Pendant des années, on s’est moqué de Québec. On a traité ses citoyens de rêveurs, son maire d’obsédé de la LNH, et son amphithéâtre de « coquille vide ».
On riait du Centre Vidéotron comme on rit d’un château sans roi. On méprisait le Stade Canac comme s’il s’agissait d’un terrain de balle-molle de banlieue. Mais voilà que la roue tourne. Voilà que le boomerang revient à pleine vitesse frapper en plein visage la métropole québécoise. Et la claque est brutale.
Pendant que Québec essuyait l’humiliation d’un match arrêté en cinquième manche au Stade Canac parce que ses nouvelles lumières DEL à 2,4 M$ ne toléraient pas une fine pluie, Montréal s’offrait un spectacle tout aussi ridicule, sinon pire.
Un match de basketball professionnel iai Stade IGA nterrompu à cause de… la rosée. Oui, vous avez bien lu : de la condensation naturelle. De l’humidité. Du gazon mouillé.
Le tout, au beau milieu d’un stade de tennis recyclé pour l’occasion, avec des fans forcés de frotter le plancher avec des serviettes pendant que les organisateurs couraient après des souffleurs de feuilles pour sécher le terrain.
C’était censé être une célébration de l’essor du basket québécois. Ce fut un sketch de fin d’année d’école secondaire. Pathétique.
On ne s’en remettra pas de sitôt. L’image a fait le tour du Québec… et bien au-delà. Une cinquantaine de spectateurs montréalais, à genoux sur le terrain détrempé du Stade IGA, tentant de sécher le sol avec des serviettes, des chandails, des guenilles, des morceaux de nappe.
Des fans transformés en concierges bénévoles. C’était surréaliste. Humiliant. Et surtout : inacceptable pour une ville qui se prétend capitale sportive.
Montréal s’est affichée au monde entier comme une ville incapable de gérer un événement sportif de base, un match de basket, à l’extérieur, en mai. Pas de pluie. Juste de la rosée. Et tout s’effondre.
À partir de cette image-là, comment peut-on encore parler sérieusement de ramener les Expos? Comment peut-on se positionner pour des compétitions internationales, des championnats, ou même une Coupe du monde? On a l’air d’une parodie.
Et pendant qu’on riait de Québec, un point à la fois, cette ville humiliée reprenait du terrain. Car même si elle trébuche sur ses propres infrastructures, au moins, elle tente.
Montréal, elle, empile les échecs avec une arrogance hallucinante. On perd les Expos parce qu’on n’a pas su voir venir la tempête. On n’a pas eu la vision de Québec avec le Centre Vidéotron. On a donné 1,1 milliard à la SAAQ pour SAAQclic, mais on est incapables d’investir dans un stade de baseball digne de ce nom.
Et pendant ce temps, le CF Montréal végète au fond du classement, vend ses jeunes espoirs à rabais, et traîne son stade appartenant à la ville comme une excuse en béton pour ne rien bâtir de durable.
Revenons à Québec. Oui, le Centre Vidéotron est en fin de vie technologique après seulement 10 ans. Oui, le système de contrôle d’accès est désuet, obligeant la ville à injecter 350 000 $ pour un correctif d’urgence.
Oui, les travaux autour du centre ne sont toujours pas terminés, et l’équipe de la LNH qu’on attendait ne viendra jamais.
Oui, le rêve des Nordiques s’est transformé en gouffre financier. Mais au moins, on parle d’un amphithéâtre construit, entretenu, utilisé — même par défaut.
Pendant ce temps, le Centre Bell à Montréal, inauguré en 1996, est désormais l’un des plus vieux de la LNH. Les couloirs sont trop étroits, les sièges trop petits, même dans les rouges, et le confort est à des années-lumière des nouveaux standards nord-américains. C’est la classe économique de la LNH, facturée au prix de la première.
La ventilation est archaïque. L’éclairage et les systèmes de sécurité sont à moderniser en profondeur. Pendant que des arénas comme le UBS Arena à Long Island ou le Little Caesars Arena à Detroit offrent un luxe incroyable, le Centre Bell est coincé dans les années 90. Et on ose encore rire du Centre Vidéotron? La vérité, c’est que le Centre Bell est devenu un dinosaure camouflé sous une façade de prestige. Et personne ne veut l’admettre.
Et que dire du stade Canac ? Ce désastre a révélé l’incapacité crue de la Ville de Québec à gérer ses projets de rénovation. Les lumières installées deux jours avant le premier match, sans tests. Le système de son qui plante dès l’ouverture. Les joueurs qui ne voient pas la balle. Les spectateurs qui assistent à un match interrompu devant 2500 personnes. Et en prime, le baseball mineur annulé pour faire place à une reprise de match. Résultat : humiliation municipale, colère des Capitales, et un président (Charles Demers) qui implore la Ville de réparer sa propre erreur.
Mais à Montréal, on n’a même pas eu besoin de la pluie pour se couvrir de ridicule. Il a suffi d’un peu de fraîcheur dans l’air pour que la surface du terrain devienne impraticable.
Une demi-finale de la Ligue élite canadienne de basketball, avec le show de Fouki à la mi-temps, interrompue… parce que personne n’a pensé qu’il fait humide le soir, au Québec, au mois de mai.
Et là, c’est toute la ville qui regarde ses ambitions sportives fondre comme rosée sur béton. Pendant ce temps, à Québec, même si on pleure toujours les Nordiques, on pleure debout, avec des amphithéâtres qui fonctionnent, des clubs qui survivent, des espoirs encore vivants.
Et c’est là que vient la gifle. Montréal aime se penser au sommet. Mais c’est devenu la ville du Canadien et rien d’autre.
Une ville incapable d’organiser un match de baseball, de garder une équipe de basket, ou de bâtir un projet sportif qui dure plus de trois saisons.
Le reste, c’est du remplissage. Des promesses. Des excuses. Des subventions mal investies. On fait des campagnes de marketing sur le basket, mais on n’a même pas de plancher étanche. On rêve d’un retour des Expos, mais on n’est même pas capables de gérer un match de basket semi-pro sans débandade logistique.
Et pendant ce temps, à Québec, on se remet debout, un projet à la fois. On panse ses plaies, on répare ses erreurs, et surtout, on n’oublie pas. Pas les Nordiques. Pas les rires méprisants venus de la 514. Pas les promesses non tenues. Pas les humiliations télévisées.
Québec, ville de la revanche? Peut-être. Mais surtout, ville lucide. Pendant que Montréal se ment à elle-même, Québec regarde la vérité bien en face : on a peut-être perdu notre équipe… mais on n’a pas perdu notre fierté.
Et ça, c’est déjà plus que ce que la métropole peut dire.