C’est une scène que personne n’aurait osé imaginer il y a encore quelques mois.
John Tavares, le capitaine des Maple Leafs, rejeté par sa propre ville. Bousculé par les médias. Jeté en pâture sur les réseaux sociaux. Et aujourd’hui? C’est le Canadien de Montréal qui pourrait lui tendre la main.
Le même John Tavares qui avait fait la une de tous les journaux en 2018 en tournant le dos aux Islanders pour signer à Toronto. Celui qui avait ramené l’espoir dans la Ville Reine. Celui qui arborait fièrement le pyjama des Leafs dans son lit d’enfant est maintenant à mille lieues d’une prolongation de contrat.
Et le vestiaire du CH, désespérément à la recherche d’un centre capable d’épauler Ivan Demidov, pourrait bien devenir sa nouvelle maison.
Depuis plusieurs semaines, les discussions entre John Tavares et les Maple Leafs piétinent. Selon Pierre LeBrun, les deux clans sont « très loin d’une entente ».
Le problème? Le salaire, évidemment. Toronto aimerait le revoir, mais à prix plancher. Tavares, lui, est prêt à faire des compromis, mais pas à s’humilier financièrement.
Jeudi dernier, LeBrun a précisé sur TSN que Tavares n’acceptera pas un contrat à 5 millions de dollars par saison que s’il est de longue durée. Or, les Leafs ne veulent pas s’engager pour plus d’un an ou deux. Et pas à ce prix.
Tavares a pourtant livré une saison de 74 points en 75 matchs.
Il a aussi amassé 7 points (5 buts) en 13 matchs lors des dernières séries éliminatoires,
Mais les chiffres peuvent parfois masquer une réalité inconfortable. Oui, John Tavares a inscrit 5 buts et 2 passes pour un total de 7 points en 13 matchs lors des séries éliminatoires de 2025.
Mais ce que les partisans des Leafs retiennent, c’est où et quand ces points ont été produits. Contre les Sénateurs d’Ottawa, au premier tour, Tavares a livré une performance incroyable (5 points en six matchs), incluant deux buts importants en supériorité numérique.
Mais c’est en deuxième ronde, contre les Panthers de la Floride, que tout s’est écroulé. En sept matchs face à une équipe rugueuse et disciplinée, Tavares n’a amassé que deux points (un but en avantage numérique dans le match #2, et une passe secondaire dans le match #4).
Pire encore, il a terminé cette série avec un différentiel de -5, et a cumulé 6 de ses 13 revirements en séries contre la seule équipe des Panthers.
Dominé physiquement par Sam Bennett et neutralisé défensivement par Aleksander Barkov, Tavares est devenu la cible idéale des critiques. Le capitaine n’a pas ralenti : il s’est figé. Et à Toronto, ce genre de silence en deuxième ronde, contre l’équipe qui les avait déjà humiliés l’année précédente, ne passe pas.
Cette sortie médiatique a enflammé Toronto. Partout, les critiques pleuvent. Sur les forums, sur X, dans les talk-shows. Le capitaine est devenu un fardeau. Trop lent. Trop vieux. Trop payé. Et pourtant, trop poli pour répliquer.
Ce qui blesse le plus, ce n’est pas le contrat. C’est l’humiliation. Tavares, 34 ans, voulait finir sa carrière à Toronto. Il l’a dit. Il l’a répété. Il était prêt à faire un sacrifice. Sa famille vit là. Ses enfants vont à l’école là. Mais la haine médiatique a traversé les murs de sa maison. Son entourage en souffre. Sa conjointe en parle à ses proches. Ses enfants posent des questions.
Et dans tout ce chaos, le CH observe.
Montréal, un refuge inattendu?
Depuis le début de l’été, Kent Hughes cherche un centre. Un vrai. Pas Jake Evans. Pas un espoir B comme Owen Beck. Pas le flop Kirby Dach. Un joueur fiable, vétéran, capable de tenir le fort en attendant que Michael Hage prenne la relève.
Tavares coche plusieurs cases. Leader. Expérimenté. Productif. Et surtout, parfait pour encadrer Ivan Demidov, le joyau russe qui arrive dans l’enfer médiatique montréalais.
Il n’y a pas mille options. Sam Bennett est quasiment intouchable en Floride. Ryan O’Reilly coûte cher à Nashville pour une transaction. Sidney Crosby? Le rêve ultime, mais les chances sont minces.
Tavares, lui, est libre au 1er juillet. Et il commence à regarder ailleurs.
C’est là que le délire a commencé. Jean-Charles Lajoie a proposé que le CH offre 36 millions sur 4 ans à Tavares. Soit 9 millions par saison jusqu’à ses 39 ans.
Une proposition complètement déconnectée de la réalité. Tavares n’a jamais été rapide. Il ne l’est plus du tout. Et même s’il marque encore, son corps ne tiendra pas jusqu’à 39 ans.
Ce contrat serait un désastre financier pour le CH.
L’erreur des années Marc Bergevin avec les contrat d'Anderson, Gallagher, Alzner, Price, ne doivent pas être répétée. Montréal n’a plus le luxe de signer un vétéran en déclin à long terme.
Mais cela ne signifie pas que Tavares doit être rayé de la carte. S’il accepte un contrat trois ans à 6 ou 7 millions, le coup devient stratégique.
Il remplit un besoin immédiat. Il protège Demidov du feu médiatique. Il stabilise un vestiaire jeune. Il donne à Martin St-Louis un centre fiable qui peut gagner ses mises en jeu, jouer sur le deuxième avantage numérique et parler à la presse avec calme.
Et surtout… il envoie un message fort à Toronto.
Une vengeance élégante?
Et si, après avoir été crucifié par sa ville natale, Tavares décidait de les faire payer?
Signer à Montréal, ce serait leur envoyer un message cinglant. Juste en traversant la frontière psychologique la plus taboue du hockey canadien.
Un ancien capitaine des Leafs… qui termine sa carrière au Centre Bell.
Tavares n’est pas du genre revanchard. Mais il est fier. Il est blessé. Et ce genre d’insulte publique, injuste, démesurée, peut marquer un homme à jamais.
Même s’il aime encore Toronto, il n’y a rien de plus libérateur que de faire comprendre à une organisation qu’elle vous a sous-estimé.
Hughes devra être prudent. Pas question de signer Tavares à n’importe quel prix. Mais si le vestiaire le demande, si Demidov a besoin d’un modèle, si Hage tarde à arriver… alors oui, Tavares devient une option logique.
Il a encore du hockey en lui. Il a encore 20 ou 25 buts dans son bâton. Et surtout, il a une revanche à prendre, pas contre un adversaire, mais contre une mentalité toxique qui l’a rejeté sans ménagement.
Le 1er juillet approche. Tavares n’a toujours pas signé. Les Leafs traînent les pieds. Ils regardent ailleurs. Eux aussi se méfient d’un contrat trop long. Eux aussi veulent tourner la page.
Et pendant ce temps, à Montréal, la pression monte. Le public veut un centre. Martin St-Louis en a besoin. Et les options s’amenuisent.
Alors… pourquoi pas John Tavares?
Pourquoi pas un joueur qui connaît la pression? Qui sait ce qu’est une meute médiatique? Qui peut calmer la tempête et inspirer le calme?
Ce serait une véritable bombe.
Toronto l’a trahi. Montréal peut l’accueillir.
À condition de ne pas payer 36 millions. À condition de ne pas tomber dans le piège de l’illusion.
Mais à condition de comprendre que John Tavares a encore quelque chose à offrir. Et que le feu sacré, chez certains hommes, brûle plus fort quand tout le monde les croit finis.