Soirée Andrei Markov : des témoignages qui frappent droit au cœur

Soirée Andrei Markov : des témoignages qui frappent droit au cœur

Par André Soueidan le 2025-12-01

Montréal s’apprête à vivre une de ces soirées qui rappellent pourquoi cette ville respire le hockey comme aucune autre.

Andrei Markov, le Général, revient au Centre Bell pour recevoir l’hommage que les partisans attendaient depuis trop longtemps.

Seize saisons, 990 matchs, des années à porter l’organisation sur ses épaules, et une relation avec la foule qui n’a jamais été brisée, même après son départ trouble en 2017.

Ce mercredi, tout ça remonte à la surface.

Ce retour, Markov ne l’a pas vu venir.

C’est lors d’une entrevue publiée par RG, signée par Serguei Demidov, que l’ancien défenseur du Canadien s’est confié:

« Bien sûr, je suis très heureux. C’était une surprise », raconte-t-il. « Geoff Molson m’a envoyé un courriel il y a deux ou trois mois pour me demander si j’étais intéressé. J’ai accepté tout de suite. Ça m’a fait tellement plaisir de recevoir un message du propriétaire. »

Et comme si Montréal voulait lui rappeler qu’il n’a jamais cessé d’être l’un des siens, même une simple visite l’hiver dernier s’est transformée en moment chargé d’émotion.

« Je me souviens encore comment les gens ont applaudi quand ils m’ont montré à l’écran. Même à l’aéroport, les gens se retournent, me reconnaissent. C’est très touchant. Je ne le cacherai pas — ça fait vraiment du bien. »

Et ce ne sont pas des clichés qui l’attendent, mais des témoignages crus, vrais, qui rappellent à quel point ce joueur a marqué ceux qui l’ont côtoyé.

Brendan Gallagher a résumé Markov comme personne n’aurait pu le faire :

« [Il était] tout simplement intelligent. Il n’a jamais été le plus rapide, mais il se positionnait vraiment bien et savait bien se servir de son bâton. Il avait la capacité de comprendre où la rondelle irait avant qu’elle n’y soit. »

C’est exactement ça. Pas d’esbroufe. Pas de tape dans le dos pour la galerie. Juste un QI hockey au plafond, capable de lire une séquence trois secondes avant tout le monde.

Même les légendes adverses en parlent encore avec respect. A

lexander Ovechkin, qui n’a pas l’habitude de distribuer des fleurs gratuitement, a expliqué à quel point affronter Markov relevait du casse-tête :

« Jouer contre Andrei était difficile parce qu’il lisait vraiment bien le jeu. […] Ç’a été un privilège de jouer contre lui, et j’ai aussi eu la chance de pouvoir jouer avec lui en Russie et pour l’équipe nationale. »

Quand un des plus grands buteurs de l’histoire parle de « privilège », ça veut dire quelque chose.

Carey Price, lui, ne raconte pas des histoires de vestiaire. Il revient simplement à ce que Markov représentait dans une équipe, dans une saison, dans une routine de pro.

« [C’était bénéfique] de voir Marky prendre soin de lui à l’extérieur de la patinoire […] Il est très stoïque. [Il n’y avait] pas place aux bêtises […] Il ne semblait jamais dépassé par les événements. »

Ça, c’est le genre de modèle que les jeunes défenseurs n’auront plus jamais la chance d’avoir devant eux. Aucune émotion inutile, aucune mauvaise décision. Juste une constance qui frôlait l’indécence.

Et puis il y a P.K. Subban, qui a vu Markov dans toute sa complexité. Celui qui, malgré son charisme démesuré, avoue n’avoir jamais pu comprendre pourquoi Markov n’a jamais été célébré à la hauteur de son talent :

« Il n’a jamais obtenu assez de reconnaissance pour l’étendue de son talent […] Sa façon de voir le jeu, les jeux qu’il pouvait faire… C’était un catalyseur pour les Canadiens. […] Je sais à quel point Marky est formidable, et j’ai toujours pensé qu’il n’avait pas reçu suffisamment de reconnaissance. »

Le mot « catalyseur » est parfait. Le CH ne fonctionnait tout simplement pas de la même façon quand Markov n’était pas là.

Et José Théodore apporte peut-être la ligne la plus humaine, la plus touchante de toutes. Une image que personne n’a vue, sauf ceux qui étaient sur la glace :

« Je me souviens, quand on a battu Boston en 2002, qu’il m’ait sauté dans les bras. C’était la première fois que je voyais cette expression faciale sur son visage. […] C’est un compétiteur, et il était vraiment fier de jouer pour les Canadiens. »

Au-delà des souvenirs, Markov observe aujourd’hui cette jeune équipe du Canadien avec un mélange de fierté et de prudence.

« Ils sont la plus jeune équipe de la ligue. Tu vois qu’ils ont faim, leurs yeux brûlent d’énergie. »

Mais l’ancien général refuse de tomber dans les conclusions faciles :

« Je ne me presserais pas à dire qu’ils peuvent faire un long parcours en séries. C’est la saison régulière, le chemin est long. Ils ont un brillant avenir, mais il faut être patient. »

Ce regard analytique prend encore plus de valeur lorsqu’il parle des jeunes vedettes. Lane Hutson, par exemple, l’a immédiatement fasciné.

« Il aime contrôler la rondelle et il patine très bien. Il compense son gabarit avec sa vision du jeu. Une chose à améliorer — comme moi à son âge — c’est qu’il doit tirer plus. »

Quand on lui parle du parallèle souvent fait entre Hutson et Subban, Markov éclate de rire :

« C’est difficile de comparer qui que ce soit à lui. P.K. est un joueur et une personnalité à part. »

Il se montre tout aussi prudent lorsqu’on évoque Ivan Demidov, parfois comparé à un jeune Kovalev.

« C’est très talentueux, mais il ne faut pas comparer les générations. Le hockey change, le développement change.»

Pour un homme qui a joué avec Kovalev, la nuance vaut de l’or.

Et puis, il y a cette histoire incroyable, un moment qui révèle plus qu’une carrière entière de statistiques. Pendant une convalescence au genou, un été où tout était fermé, Markov cherchait désespérément un endroit pour s’entraîner.

« Je voulais vraiment m’entraîner, mais c’était un long week-end et il n’y avait personne. »

C’est alors que Bob Gainey est intervenu.

« Il a sorti un papier, écrit son adresse et m’a dit : “Tu viens chez moi ce week-end.” » Markov a fait la route jusqu’à Peterborough et découvert ce qu’était un véritable leader : un homme qui t’accueille comme si tu faisais partie de la famille.

« On a grillé de la viande, bu du vin, et parlé dehors au bord de l’eau. Simple, mais inoubliable. Je ne m’attendais pas à ça. »

Ce mercredi, Markov reviendra au Centre Bell non pas comme un joueur, mais comme quelqu’un que Montréal a adopté pour toujours.

Il ne rêve pas d’avoir son numéro retiré 

« C’est de la fantaisie. Je suis déjà très reconnaissant pour ce qui va se passer le 3 décembre. »

Mais les partisans, eux, vont enfin pouvoir lui dire ce qu’ils n’ont jamais pu lui dire officiellement.

Elle reçoit un morceau de son ADN hockey. Un défenseur qui n’a jamais cherché la lumière, mais qui l’a portée sur son dos pendant seize saisons.

Et pour une fois, cette lumière revient vers lui.

AMEN