père, avant le match, ne cachait plus rien.

« Le Canadien était l’équipe favorite de Sidney quand il était enfant. Mario vient d’ici. C’est une situation unique. »

Imaginez à quel point il devait être en furie de voir que son fils voyait son moment historique gâché par une équipe digne de la ligue américaine.

Crosby n’est pas en fin de carrière. Il est encore productif. Trois saisons consécutives de plus de 90 points. Plus d’un point par match cette année. Ce n’est pas un vétéran qu’on traîne. C’est un joueur d’impact qui a perdu foi en son environnement.

Et quand un joueur comme Crosby décroche mentalement, une organisation sérieuse commence à écouter.

C’est là que Kyle Dubas entre dans l’équation. Le DG des Penguins n’est pas sentimental. Il est froid et sans pitié. Il n'en a rien à cirer des états d'âme de la famille Crosby. Et samedi, au Centre Bell, il a vu quelque chose de très important.

Il a vu Owen Beck.

Beck n’est pas un futur Crosby. Personne ne prétend ça. Mais Beck a fait exactement ce qu’un jeune doit faire quand un DG adverse le regarde : il a refusé de disparaître. Deux tirs. Trois mises en échec. 13 minutes de jeu. Un premier vrai but, net, sans contestation. Et surtout, une attitude.

« Les échanges, ça arrive. C’est une business. J’essaie de me concentrer sur ce qui est entre mes mains. » a affirmé Beck en parlant de la transaction de Phil Danault qui le repousse encore plus loin dans la hiérarchie.

Dubas a vu un centre responsable, rapide, coachable, qui comprend le jeu sans rondelle. Il a vu un actif crédible, pas juste un simple throw-in. Est-ce que Beck est la clé du dossier Crosby? Non. Mais il a pris de la valeur. Et ça change la dynamique.

Contrairement à ce que plusieurs pensent, l’acquisition de Phillip Danault ne tue pas le rêve Crosby. Elle le clarifie.

Danault stabilise le centre à court terme, mais seulement de façon défensive. Il permet au CH de ne pas être en position de faiblesse. Il empêche Montréal de surpayer par panique. Et surtout, il donne au Canadien le luxe de dire non à ce qui compte vraiment.

Parce que la ligne rouge est claire. Elle a un nom : David Reinbacher.

Reinbacher ne doit pas bouger. Point final. C’est le nerf de la guerre. Tout le reste est négociable. Beck? Oui. Choix de première ronde 2026? Oui. Un autre espoir en défense? Oui. Mais Reinbacher, non. Et le Canadien a maintenant les moyens de tenir cette ligne.

Pourquoi? Parce que le bassin d’espoirs est plus profond que jamais.

Bryce Pickford est en feu dans la OHL. Défenseur offensif, mentalité de tueur, ultra-compétitif, il est le joueur de l'heure dans la OHL en ce moment. 

« Il a une mentalité différente. Quand tu l’as de ton côté, il est all in » affirme son coach Willie Desjardins.

25 buts, 19 passes, 44 points en 31 matchs. Il est clair que le défenseur droitier est dans la mire des Penguins.

Pickford n’est pas soft. Il joue avec un feu intérieur qui rappelle les grands compétiteurs obsédés. Ce genre de profil a une valeur énorme dans un package, même si ce n’est pas lui qu’on veut sacrifier. Et il n'est pas le seul qui peut séduire les Penguins.

Owen Protz. Le futur shérif. 6’2, 207 livres. Discipline. Robustesse. Intelligence. Statistiques avancées supérieures à Arber Xhekaj dans toutes les catégories. Protz frappe comme un train, mais sans se mettre hors position. Il fait déjà trembler la hiérarchie interne.

Lui aussi met énormément de poids dans un possible "package deal", surtout depuis qu'Arber Xhekaj joue du meilleur hockey.

Le Canadien n’est plus coincé pour une transaction Montréal-Pittsburgh. Il est armé même s'il ne sacrifie pas David Reinbacher.

Alors quand on met tout ensemble, la chute mentale des Penguins, le décrochage visible de Crosby, le regard de Dubas sur Beck, la profondeur d’espoirs à la ligne bleue, la décision ferme de protéger Reinbacher, le scénario change.

Sidney Crosby n’a pas abandonné le hockey.

Il a abandonné Pittsburgh.

Et Montréal, malgré Danault, malgré le plafond, malgré la complexité, est redevenu une option réelle. On ne dit pas que ce sera facile.

Mais le rêve n’est pas mort.

Il vient de sortir de l’ombre.