On pensait le dossier clos, archivé, démonté point par point.
Et pourtant, le nom de Steven Stamkos revient encore dans les rumeurs à Montréal, comme un refrain qu’on n’arrive pas à faire taire.
Malgré le refus clair de Kent Hughes d’entrer dans ce genre de dossier toxique, plusieurs médias québécois continuent d’alimenter le fantasme : celui d’un Stamkos finissant, usé, qui rêverait encore de venir terminer sa carrière au Centre Bell, aux côtés de Martin St-Louis et d’Ivan Demidov.
Sauf qu’au-delà de la nostalgie, la réalité est brutale. Steven Stamkos n’est plus le joueur qu’il a été. À 35 ans (36 ans en février), il approche d’un point de non-retour sportif. Et son rêve de Montréal ressemble désormais davantage à une illusion qu’à un projet crédible.
Les chiffres sont cruels : deux buts, une passe, trois points en quinze matchs, un différentiel de -5, et surtout un rôle secondaire dans une équipe qui peine déjà à trouver son identité.
Barry Trotz, le directeur général des Predators, a beau avoir vanté son leadership et son expérience au moment de l’acquisition, la chimie Stamkos-Nashville n’a jamais pris.
Stamkos ne joue même plus au centre, son poste naturel, celui qui avait fait de lui un des meilleurs pivots de la LNH pendant une décennie.
Il est aujourd’hui confiné à l’aile gauche d’Erik Haula, aux côtés d’un Jonathan Marchessault avec qui la chimie n’existe tout simplement pas.
Et pour la première fois de sa carrière, il n’est même plus utilisé sur la première unité du jeu de puissance. Pour un joueur qui vivait de son tir sur réception et de son instinct de marqueur, c’est un déclassement complet.
Ce n’est pas seulement une question de production, mais de réalité sous nos yeux. Stamkos n’avance plus. Il n’impose plus rien. Ses accélérations ont disparu, son coup de patin s’est alourdi, et sa présence en zone défensive devient un handicap pour un entraîneur comme Andrew Brunette, qui prône la transition rapide et la relance fluide.
À 35 ans, il s’agit d’un joueur « washed out », comme on dit dans les vestiaires : vidé, épuisé, qui n’a plus le moteur pour suivre le tempo d’une ligue rajeunie et accélérée.
Et pourtant, le rêve montréalais persiste. Parce que Stamkos, dans le fond, ne s’en cache plus. Il veut Montréal. Il veut Martin St-Louis. Il veut Ivan Demidov.
Elliotte Friedman l’a confirmé cette semaine : Steven Stamkos n’acceptera une transaction que s’il se retrouve dans un environnement où un joueur élite peut lui passer la rondelle.
Une exigence très révélatrice de son état d’esprit actuel. À 35 ans, Stamkos agit comme une véritable diva, fidèle à la réputation qu’il traînait déjà à Tampa Bay, un joueur obsédé par son confort offensif, qui veut tout centré autour de lui. Et quand il parle de « quelqu’un pour lui passer la rondelle », tout le monde comprend qu’il pense à Ivan Demidov.
Ceux qui le côtoient à Nashville disent qu’il parle souvent du Canadien, qu’il regarde leurs matchs, qu’il admire la créativité de Demidov et qu’il aimerait retrouver le mentor qui l’a lancé à Tampa Bay.
Pour lui, c’est symbolique : St-Louis, Lecavalier et Montréal, c’est le triangle de sa jeunesse. Ce serait, dans son esprit, un retour aux sources.
Et quand il dit, à voix haute, qu’il se considère encore comme un centre et que ce n’est « pas sa décision » de jouer à l’aile, c’est plus qu’une plainte : c’est un message à l’ensemble du circuit. Il veut une dernière chance, dans un vrai rôle, entouré de vrais passeurs.
Mais à ce stade-ci, la question n’est plus de savoir ce que veut Stamkos. C’est de savoir si quelqu’un le veut encore. Et c’est là que tout s’effondre.
Parce que personne, à commencer par Montréal, ne semble prêt à prendre le risque. Le Canadien cherche un deuxième centre, oui, mais pas un centre de 35 ans au ralenti... qui joue à l'aile...
Kent Hughes veut un joueur dans son prime, capable de soutenir Suzuki, pas de ralentir Demidov. Jared McCann, Pavel Zacha, Ryan O’Reilly et Nazem Kadri (même s'ils ne sont plus dans leur prime, ils sont moins bien finis que Stamkos) : voilà les profils visés.
Pas un vétéran nostalgique dont le contrat de huit millions de dollars par année s’étire encore sur deux saisons et demie.
Les seuls scénarios qui rendraient l’opération envisageable passeraient par une rétention de salaire massive de la part de Nashville, mais même là, le Canadien ne mordrait probablement pas.
Ce n’est pas une question d’argent, mais de logique sportive. Stamkos ne cadre plus avec la direction prise par le CH. Et pour un directeur général aussi méthodique que Kent Hughes, chaque décision doit s’inscrire dans une ligne claire : bâtir autour de la jeunesse, de la vitesse et de la complémentarité.
Amener Stamkos, ce serait reculer de cinq ans. Ce serait rejouer la vieille cassette des transactions de prestige, sans cohérence avec le plan de croissance.
Pourtant, Nashville, de son côté, aimerait bien se débarrasser de son contrat. Les Predators savent qu’ils ont commis une erreur de casting.
Barry Trotz, qui a tenté de sauver la face avec les ajouts de Stamkos, Marchessault et Skjei, voit son plan s’effondrer : les jeunes stagnent, les vétérans ralentissent, et Ryan O’Reilly est désormais sur le marché.
Le DG des Predators cherche un défenseur gaucher physique et un centre two-way. C’est ce qui expliquerait l’intérêt rapporté pour des joueurs comme Jayden Struble ou Arber Xhekaj, mais aussi pour Owen Beck et Oliver Kapanen, deux profils défensivement responsables.
Le Canadien, lui, n’est pas fermé à bouger certains jeunes défenseurs ou jeunes centre au potentiel B, mais certainement pas pour absorber un contrat inutile.
Certains diront qu’il faut se faire l’avocat du diable. Que Montréal pourrait, dans un scénario parfait, relancer Stamkos, profiter de la hausse du plafond et d’une rétention salariale pour miser sur son expérience.
Qu’il pourrait servir de mentor à Demidov, comme St-Louis l’a été pour lui à Tampa. C’est une belle idée sur papier. Mais la réalité, c’est qu’on ne bâtit pas un projet de Coupe Stanley sur la nostalgie.
À 35 ans, Stamkos n’apporterait pas de valeur ajoutée, seulement de la symbolique. Et Montréal n’a plus besoin de symboles. L’époque des coups médiatiques est révolue.
L’autre argument avancé par les partisans de ce scénario, c’est qu’il veut venir. Que sa clause de non-mouvement complète lui donne le contrôle total et qu’il a déjà refusé une transaction vers Vancouver.
C’est vrai. Stamkos ne veut pas aller n’importe où. Il veut Montréal. Mais ce n’est pas Montréal qui court après lui ; c’est lui qui court après Montréal. Et cette dynamique renverse complètement le rapport de force.
Le Canadien n’a plus besoin de mendier l’approbation des vedettes vieillissantes. C’est la Ligue qui regarde maintenant vers Montréal comme un marché en ascension, pas l’inverse.
L’idée que Stamkos « rêve » encore de Montréal en dit plus sur lui que sur le CH. Il rêve d’un dernier grand chapitre, d’une ville qui respire le hockey, d’un public qui vibre à chaque but.
Mais ce rêve appartient au passé. Il arrive trop tard. Trop lent. Trop cher. Trop usé. À sa défense, il a raison sur un point : il est mal utilisé à Nashville.
Jouer à l’aile d’Erik Haula, c’est une punition pour un joueur de sa trempe. Il n’a aucun passeur naturel, aucun créateur à ses côtés. Et il déteste cette situation.
On raconte qu’il perd patience, qu’il le dit ouvertement dans le vestiaire. Il n’en peut plus de subir, il veut redevenir le centre qu’il croit encore être. Mais le hockey d’aujourd’hui ne récompense plus les croyances, il récompense la vitesse et la jeunesse.
Pour Montréal, le calcul est simple : pourquoi ramener un vétéran en fin de parcours, quand on a devant soi une génération prête à exploser ?
Pourquoi ralentir Demidov avec un tireur statique qui n’a plus de jambes ? Pourquoi sacrifier un jeune défenseur ou un choix pour un has been d’une autre époque ? Rien ne justifie ce risque, même pas la nostalgie de l’ancien tandem St-Louis-Stamkos.
Attention : Montréal ne veut pas revivre le cauchemar Patrick Laine. Le Canadien a déjà trop progressé pour replonger dans ce genre de pari qui pue au nez.
La vérité, c’est que Stamkos veut Montréal beaucoup plus que Montréal ne veut Stamkos. Il veut retrouver une émotion.
Il veut s’accrocher à un rêve. Mais le Canadien d’aujourd’hui n’est plus le club sentimental d’autrefois. Il n’offre plus des contrats d’adieu. Il bâtit pour gagner. Et dans cette vision-là, Steven Stamkos ne fait plus partie du plan.
