Kent Hughes n’a pas seulement répondu au journaliste Eric Engels de Sportsnet lors de la rencontre des directeurs généraux à Détroit.
Il a lancé une série de messages sans pitié, ciblés, assumés. Des messages qui, en coulisses, expliquent bien des comportements qu’on a vus cet été chez certains joueurs, notamment Patrik Laine.
Car si le Finlandais a transpiré comme jamais au gym et sur la glace, c’est qu’il avait été « ramassé » par son directeur général dans les réunions de fin de saison.
Tout commence par cette déclaration, sans filtre, où Hughes explique ce qu’il a dit à Laine :
« Patrik est un joueur incroyablement doué et talentueux. Nous avons tous vu ça chez lui. Dans les conversations que j’ai eues avec lui lors des réunions de sortie, puis encore, je ne me souviens plus si c’était fin mai ou début juin, je lui ai dit : Hey, pense aux aspects de ton jeu que tu dois améliorer pour pouvoir jouer de façon plus régulière. »
Et Hughes a poursuivi, sans détour :
« Je pense que dans le cas de Patrik, les réponses sont tellement évidentes. Je crois fermement que s’il est capable d’apporter ces changements à son jeu, il va connaître une bien meilleure saison. Et je pense qu’il est à 100 % d’accord. »
Ce n’est pas un hasard si Laine a multiplié les séances cet été avec Adam Nicholas, le directeur du développement des joueurs. Hughes lui a même donné un mode d’emploi précis :
« Une des choses dans le hockey, c’est que le jeu est tellement instinctif. Parce que la vitesse et les systèmes font en sorte que beaucoup devient instinctif, ce qui rend les changements plus difficiles.
Et c’était mon but en parlant à Patrik : lui dire N’attends pas octobre, quand tu es en matchs et que tu dois réagir par instinct. Commence maintenant, en hockey d’été, en développement.
Chaque fois que tu es sur la glace, concentre-toi là-dessus, demande à Adam de t’en parler, et qu’il te donne les répétitions pour bien faire. Comme ça, tu deviendras plus conscient quand tu fais mal les choses et tu pourras corriger. »
Voilà pourquoi Laine a trimé comme jamais. Voilà pourquoi il est arrivé transformé à Brossard. Hughes l’a piqué à vif.
Dans les coulisses, le clan Laine pousse pour sécuriser l’avenir du Finlandais avec un contrat de huit ans évalué à environ 40 millions de dollars, soit 5 millions par saison.
Une sorte de « contrat rabais », qui garantirait à l’attaquant une stabilité jusqu’à la fin de sa carrière tout en permettant au Canadien de profiter d’un cap hit raisonnable.
Mais Kent Hughes, fidèle à sa ligne dure, ne serait pas chaud à l’idée d’attacher la masse salariale du club à long terme.
Le DG du Canadien préfère explorer l’option d’un contrat plus court, pour que Laine prouve, ou non, qu’il peut redevenir une valeur sûre à cinq contre cinq. Entre la volonté du joueur d’assurer sa retraite dorée et la prudence stratégique de Hughes, le bras de fer est bien entamé.
Mais le DG du Canadien ne s’est pas arrêté à Laine. Il a aussi ciblé les deux jeunes centres qui doivent occuper le poste de deuxième centre et troisième centre, un rôle devenu obsessionnel à Montréal. Hughes a lancé une phrase lourde de sens :
« Là où il y a des trous dans l’alignement d’une équipe, les joueurs doivent savourer l’opportunité au lieu de craindre l’échec, et ils doivent être excités par la perspective du succès, même si ce n’est pas garanti.
Je pense que c’est ce qui sépare vraiment certains des grands athlètes : ils n’ont pas peur de l’échec, ils courent après le succès et comprennent qu’ils ne l’obtiendront pas tout le temps. Alors, notre espoir, c’est qu’ils s’imposent. »
Derrière les mots, il faut lire l’impatience. Dach, souvent blessé, doit arrêter de jouer avec la peur au ventre. Newhook, qui n’a jamais su s’imposer à Montréal, doit cesser de se cacher. Hughes ne l’a pas dit crûment, mais il l’a fait comprendre : c’est maintenant ou jamais.
Et si Kirby Dach ou Alex Newhook échouent à s’imposer comme deuxième centre, Hughes laisse entendre qu’il ne paniquera pas. Son message est clair : il ne veut pas se retrouver à payer trop cher sur le marché des transactions pour combler un poste où les solutions internes existent encore.
Si Dach et Newhook ne saisissent pas leur chance, il cherchera ailleurs… mais à ses conditions. Hughes refuse de courir après une transaction coûteuse juste pour faire taire le bruit médiatique. Pour lui, mieux vaut patienter et laisser le marché s’ouvrir plutôt que de sacrifier des choix ou des espoirs de premier plan.
Et puis il y a Carey Price. Engels a osé poser la question : fallait-il s’attendre à ce que son contrat soit échangé, maintenant que le dernier boni de 5,5 M$ a été payé?
Hughes a répondu avec calme, mais en envoyant encore une fois un message clair aux autres DG, ceux de San José, Chicago et Pittsburgh :
« Je ne m’attends jamais à ce que quoi que ce soit arrive, parce que les choses ne se produisent pas toujours quand on le veut. Mais nous allons continuer à explorer des façons de créer de la flexibilité sous le plafond. »
Et surtout, il a clamé :
« On est corrects. On n’a pas besoin d’échanger Carey Price. Si on peut trouver une transaction pour déplacer son contrat qui fait du sens pour nous et pour une autre équipe, on va le faire. Mais on n’a pas besoin. »
Hughes refuse de payer le prix demandé par les Sharks ou les Hawks. Selon Renaud Lavoie, certaines équipes exigent un choix de deuxième ronde. Hughes ne veut rien savoir.
Même un choix de troisième ronde lui donne de l’urticaire. Il tente de pousser jusqu’à un quatrième ronde, en créant une « surenchère négative » entre les équipes. Un message sec, destiné à calmer les vautours.
Contrastant avec Laine, Dach et Newhook, Hughes a en revanche multiplié les éloges envers Ivan Demidov :
« Éthique de travail incroyable. Têtu, et c’est une bonne chose. C’est un super jeune. Il sourit toujours, il adore le jeu, et il est obsédé par le fait de s’améliorer.
On va voir ce qu’il peut faire. Je pense qu’il va être un très, très bon joueur de hockey pour les Canadiens de Montréal pendant longtemps, mais on ne va pas mettre tout cet espoir sur lui dès octobre 2025. »
La différence saute aux yeux. Hughes se sert de Demidov comme modèle, pour dire aux autres : voilà ce que ça prend. Pas des promesses, pas des excuses, mais un engagement total.
Et enfin, Hughes a réaffirmé son appui à son capitaine Nick Suzuki, citant un moment charnière :
« Ce groupe a beaucoup grandi en deuxième moitié de saison. Ils ont commencé à se regarder et à dire : ‘Hey, on vient de battre la Floride, Tampa, Vegas et Colorado en quatre matchs sur cinq en voyage. Et on a vraiment, vraiment bien joué.’ Et ensuite, quelque chose a changé, parce que pour la première fois, ils avaient des attentes internes. »
Suzuki, dit Hughes, est devenu plus vocal, plus engagé, plus mature. Même Jon Cooper, entraîneur de l’équipe du Canada, a été impressionné par lui lors du camp olympique. C’est un message indirect : aux yeux du DG, le capitaine fait son travail. Les autres doivent suivre.
Un détail n’a échappé à personne : quand Hughes a été interrogé sur les négociations avec Lane Hutson, il a préféré esquiver :
« Je préfère ne rien dire. Nous avons toujours choisi de ne pas commenter les contrats, alors nous allons travailler là-dessus.
J’ai toujours cru que lorsque les gens font des commentaires, ça se fait mal interpréter, des attentes se créent et des faux narratifs naissent. Comme nous l’avons fait avec tous les autres joueurs, quand le contrat sera conclu, on l’annoncera. »
Silence tendu, mais lourd de signification. On sent un bras de fer. Le DG veut éviter l’escalade publique, mais il laisse deviner qu’il n’est pas près d’accorder le « 5 millions sur 8 ans » que réclamerait le clan Hutson.
En une entrevue de vingt minutes, Kent Hughes a envoyé des flèches chaudes à tous ses dossiers chauds. Patrik Laine, Kirby Dach, Alex Newhook, Carey Price, Lane Hutson… personne n’a été épargné. Le DG du Canadien s’est montré chirurgical : exiger, recadrer, négocier, calmer, tout en refusant de céder aux pressions.
Et au milieu de tout ça, un fil rouge : la signature à Montréal. Pas seulement celle de Laine, qui reste en négociation, mais la signature d’un projet plus grand.
Un message clair : les Canadiens veulent bâtir sur le sérieux, l’effort et la maturité. Les passagers seront débarqués. Les « Demidov » seront récompensés.
Alors, est-ce que Laine obtiendra son gros contrat? Est-ce que Dach et Newhook répondront enfin aux attentes? Est-ce que Hughes réussira à liquider le contrat de Price sans sacrifier l’avenir?
Ce qu’on sait, c’est qu’il vient d’annoncer ses couleurs. Sans détour. Sans pitié.