Scène dans un bar montréalais: l’avenir de Sidney Crosby fait jaser

Scène dans un bar montréalais: l’avenir de Sidney Crosby fait jaser

Par David Garel le 2025-12-03

Il aura suffi d’une seule vidéo. Une séquence de quelques secondes, tournée dans un bar montréalais par un fan un peu trop excité, pour que Montréal se retrouve une fois de plus au banc des accusés.

Et cette fois, ce ne sont même pas les partisans du CH qui s’enflamment : ce sont… les partisans des Penguins de Pittsburgh. Ceux-là mêmes qui, depuis des mois, répètent que Sidney Crosby ne mettra jamais les pieds à Montréal autrement qu’en visite.

Et à voir la réaction disproportionnée de ces fans, on comprend à quel point une simple vidéo peut être utilisée pour salir une ville et un marché au complet.

La scène, pourtant, est banale. Quelques joueurs du Canadien (Cole Caufield, Jakub Dobes, Juraj Slafkovsky) sont assis autour d’une table d'un bar, en train de décrocher après un match, de respirer un peu, de profiter d’un rare moment de normalité dans une saison où ils sont scrutés du matin au soir.

Et là, un adulte, pas un enfant, pas un ado maladroit, mais un jeune homme visiblement éméché par la boisson, qui devrait connaître les codes de respect,  sort son téléphone, les filme à quelques centimètres du visage et capte leur malaise en direct.

Un instant d’inconfort, amplifié par les réseaux sociaux. Rien de plus.

Sauf que cet instant-là a été récupéré avec une vitesse fulgurante par un groupe inattendu : les fans des Penguins.

En quelques minutes, les commentaires ont fusé sous la vidéo, et un narratif absurde est né :

 « Voilà pourquoi Crosby ne voudra jamais aller jouer à Montréal. Il déteste que sa vie privée soit bafouée. Montréal est toxique. Montréal est envahissante. Montréal ne mérite pas une superstar. »

On pourrait rire, si ce n’était pas si ridicule.

Car imaginer que Sidney Crosby, un athlète qui a joué quinze ans dans une ville où il ne peut même pas faire son épicerie sans attirer une foule, refuserait Montréal à cause d’une vidéo tournée par un fan maladroit, c’est pousser la mauvaise foi à un niveau olympique.

Ce n’est même plus de l’analyse; c’est de la panique préventive. Les partisans des Penguins sentent que la fin se rapproche.

Ils voient Pittsburgh glisser doucement vers une reconstruction. Ils voient le nom de Crosby circuler à Montréal. Et ils cherchent désespérément un prétexte pour se convaincre que jamais, ô grand jamais, leur capitaine ne partirait.

Alors ils prennent cette vidéo et ils en font un "stunt" anti-Montréal.

Et les partisans des Penguins prennent les titres des blogues sensationnalistes montréalais pour faire valoir leur point.

Dans leur version déformée de l’histoire, les joueurs du CH auraient « perdu patience », se seraient « énervés », auraient « réagi violemment ».

Des titres scandaleux ont même fleuri : « On a les images », comme si le Canadien au complet avait échappé un scandale monumental.

Pourtant, les images montrent tout le contraire : quatre gars qui restent calmes, polis, respectueux, malgré une caméra collée à deux doigts de leur visage.

Quatre gars qui n’élèvent pas le ton, qui ne se lèvent pas d’un bond, qui ne confrontent personne. Quatre gars qui font exactement ce que des professionnels doivent faire dans un marché intense : ils respirent, ils absorbent, ils passent à autre chose.

Mais non, on a plutôt pris ces quelques secondes de maturité et on les a transformées en outil de propagande. Et pire encore : on a laissé le loisir aux fans de Pittsburgh de s’en servir pour faire la morale à Montréal.

La vérité est pourtant simple. Oui, Montréal est un marché exigeant. Oui, les joueurs ne peuvent pas traverser la ville incognito comme à Columbus ou Anaheim. Oui, certains fans dépassent parfois les limites.

Mais de grâce, qu’on ne vienne pas nous faire croire que c’est propre à Montréal. Pittsburgh, Boston, Toronto, New York, Vancouver… ce genre de scène existe partout. Sauf qu’ici, la lumière est plus forte. Tout se voit, tout se filme, tout se partage. Et malheureusement, tout se déforme.

Ce qui dérange dans cette histoire, ce n’est pas la vidéo elle-même, c’est ce qu’elle révèle. Elle expose une réalité que les dirigeants du Canadien savent depuis longtemps : si tu veux jouer à Montréal, tu dois accepter que ta vie privée sera parfois envahie.

C’est un échange. Un pacte amour-haine.

Tu reçois l’amour, la passion, la reconnaissance, l’histoire. Mais tu donnes de ton espace personnel. Ce n’est pas nouveau. Et pourtant, les joueurs du CH, eux, l’acceptent de plus en plus, justement parce que la culture interne est devenue saine, protectrice et équilibrée.

Mais pour les fans des Penguins, cette vidéo tombe à point. Elle devient l’argument ultime pour repousser l’idée que Crosby puisse un jour venir jouer ici. Comme si une ville entière était résumée à un fan maladroit dans un bar. Comme si l’avenir de Sidney Crosby dépendait d’un iPhone braqué au mauvais moment.

C’est ça, le problème.

Ce n’est pas Montréal qui sort perdante dans cette histoire. Ce sont ceux qui, incapables d’affronter la possibilité que leur capitaine parte un jour, se mettent à inventer des raisons absurdes pour expliquer pourquoi il n’ira jamais ailleurs.

Alors oui, cette vidéo donne une mauvaise image. Pas de Montréal. Pas des joueurs. Pas du marché.

Elle donne une mauvaise image de ceux qui l’utilisent pour déformer la réalité.

Les joueurs du CH ont été exemplaires. Ils n’ont pas perdu patience. Ils n’ont pas confronté le fan. Ils ont simplement fait ce que des joueurs matures font : ils ont gardé leur calme. Montréal n’a pas mal réagi. Montréal n’a pas explosé. Montréal n’a pas montré une face qu’elle regrettera.

Ce sont les autres qui ont montré la leur.

Et si les fans de Pittsburgh croient vraiment qu’une vidéo de dix secondes peut empêcher Sidney Crosby de décider où il veut finir sa carrière, c’est qu’ils ont beaucoup plus peur de Montréal qu’ils ne veulent l’admettre.