Ce devait être le début d’un nouveau chapitre, d’un coup de théâtre estival qui allait faire trembler le Canada anglais.
John Tavares à Montréal. C’était beau. C’était grand. C’était irréaliste.
Et John Tavares vient de tout détruire.
À la veille d’un match crucial contre les Panthers de la Floride, dans le cadre d’une série tendue, le capitaine des Maple Leafs a craqué.
On lui a posé LA question. Celle qui revenait en boucle dans les médias francophones depuis que Pierre Dorion avait osé la lancer en ondes : « Et si Tavares quittait Toronto pour Montréal ? »
Mais cette fois, ce n’est pas un silence poli ou une réponse politique que Tavares a offert. C’est un démenti rageur. Un rejet sans pitié. Une mise au point brutale.
« Jamais, au grand jamais, je ne veux quitter Toronto. Je n’ai jamais pensé à trahir cette équipe, ni ces partisans. »
« J’ai toujours dit que je voulais rester ici. Je suis pleinement engagé envers cette équipe, et même si l’organisation veut prendre son temps — ce que je comprends totalement — ils savent comment je me sens. »
Bang. L’histoire est finie. Même s'il ne parlait pas de Montréal précisément, on comprend le message.
Les mots sont durs. Ils sont clairs. Et ils claquent comme une gifle en plein visage du Québec médiatique. Parce que depuis deux semaines, cette hypothèse enflait.
Tavares à Montréal, c’était devenu la rumeur la plus brûlante de la province. Pas seulement parce qu’elle avait une certaine logique sportive, mais parce qu’elle nourrissait ce vieux fantasme d’inverser les rôles, de voler un fils prodige à la maison ennemie.
Les médias de Montréal avaient mis le feu aux poudres. Quatre ans, 36 millions de dollars. Un contrat de luxe pour offrir à Ivan Demidov un vrai centre vétéran. Un plan simple, efficace, presque séduisant… s’il n’était pas complètement déconnecté de la réalité.
Depuis le début de sa carrière, John Tavares est un joueur de loyauté. Il l’a démontré à Long Island en portant les Islanders sur ses épaules pendant près d’une décennie.
Il l’a démontré encore plus en signant à Toronto pour des raisons personnelles, familiales, affectives. Il ne l’a jamais caché : enfiler le bleu et blanc des Leafs, c’était son rêve d'enfant. C’est devenu son combat d’adulte.
Penser qu’il allait abandonner cette mission à 35 ans, alors qu’il est encore productif, c’était méconnaître l’homme. Et c’était le sous-estimer.
« Je suis prêt à faire des sacrifices financiers pour rester ici. Ce n’est pas une question d’argent. C’est une question de cœur. »
Voilà qui clôt le dossier. Il est prêt à gagner moins pour rester. Il est prêt à faire fi du marché des agents libres. Il est prêt à ignorer les sirènes de Montréal et de n’importe qui.
Il veut rester là, à Toronto. Même si les médias lui tombent dessus. Même si les fans hurlent après lui à chaque erreur en séries. Même parce qu'il s'est fait traiter de joueur fini à qui mieux mieux quand ça allait mal chez les Leafs. Il veut finir ce qu’il a commencé.
Et pourtant, Montréal le voulait.
Ce rejet est brutal, justement parce qu’il venait d’un espoir sincère. À Montréal, on avait commencé à se convaincre que ce n’était pas impossible.
Après tout, le CH a besoin d’un deuxième centre. Après tout, Tavares connaît bien le hockey québécois. Après tout, il pourrait venir jouer un rôle de mentor aux côtés de Demidov.
Mais non. Il a dit non. Il a dit « jamais ».
Et il faut maintenant faire le deuil de ce rêve impossible.
Ce qui a frappé dans la sortie de Tavares, ce n’est pas seulement le contenu. C’est le ton. Il était visiblement agacé. Comme si cette rumeur l’avait atteint personnellement. Comme s’il vivait cette spéculation comme une trahison médiatique.
Et dans un sens, il n’a pas tort.
Quand tu es au cœur d’une série éliminatoire, quand ton équipe lutte pour sa survie, quand tu es le capitaine, tu n’as pas envie qu’on te parle de ton avenir, surtout pas dans une autre organisation.
Lui, il veut gagner. Maintenant. Avec Toronto. Le reste, il n’en a « rien à faire », pour reprendre ses propres mots.
Il faut donc le dire, sans détour : Tavares ne viendra pas. Tavares ne veut pas venir. Et même si on lui offrait une statue sur la Place du Centenaire, il dirait non.
La réaction de Tavares, aussi cinglante soit-elle, a au moins un mérite : elle oblige Kent Hughes à revenir sur terre. Le CH ne pourra pas attirer un vétéran étoile avec un contrat juteux. Ce n’est pas réaliste. Il faudra viser autrement.
Il y a Sam Bennett sur le marché des agents libres. Il y a Matt Duchene en plan B. Il y a Sidney Crosby sur le marché des transactions. Il y a Pavel Zacha. Bo Horvat. Mathew Barzal. Ryan O’Reilly. Il y a des options.
Mais la rumeur Tavares a servi de rappel cinglant : Montréal n’est pas encore redevenu un marché de premier plan. Pas pour les gros poissons. Pas pour les gars de 35 ans qui veulent gagner tout de suite. Pas pour ceux qui ont des racines ailleurs.
C’est aussi une mise en échec pour Pierre Dorion, qui avait lancé que le CH devait absolument signer Tavares, quitte à le surpayer.
Son passage à la radio avait réveillé tous les espoirs. Mais il est clair aujourd’hui qu’il a lancé une rumeur sans fondement, sans consultation, et sans tenir compte de la personnalité du joueur.
Tavares n’a pas aimé. Et il l’a fait savoir.
Rappelons-le : John Tavares est toujours productif. Il a terminé la dernière saison avec 64 points. Il en a 7 en 10 matchs lors des séries, dont 5 buts.
Il est encore utile en avantage numérique. Il est encore bon aux mises au jeu. Et surtout, il est respecté dans le vestiaire. Personne à Toronto ne veut vraiment le voir partir.
Et lui, il ne veut pas partir. Pas maintenant. Pas à ce stade de sa carrière.
Tavares à Montréal? C’est terminé. Enterré. Rayé de la liste.
Comme Stamkos. Comme Kopitar. Comme Getzlaf, jadis. Des noms qui font rêver… mais qui n’atterrissent jamais au Centre Bell.
C’est ça, la réalité du CH. On doit construire autrement.
Mais peut-être que ce rejet est une bénédiction déguisée.
Signer Tavares pour 36 millions? Cela aurait été une catastrophe salariale.
En refusant Montréal, John Tavares vient peut-être de forcer Kent Hughes à faire le bon choix.
John Tavares ne jouera jamais à Montréal. Il ne trahira jamais Toronto. Il ne deviendra jamais le mentor de Demidov. Il ne portera jamais le bleu-blanc-rouge.
Et c’est bien ainsi.
Maintenant, il faut tourner la page. Le rêve est fini. Mais le plan B peut devenir un chef-d’œuvre, si Hughes joue ses cartes comme il sait le faire.
Tavares a fermé la porte. À Kent Hughes d’ouvrir les bonnes.