Silence troublant au Centre Bell : la famille de Ken Dryden mérite mieux

Silence troublant au Centre Bell : la famille de Ken Dryden mérite mieux

Par André Soueidan le 2025-09-13

Tu ne peux pas reprocher au Canadien de ne pas avoir marqué le coup.

Le silence était respectueux. Le moment était bien fait.

Sobre. Touchant. Digne.

Pour un match des recrues, ils ont fait ce qu’ils pouvaient.

Mais dans le fond, on le sait tous : ce n’est pas assez.

Pas pour Ken Dryden. Pas pour un homme qui représente à lui seul une époque dorée du Canadien de Montréal.

Pas pour un gardien qui a redéfini sa position, qui a soulevé six Coupes Stanley, qui a marqué l’imaginaire collectif.

Un hommage, c’est bien. Un moment, c’est beau.

Mais une légende comme Dryden mérite une célébration nationale, un Centre Bell à guichets fermés, une cérémonie officielle à la hauteur de son héritage.

Ce n’était pas gênant, non. Mais c’était trop petit pour un géant.

Et ce n’est pas un reproche direct envers l’organisation. On comprend que la nouvelle est tombée rapidement.

On comprend que le club voulait faire les choses correctement, qu’il ne pouvait pas rester silencieux.

Il fallait marquer le coup. Et ils l’ont fait, d’une certaine manière. Mais dans le fond de nous-mêmes, on sait tous que ce n’est pas assez.

Que ce n’est pas comme ça qu’on célèbre une légende. Que ce n’est pas comme ça qu’on dit adieu à un homme qui a marqué à jamais l’histoire de cette franchise.

Parce que Dryden, ce n’est pas juste un autre joueur dans le grand livre du CH. C’est une icône. Un intellectuel, un auteur, un politicien, un gardien dominant, un six fois champion de la Coupe Stanley, un Conn Smythe en jouant six matchs en carrière.

Il a redéfini ce que c’est, être gardien dans la LNH. Il a donné une voix au hockey au-delà de la glace. Il a inspiré des générations de partisans.

Il a protégé le filet du CH avec une grâce, une assurance, un calme olympien. Il a porté ce masque blanc légendaire qui fait aujourd’hui partie du patrimoine visuel du hockey.

Tu ne rends pas hommage à ça dans un Centre Bell à moitié endormi.

Tu ne rends pas hommage à ça entre deux hymnes nationaux d’un match d’espoirs. Tu le fais en grand. En très grand.

Quand Jean Béliveau est décédé, le Centre Bell était en deuil. Plein à craquer.

Les anciens joueurs sont venus. Les légendes se sont présentées. Les chandails ont été portés. L’émotion était présente. Il y avait une atmosphère. Une communion. Une gravité.

Quand Guy Lafleur est parti, on a tout stoppé. On a mis la saison sur pause dans nos cœurs. Le #10 brillait dans les gradins. Le Québec entier s’est levé.

Et Ken Dryden mérite le même traitement. Pas parce qu’il faut le mettre au-dessus des autres, mais parce que c’est ça, l’histoire du Canadien de Montréal.

C’est ça, notre façon de dire merci. Et là, même si l’intention y était, le moment ne l’était pas.

Et ça se sentait. Les gens étaient émus… mais il manquait quelque chose. Il manquait le symbole, il manquait le monde, il manquait Geoff Molson sur la glace.

Il manquait cette lourdeur cérémoniale, celle qui fait en sorte que l’hommage ne devient pas juste une formalité, mais un rituel. Une mémoire collective.

Et là, qu’est-ce qu’on fait?

Parce que ce n’est pas terminé. Parce que ce ne PEUT pas être terminé.

Parce que si c’est ça, le seul geste public de l’organisation pour saluer Dryden, alors c’est un échec. Un de plus dans une longue lignée de décalages entre le passé glorieux et le présent désorganisé.

Mais on veut croire que non. On veut croire que le Canadien va se rattraper.

Qu’il planifie déjà un moment, un vrai, durant la saison régulière. Qu’il y aura une soirée Dryden, avec un chandail commémoratif. Une bannière spéciale. Des témoignages. Des invités.

Une cérémonie comme seul Montréal sait en faire. Et si ce n’est pas le cas, il faut que ça le devienne. Parce qu’on ne peut pas laisser le silence être la dernière chose qu’on entend au sujet de Ken Dryden.

Et là, il faut regarder Geoff Molson. Pas pour l’accuser, mais pour l’inviter. Pour lui dire : « Ne manque pas ça. Ne rate pas cette chance de redonner à l’un des plus grands. »

C’est le moment de faire ce que tu fais le mieux, Geoff. De prendre l’histoire du club et de la célébrer. De la respecter. Parce que les partisans n’oublieront pas. Parce que les partisans attendent.

Et on le sait, l’organisation a du cœur. L’organisation a des valeurs. Ce n’est pas un manque de respect. C’est un manque de contexte.

Le calendrier n’était pas prêt pour ça. Mais il faut l’ajuster. Il faut intégrer un match hommage dans la saison.

Il faut que ça soit télévisé. Il faut que les jeunes comprennent qui était Ken Dryden. Pas juste comme un nom inscrit sur les murs du Centre Bell. Mais comme un homme, un joueur, un héros.

Parce qu’il n’était pas juste un gardien de but. Il était la voix du hockey réfléchi. Il était celui qui osait parler de politique, de société, d’injustice, pendant que d’autres se contentaient de répéter les mêmes clichés d’après-match. Il était un homme de conviction.

Un homme d’intelligence. Un homme de classe.

Et le peuple du hockey a besoin de se le rappeler. De l’honorer. De le remercier.

Alors, on le dit clairement ici : la famille de Ken Dryden mérite mieux. Elle mérite une ovation debout dans un Centre Bell rempli.

Elle mérite de voir le #29 briller dans les tribunes. Elle mérite d’entendre les anciens coéquipiers raconter des anecdotes. Elle mérite de voir ses petits-enfants entendre la foule scander le nom de leur grand-père.

Et on ne veut pas attendre un an. On ne veut pas que ça se perde dans le bruit du quotidien.

Le moment, c’est maintenant. C’est cette saison. C’est l’automne 2025. Quand tout le monde pense à lui. Quand l’émotion est encore là. Quand l’héritage est encore vivant.

Sinon, on va le regretter.

Et ce n’est pas juste une question de symboles. C’est une question d’identité. Parce qu’un club qui oublie ses piliers est un club qui s’écroule.

Et on ne veut pas ça. On veut se tenir debout. On veut dire à Ken Dryden : merci. Merci pour tout. Merci pour les coupes. Merci pour la dignité. Merci pour la passion.

Alors, maintenant, c’est au CH de répondre. De planifier. De créer. De livrer. Parce qu’il le faut. Parce qu’on le doit. Parce que Dryden n’aurait rien fait de moins pour un autre.

À suivre ...