On a longtemps fait de Christian Dvorak un punching bag silencieux à Montréal. Trop effacé. Trop lent. Trop absent des faits saillants.
Et, surtout, trop collé à Cole Caufield, au point où certains y ont vu l’origine de tous les maux du jeune attaquant vedette quand il ne produisait plus.
Rumeurs de soirées festives, de "penthouse tapageu" à Griffintown, de mauvaises fréquentations. À une époque où les performances de Caufield étaient irrégulières, certains ont pointé du doigt un colocataire trop « lousse », trop peu professionnel.
Une influence toxique, selon une modèle très active sur OnlyF qui, sans jamais nommer Dvorak directement, avait laissé entendre que des joueurs « très proches d’une vedette du CH » organisaient des soirées qui auraient déplu aux dirigeants.
Mais en ce 4 novembre 2025, le vent a tourné.
Lorsque les joueurs du Canadien sont descendus un à un vers le tunnel pour aller saluer Christian Dvorak dans le vestiaire des Flyers de Philadelphie, il n’y avait plus de doute.
Ce gars-là, loin d’avoir été un poison, a laissé une empreinte humaine profonde dans l’organisation. Une empreinte que personne ne s’est gêné pour souligner, avec une sincérité qui tranchait violemment avec les "gossips" passés.
Cole Caufield a été l’un des premiers à lui serrer la main. Arber Xhekaj. Juraj Slafkovsky. Jake Evans. Nick Suzuki. Même le gardien de sécurité de l’équipe. Tous se sont déplacés pour voir Dvorak. Pas par protocole. Par respect.
Caufield, celui qu’on disait jadis « influencé négativement » par Dvorak, en riait en zone mixte :
« C’était mon idée. Je suis un peu téteux ! »
Il faisait référence à ce rituel bien particulier que les deux anciens colocs pratiquaient avec Slafkovsky, Suzuki et Dach : un mini caucus au centre de la glace après chaque victoire, bras entrecroisés, avant de regagner le vestiaire. Ce rituel s’est poursuivi cette saison, avec un vide laissé volontairement au centre. En hommage à Dvorak.
Caufield a aussi lancé à la blague que depuis le départ de Dvorak, il devait maintenant assumer seul le loyer de leur ancien appartement, ce qui fait un peu plus mal au portefeuille :
« C’est plus cher quand tu paies tout tout seul ! » a-t-il rigolé, sourire en coin.
Et pourtant, il y a un an, Dvorak faisait figure d'indésirable à Montréal. Son contrat de 4 ans à 4,45 millions par saison était devenu un boulet.
Ses blessures chroniques, sa production offensive honteuse, son style cérébral peu spectaculaire… faisait de lui un rejet dans le coeur des fans du CH.
Et quand son nom était lié à des rumeurs entourant un mode de vie trop festif, c’est toute sa crédibilité qui avait été mise en jeu.
Caufield remet les pendules à l’heure :
« Il était pas mal tranquille, à son affaire. Mais au souper, hors glace, c’est un très bon meneur. Il s’occupe bien de tout le monde. Et c’était un excellent joueur, probablement sous-estimé pour ce qu’il faisait, comme les mises au jeu en zone défensive et le jeu en désavantage numérique. »
Slafkovsky abonde dans le même sens. Pendant trois ans, il a eu Dvorak comme voisin de casier.
« C’était plaisant autour de lui, il se préoccupait des autres. Il m’aidait beaucoup. Et on avait du plaisir au souper. »
Jake Evans ajoute un détail savoureux :
« Il avait du plaisir avec tout le monde, et il s’occupait bien de Cole. Ils étaient colocs et je pense que D-Vo était plus, disons, mature ! »
Ces mots viennent pulvériser les ragots anonymes qui avaient collé à la peau de Dvorak dans ses dernières saisons à Montréal. Si le penthouse de Griffintown a été le théâtre de quelques soupers entre amis, ce n’était en rien la débauche décrite dans les commentaires assassins de certaines personnalités médiatiques ou figures Instagram.
Ce n’était pas une résidence de party, mais bien un lieu de vie entre deux professionnels, et dans l’ombre, Dvorak faisait office de mentor discret.
À Philadelphie, Dvorak a trouvé une deuxième vie. Un contrat d’un an à 5,4 millions, signé cet été. Rick Tocchet, son ancien coach chez les Coyotes, l’a convaincu de revenir sous ses ordres.
Et il ne regrette rien :
« Je sais qu’il avait des offres de trois ans ailleurs et il a choisi de venir ici. C’est un joueur intelligent, bon défensivement, mais capable de tout faire. »
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Les Flyers ont le meilleur désavantage numérique de la LNH avec un taux de succès de 90,5 %. L’an dernier, ils étaient 20e. Et Dvorak y est pour beaucoup.
Il a aussi été inséré sur l’avantage numérique en raison de la blessure de Tyson Foerster. Il joue bien avec Trevor Zegras.
Et il sert de grand frère à Matvei Michkov, en le guidant sur la glace comme dans le vestiaire. Une réalité savoureuse quand on repense à la version montréalaise de Dvorak : un joueur soi-disant incapable d’« élever » les jeunes autour de lui.
À Montréal, en revanche, son absence se fait cruellement sentir. Jake Evans, relégué au rôle d’expert défensif, multiplie les missions ingrates.
Un but (dans un filet désert) et une seule passe en 12 matchs. Surtout, Evans est beaucoup moins effiace défensivement depuis le départ de Dvorak, car il affronte de joueurs plus talentueux que la saison dernière, alors que St-Louis envoyait toujours "Dvo" contre les meilleures lignes adverses.
« Le travail de mon trio est de sortir la rondelle pour placer le trio suivant dans une meilleure situation. On a bien fait ça, mais évidemment, tu veux avoir plus de production offensive », dit Evans, comme s'il s'excusait d'être moins bon que son ancien coéquipier.
Le plus beau dans tout ça? Dvorak ne réclame pas vengeance. Pas de flèche. Pas de rancune. «
J’ai bâti beaucoup de bonnes relations ici », s’est-il contenté de dire devant une mer de micros comme il n’en avait probablement jamais vu durant son passage à Montréal. Et il a ajouté, avec ce calme qui l’a toujours caractérisé :
« C’était plaisant ce matin, mais ce sera encore mieux si on gagne ce soir. »
La vérité, c’est qu’il a déjà gagné. Il a gagné le respect des partisans, des anciens coéquipiers, des entraîneurs, des journalistes. Il a gagné la paix, aussi.
Et surtout, il a gagné cette revanche douce, discrète, sans mot ni cri, contre tous ceux qui l’avaient enterré vivant.
