Tempête au Centre Bell. Et pour Geoff Molson, c’est le déluge.
À peine le temps de souffler après la tempête Air Canada, ce commanditaire sans cœur qui a refusé de transférer un billet d’avion à une femme en deuil, voilà qu’un autre scandale d’une ampleur monumentale frappe un autre partenaire majeur du Canadien de Montréal : la Banque Royale du Canada, la fameuse RBC.
Une banque accusée de complicité dans une vaste fraude téléphonique, qui refuse obstinément de rembourser des victimes.
Une banque qui protège son image plutôt que ses clients. Une banque qui, pendant que des centaines de Canadiens se font voler jusqu’à 50 000 $ de leur propre poche, choisit de… commanditer une équipe de hockey.
Le scandale a été révélé par l’équipe d’enquête de La Presse, sous la plume percutante de Tristan Péloquin et Daniel Renaud, qui ont levé le voile sur une fraude bancaire à l’ampleur inédite au pays.
Grâce à un travail rigoureux, ils ont documenté le cauchemar vécu par des dizaines – voire des centaines – de clients de la RBC, floués à coups de 10 000 $ chacun. Une enquête minutieuse qui expose non seulement les lacunes de sécurité d’une institution bancaire emblématique, mais aussi son insensibilité crasse une fois le vol accompli.
On parle ici de centaines de clients floués. De plus de 1,5 million de dollars envolés. D’un employé de banque possiblement complice. Et d’une direction qui ferme les yeux.
Et pendant ce temps, Molson continue de broder fièrement les logos de ces institutions sur les chandails de son équipe. Jusqu’à quand?
Ce qui aurait dû être un filet de sécurité s’est transformé en un piège bien huilé. Depuis l’été 2024, un réseau opérant à Montréal a orchestré une fraude d’une complexité effarante.
Les fraudeurs, jeunes adultes de 18 à 25 ans, téléphonaient à des clients de la RBC en se faisant passer pour des agents de la détection des fraudes… de la RBC elle-même.
Grâce à une technique appelée « spoofing », le numéro affiché sur le téléphone semblait bel et bien provenir de la banque.
Mais le pire restait à venir. Les fraudeurs connaissaient déjà les informations bancaires confidentielles des victimes. Ils savaient combien elles avaient dans leur compte. Ils anticipaient leurs mouvements. Tout semblait indiquer une taupe à l’interne.
Cette organisation a ciblé spécifiquement la RBC, car celle-ci venait d’augmenter sa limite de transferts Interac de 2000 $ à 10 000 $. Un cadeau sur un plateau d’argent pour les voleurs.
Nelson Ahui, l’une des victimes, résume le sentiment de tous ceux qui se sont fait avoir :
« Ils connaissaient l’état exact de mes comptes. C’est eux qui ont fait les démarches. Moi, j’étais juste le nigaud qui a appuyé sur “envoyer”. »
Même scénario pour Aurélie Depoilly. Cinq jours consécutifs, cinq appels. Cinq fois 10 000 $.
« Je vivais sans dette. Aujourd’hui, je dois rembourser 50 000 $ avec intérêts. C’est la banque qui m’a rendue endettée. »
Et malgré l’horreur de ce qu’ils ont vécu, malgré les preuves d’un stratagème organisé, la RBC refuse catégoriquement de les rembourser.
La réponse de la banque? L’indifférence.
Les victimes sont nombreuses. L’organisme Option consommateurs estime que les 220 cas connus ne représentent que le tiers de la réalité. Et pourtant, malgré l’ampleur du scandale, la RBC reste de marbre.
Me Catherine Bélanger-Khoury, de l’organisme, ne mâche pas ses mots :
« C’est plus difficile avec la RBC qu’avec d’autres banques. Il n’y a aucun règlement. C’est un refus catégorique. »
Et pourquoi? Parce que les victimes auraient partagé, sous pression, certaines informations de vérification. La RBC leur reproche donc… de ne pas avoir deviné que l’appel était une arnaque. Même lorsque l’appel venait du bon numéro, même lorsque le fraudeur leur lisait des informations précises et exactes sur leurs comptes.
Ce qui rend ce refus encore plus indécent, c’est que les fraudeurs ont exploité une faille ouverte par la banque elle-même : la RBC avait récemment augmenté la limite de transferts Interac à 10 000 $, facilitant ainsi le siphonnage massif des comptes.
Le SPVM a même retrouvé dans l’enquête des montres à 65 000 $, un collier en or gravé « Kingpin », des Lamborghini, des armes à feu, et des équipements de clonage de clés de voiture.
Et la RBC?
Elle envoie un courriel générique et refuse toute entrevue.
Ce qui choque profondément dans tout cela, c’est que cette même banque, la RBC, trône en première ligne des commanditaires du Canadien de Montréal.
Elle ne se contente pas de commanditer discrètement. Non. Elle est affichée partout : logo sur le chandail à domicile, publicité sur la bande, activation de marque, promotions avec les joueurs, présence dans les capsules vidéos du CH.
Et tout cela sous les yeux de Geoff Molson, qui semble aveugle à la décence.
Après le scandale d’Air Canada, qui a refusé d’aider une veuve à se faire rembourser le rêve de randonnée partagé avec son mari décédé, voilà une autre entreprise commanditaire qui fait fi de toute humanité.
Est-ce que Geoff Molson va enfin se réveiller?
Est-ce que les commanditaires du CH doivent nécessairement venir avec leur lot de tragédies humaines?
Le cas de Julie Binette avec Air Canada montrait déjà une entreprise sans cœur. Elle pleurait au téléphone, suppliant de pouvoir changer un nom de billet pour ne pas partir seule à Banff. Air Canada lui parlait de « gestion des revenus ». Comme si le deuil devait respecter les clauses d’un modèle Excel.
Cette enseignante québécoise a perdu subitement son conjoint alors qu’elle était en voyage humanitaire. De retour au pays, elle a supplié la compagnie de simplement transférer le billet d’avion de son conjoint décédé à une amie, pour ne pas faire seule le voyage qu’ils avaient prévu ensemble.
Refus catégorique. Air Canada, sourde à sa douleur, lui a parlé de « politique de changement de nom » et de « gestion des revenus ».
Il a fallu trois appels et des larmes pour qu’on finisse par lui dire de faire la réservation en ligne… sans aucune garantie. Une réponse automatisée, un lien en anglais sur une politique de deuil non pertinente : voilà ce qu’on a offert à une femme qui venait de perdre l'homme de sa vie.
Aujourd’hui, la RBC pousse l’indécence encore plus loin. Elle refuse de reconnaître son rôle dans une fraude massive, se lave les mains de tout, et poursuit son partenariat avec le Canadien de Montréal comme si de rien n’était.
Comment les partisans peuvent-ils accepter de porter les couleurs d’une équipe commanditée par des géants sans compassion?
Le gouvernement du Québec, pour une fois, avait pris de l’avance. Une nouvelle loi adoptée à l’automne dernier obligera bientôt les banques à rembourser toute fraude de plus de 50 $, sauf en cas de « faute lourde ». Mais cette loi n’est pas encore en vigueur. Et pendant ce temps, les victimes s’empilent.
Aurélie Depoilly. Nelson Ahui. Et des centaines d’autres. Condamnés à porter une dette qu’ils n’ont pas créée. Condamnés à être les boucs émissaires d’une négligence institutionnalisée.
Au Centre Bell, pendant que la foule scande « Go Habs Go », les logos d’Air Canada et de la RBC scintillent fièrement.
Deux entreprises qui ont oublié ce que signifie être humain.
Deux marques qui refusent de tendre la main aux plus vulnérables.
Et un président, Geoff Molson, qui préfère signer des contrats de millions que d’exiger des comptes.
Le hockey est peut-être un sport brutal. Mais la vraie violence, elle, est dans les choix de partenaires commerciaux.
Il est temps de demander plus. Plus d’humanité. Plus de décence. Plus de respect.
Parce que sinon, que reste-t-il du Canadien de Montréal, sinon une simple vitrine pour des géants qui se moquent de nous?
Le ciel est tombé sur Geoff Molson. Deux fois. Va-t-il enfin regarder en l’air?