Le rire s’est éteint.
Pas celui des partisans ... celui qu’on percevait, silencieux, dans les yeux de ceux qui doutaient encore de lui.
Juraj Slafkovsky ne joue plus pour convaincre. Il joue pour imposer le respect.
Et depuis le début de la saison, ce respect commence à se lire dans chaque regard qu’il croise sur la glace.
Contre Detroit, il n’a pas seulement marqué : il a dominé.
Chaque présence semblait lourde de sens. Il frappait, il coupait les lignes, il protégeait la rondelle avec une aisance qu’on ne voyait pas il y a un an.
Jean-Charles Lajoie et Tony Marinaro l’ont dit en direct à TVA Sports :
« L’impact qu’il a eu sur le match, c’est celui d’un Matthew Tkachuk ou d’un Brady Tkachuk », a lancé Marinaro.
« Slafkovsky n’est peut-être pas aussi méchant que ces gars-là, mais il est un attaquant de puissance moderne. »
Cette phrase résume tout.
Pour la première fois depuis longtemps, Montréal possède un ailier capable de dicter le ton physique et émotionnel d’un match.
Le match suivant, à Toronto, a ramené le club sur terre.
Défaite 5-2. Slafkovsky : moins 3 en 19 min 42.
L’an dernier, ce genre de soirée l’aurait hanté. Cette fois, il a gardé la tête droite.
Pas de moue, pas de frustration.
Un simple regard vers Martin St-Louis en sortant de la glace — celui d’un joueur qui assume.
C’est peut-être là que s’écrit sa vraie métamorphose : il comprend enfin que grandir, ce n’est pas éviter les erreurs, c’est apprendre à ne plus s’y noyer.
Lors du camp d’entraînement, le coach avait lâché une bombe tranquille :
« Tu ne peux pas tenir la main à tout le monde. Il n’a plus 18 ans. Ça part avec le joueur. L’urgence, c’est maintenant. »
Ces mots, sortis de la bouche d’un entraîneur souvent protecteur, ont résonné comme un ultimatum.
Et, ironie du sort, c’est exactement à ce moment-là que Slafkovsky a commencé à ressembler au joueur que St-Louis décrivait.
Sur la glace, on voit la réponse : replis plus rapides, meilleur positionnement défensif, batailles le long des rampes qu’il ne fuit plus.
Il n’est plus « le projet », il devient la preuve que le développement à Montréal peut fonctionner.
Ce qui rend sa transformation encore plus fascinante, c’est le moment où elle survient.
Slafkovsky entame la première saison de son contrat de 8 ans, 60.8 millions $.
Les attentes sont monstrueuses.
Et pourtant, il ne joue pas comme un millionnaire blasé : il joue comme un gars qui veut prouver qu’il les vaut.
Son langage corporel a changé. Il patine plus droit, il jette des regards courts vers Suzuki plutôt que de forcer les entrées de zone seul.
C’est le signe d’un joueur qui comprend qu’à ce niveau, le succès individuel ne sert qu’à nourrir le collectif.
Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé d’un vrai attaquant de puissance au Centre Bell.
Depuis Max Pacioretty ? Peut-être.
Mais Slafkovsky est différent.
Il est plus imposant, plus complet, plus taquin aussi.
Quand il colle un défenseur au banc adverse, ce n’est pas pour le malmener, c’est pour envoyer un message : « Je suis ici pour rester. »
Et dans une ligue qui cherche sans cesse des profils rares, il est en train de devenir l’un de ces joueurs que tu détestes affronter mais que tu adores avoir dans ton équipe.
« On a dit, quand il a été repêché, qu’on espérait qu’il devienne le prochain Mikko Rantanen. Hier soir, il a joué comme Mikko Rantanen. »
— Tony Marinaro
Rantanen, c’est 6 pi 4, 215 lb, 104 points la saison dernière.
Et si Slafkovsky suit ne serait-ce que la moitié de ce chemin, le Canadien tiendra enfin un vrai ailier de franchise, le genre que tu bâtis autour d’un centre comme Suzuki et d’un sniper comme Caulfield.
Le vestiaire aussi a changé
On le sent, dans les coulisses. Les vétérans ne le traitent plus comme « le kid ».
Gallagher l’a dit à voix basse cette semaine :
« Il commence à comprendre. »
Ce genre de commentaire vaut plus que n’importe quelle statistique.
À Montréal, gagner le respect du vestiaire, c’est souvent plus difficile que de gagner un match.
À 21 ans, Slafkovsky n’est plus une promesse, il devient un symbole.
Celui d’une génération de jeunes qui, sous St-Louis, apprennent à s’éduquer eux-mêmes.
Et s’il garde cette attitude, Montréal n’aura pas seulement trouvé son power forward : elle aura trouvé son prochain leader silencieux.
Le rire s’est éteint.
Mais dans ce silence, on entend enfin autre chose : le bruit sourd du respect… et peut-être, d’un avenir qui recommence à y croire.
AMEN