Marc Bergevin est parti de Montréal depuis plus de deux ans, mais au Québec, son ombre continue de hanter chaque couloir médiatique, chaque analyse de repêchage, chaque évaluation d’échange.
Pour beaucoup de partisans du Canadien, il demeure l’architecte du sabotage final d’une ère prometteuse, celle qu’il a achevée par une série de signatures absurdes, des non-dits, et un silence médiatique qui, pour certains, équivalait à un bras d’honneur lancé à toute une province.
Mais cette semaine, Jarmo Kekalainen, le nouveau directeur général des Sabres de Buffalo, a décidé de rétablir les faits. Et sa réponse aux critiques est cinglante.
En annonçant l’embauche de Marc Bergevin à titre de directeur général associé, Kekalainen savait exactement ce qu’il faisait
Il savait que Bergevin traîne un lourd passé médiatique au Québec. Il savait qu’il avait quitté Montréal dans la tourmente, après avoir signé des contrats de panique comme ceux de Mike Hoffman. (3 ans et 4,5 M$ par année).
Bergevin savait qu'il allait être congédié par Geoff Molson, alors il a saboté son dernier été. Un recruteur de l'association est l'avait avoué sous le couvert de l'anonymat.
"C'est le contraire du joueur type de Bergevin. Il aime les travaillants, les guerriers, et là, on parle du joueur le plus paresseux de la LNH" affirne un recruteur.
"C'est la signature la plus étrange que j'ai vu dans ma carrière".
Et que dire des contrats de Brendan Gallagher (6 ans, 6.5 M$ par année), Josh Anderson (7 ans, 5.5 M$ par année). Carey Price (8 ans, 10.5 M$ par année), Karl Alzner qui a été racheté, alors que Bergevin n'a pas laissé Andrei Markov disputer son 1000e match à Montréal.
Mais Kekalainen ne regarde pas l’émotion. Il regarde le rendement.
« Son dossier de transactions à Montréal fut parmi les meilleurs de la Ligue nationale », a lancé le patron des Sabres, droit au but.
Et il n’exagère pas. Bergevin, malgré ses fautes stratégiques, a livré plusieurs coups de maître :
Suzuki + Tatar + 2e tour pour Max Pacioretty.
Phillip Danault + choix de 2e ronde pour Dale Weise et Fleischmann.
Jeff Petry pour des miettes (choix de 2e ronde à Edmonton), alors que Petry a connu son "prime" à Montréal. p
Joel Armia en cadeau dans une transaction salariale.
Et la signature de Tyler Toffoli, qui a brillé à rabais avant d’être revendu au prix fort.
Kekalainen le sait : Bergevin, c’est un flair de scout, un œil de terrain, un patron de la vieille école avec une capacité redoutable à évaluer les forces brutes.
"Il va redevenir DG dans cette ligue"
Le message est clair. Pour Kekalainen, Buffalo n’est qu’une escale. Bergevin est là pour se remettre sur les rails, observer, conseiller, construire… et redevenir DG dans la LNH très bientôt.
« Il amène de l’expérience. Il a occupé mon siège. Il connaît les rouages. C’est un mariage parfait à nos yeux », a dit le DG finlandais.
Marc Bergevin a été finaliste pour trois postes de DG depuis son départ de Montréal :
Penguins de Pittsburgh, où il a longuement été considéré avant que Kyle Dubas prenne le pouvoir.
Maple Leafs de Toronto, où Brendan Shanahan a finalement choisi Brad Treliving (il doit le regretter amèrement).
Islanders de New York, où il croyait avoir le poste… avant de voir Mathieu Darche lui passer devant.
Dans chaque cas, le nom de Bergevin revient. Encore et encore. Et à chaque fois, il se rapproche.
Ce retour au sommet aurait pu se produire à Los Angeles. Pendant deux ans, Marc Bergevin a été conseiller senior chez les Kings, embauché par Rob Blake avec l’intention claire d’éventuellement lui passer le flambeau.
Mais quand Blake a quitté, Bergevin pensait que son tour était venu. Il avait fait le travail de l’ombre. Il avait aidé à solidifier la défensive. Il avait milité pour l’acquisition de Danault. Il avait renforcé le leadership. Et pourtant, Luc Robitaille a donné le poste à Ken Holland.
Un Holland de 70 ans, de passage, en mode intérim, un nom rassurant. Un patch, comme le ferait Bergevin. Une décision perçue par plusieurs comme une trahison de Robitaille envers un ami de longue date.
Et pendant ce temps, au Québec, la rancune persiste. Les fans du Canadien n’ont jamais pardonné à Bergevin son départ abrupt, ses contrats de panique, son refus total d’expliquer ses gestes.
Et surtout, son boycott complet des médias francophones.
Pas d’entrevue. Pas de commentaire. Pas de bilan. Pas de mots pour ceux qui l’ont couvert pendant dix ans.
Et quand il revient à Montréal, il ne salue personne. Il se terre dans un silence glacial.
Voilà pourquoi il se fait narguer. Ridiculiser. Ignorer. La province le rejette comme un ex toxique qu’on ne veut plus revoir.
Mais Kekalainen, lui, s’en fout.
Ce que pensent les journalistes montréalais, Kekalainen s’en fout royalement. Il veut des hommes de hockey. Des soldats. Des bâtisseurs. Et il sait que Bergevin peut l’aider à sortir Buffalo de l'enfer.
« C’est un travailleur acharné qui évalue adéquatement les joueurs. »
Et Buffalo, justement, est en pleine ascension : 7 victoires consécutives, des jeunes étoiles en plein essor, et une structure qui commence à ressembler à quelque chose.
Bergevin débarque dans un momentum parfait, sans pression de conférence de presse, sans crise à gérer, libéré du théâtre montréalais.
Malgré tout, Kekalainen croit en un retour au sommet pour Bergevin. Et ça ne passera pas par des excuses publiques, ni par une entrevue à RDS. Ça passera par une nouvelle nomination. Une vraie. Un retour comme DG.
Car en coulisses, Bergevin travaille. Il attend. Il observe.
Et quand un poste se libérera, son téléphone sonnera encore. Car qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Marc Bergevin est toujours dans le décor.
Et comme le rappelle Kekalainen :
« Il a encore tout ce qu’il faut pour diriger. »
