David Savard n’a peut-être plus de casque sur la tête ni de gants dans les mains, mais il a encore les mots pour frapper.
Dans une entrevue sans détour diffusée sur les ondes du 98,5 FM via le réseau Cogeco, le désormais ex-défenseur des Canadiens de Montréal a fait plus qu’un simple bilan de carrière. Il a lancé une flèche dans le vestiaire du CH. Et Juraj Slafkovsky, qu’il le veuille ou non, était en plein dans la mire.
« On a besoin d’un Slafkovsky qui performe, sinon c’est sûr que ça va être dur de gagner. »
Cette phrase, livrée sans détour par Savard, sonne comme un verdict. Et venant d’un vétéran de 870 matchs dans la LNH, champion de la Coupe Stanley avec le Lightning de Tampa Bay, ce n’est pas une opinion à balayer du revers de la main.
C’est une claque. Une sentence. Un rappel sans pitié que dans le monde du hockey professionnel, les excuses ne survivent pas bien longtemps.
Et pourtant, des excuses, Juraj Slafkovsky en a accumulées. On les a servies encore et encore : il est jeune, il apprend, il a du talent brut.
Mais après deux saisons à Montréal, et surtout après une série éliminatoire où il a été fantomatique, ces justifications ne tiennent plus la route.
Même dans le feu de l’action des séries, Slafkovsky s’est éclipsé. Absent physiquement, absent mentalement, incapable de protéger ses coéquipiers alors que les Capitals transformaient le Centre Bell en champ de bataille.
David Savard, qui a tout vu, tout vécu, ne s’est pas gêné pour le dire.
« Les jeunes doivent apprendre vite, parce qu’on n’a pas trois, quatre ans à attendre. »
C’est un autre message cinglant. Il n’a pas prononcé le nom de Slafkovsky une deuxième fois, mais personne n’était naïf. C’est lui qui incarne cette jeunesse dorée, ce pari à long terme fait par l’organisation en 2022 avec le premier choix au total.
Un pari qui, pour l’instant, n’a pas encore rapporté. Un pari dont les dividendes se font attendre… dangereusement.
Et ce n’est pas faute d’avoir eu du temps de glace. Slafkovsky a eu toutes les chances : premier trio avec Suzuki et Caufield, première vague en avantage numérique, soutien inconditionnel de Martin St-Louis, qui a constamment pris sa défense. Et malgré tout, il termine la saison comme le plus grand point d’interrogation du groupe.
Pendant ce temps, Ivan Demidov arrive, et avec lui une tempête d’attente. Un joueur offensif électrisant, un ailier gaucher qui pourrait tout simplement voler la place de Slafkovsky sur la première ligne.
Et ça, David Savard le sait très bien. Il l’a dit sans le dire. Il a mis les gants sur la table, et a demandé à Slafkovsky de se réveiller. Car la patience des vétérans, comme celle des dirigeants, a ses limites.
Et ce qui rend cette entrevue encore plus poignante, c’est le contraste.
Savard parle avec le calme d’un homme qui a donné tout ce qu’il avait. Qui n’a rien à regretter.
Slafkovsky, lui, termine la saison avec des épaules basses et une voix tremblotante.
On se souvient encore de son entrevue après le deuxième match contre Washington. Loin du joueur arrogant qu’on avait vu au Flyjin avec Angélie Bourgeois-Pelletier. Loin du jeune homme sûr de lui qui promettait de se teindre les cheveux s’ils faisaient les séries. Il avait l’air vidé. Épuisé. Mais surtout désorienté.
« Il est comme un adolescent qui cherche encore son identité. »
Ce n’est pas Martin McGuire, ce n’est pas un analyste de salon. C’est Dany Dubé qui l’a dit, le soir même, au 98,5 FM.
Et c’est ce que David Savard, avec plus de diplomatie, vient confirmer. L’organisation veut un Slafkovsky transformé. Sinon? Il deviendra un actif à liquider. Un nom dans les discussions. Une monnaie d’échange. Une erreur coûteuse de repêchage, si les choses ne changent pas.
Car le contrat de Slafkovsky commence maintenant. Huit ans. 60,8 millions de dollars. Un contrat qu’on espérait être une aubaine à long terme. Mais s’il continue à être ce joueur à deux visages — parfois dominant, parfois invisible — il deviendra un fardeau. Et les partisans, tout comme les vétérans comme Savard, le savent.
Dans la même entrevue, Savard a parlé de ses espoirs pour l’organisation. Il a vanté Martin St-Louis, a exprimé son désir de rester dans la structure du CH. Mais son message ne passe pas par quatre chemins: la reconstrruction est terminée. Il n'y a plus de place pour les touristes.
« Des gars juste bons défensivement, j’en ai assez vu. Ça me prend des gars capables d’attaquer ET de défendre. » avait affirmé Dubé.
Encore une fois, il ne parle pas que de Slafkovsky. Mais c’est lui qui prend toute la lumière dans cette phrase. Lui, qui n’est ni assez menaçant en attaque, ni assez responsable en défense. Lui, qui est encore au milieu du gué, sans réelle identité.
Le message de David Savard est simple : il faut que Slafkovsky devienne un joueur de série. Un joueur dur. Un joueur complet. Pas un projet éternel. Pas un potentiel non réalisé.
Et cette fois, il n’a plus d’excuses. Il n’a plus le temps. Et il n’a plus l’abri protecteur d’un vétéran comme Savard dans le vestiaire pour l’aider à encaisser les critiques.
À partir de maintenant, c’est lui seul contre lui-même.