Tempête médiatique en Slovaquie: Juraj Slafkovsky ne mérite pas ce traitement

Tempête médiatique en Slovaquie: Juraj Slafkovsky ne mérite pas ce traitement

Par David Garel le 2025-07-23

Il n’a que 21 ans. Il devrait profiter de sa jeunesse, de sa carrière florissante, de la richesse qui s’en vient avec un contrat de 60,8 millions de dollars sur huit ans.

Mais Juraj Slafkovsky, premier choix au total du repêchage de 2022, est aujourd’hui l’un des athlètes les plus tourmentés de la planète hockey.

Des critiques à Montréal, une pression démesurée en Slovaquie, des rumeurs incessantes sur sa vie personnelle, un traitement médiatique souvent injuste : Slaf ne respire plus. Et maintenant, on lui reproche même d’assister au mariage de Nick Suzuki, son capitaine et ami.

Le grand ailier de 6 pieds 4 a pourtant été vu à Brossard cette semaine, patins aux pieds, sourire aux lèvres. De retour d’un court séjour en Slovaquie, Slafkovsky s’entraînait en compagnie de plusieurs coéquipiers.

Mais si les images semblaient anodines pour le partisan moyen, elles ont rapidement déclenché une tempête… en Slovaquie.

Pourquoi? Parce qu’il a décidé de manquer une activité de "team building" avec la fédération slovaque pour pouvoir être présent au mariage de Suzuki.

Une quarantaine de joueurs étaient invités à cette rencontre amicale organisée par la fédération. Une rencontre sans enjeu compétitif, mais tout de même symbolique dans l’optique de construire un esprit d’équipe en vue des prochaines compétitions internationales.

Sauf que pour les médias slovaques, cette absence est une insulte. Une trahison. Un affront national.

Et pourtant, c’est un mariage. Celui de Nick Suzuki. Son capitaine. Son ami.

Slaf n’a jamais caché son admiration pour Suzuki. Les deux joueurs ont bâti une belle chimie au fil des saisons, partageant souvent la même ligne et se retrouvant dans les moments charnières.

Slaf veut être là pour lui. Il veut lui témoigner son respect. Et dans n’importe quelle autre nation de hockey, cette décision serait applaudie. Mais pas en Slovaquie.

Car depuis plusieurs mois, le traitement réservé à Juraj Slafkovsky dans son propre pays a franchi la ligne rouge.

Rappelons qu’au printemps dernier, il avait décliné l’invitation pour représenter la Slovaquie au Championnat du monde.

Une décision qui aurait pu passer inaperçue s’il avait pris le temps de l’expliquer. Mais en l’absence de communication claire, les médias slovaques se sont déchaînés. Certains l’ont accusé de trahison. D’autres ont remis en question son patriotisme. D’autres encore l’ont littéralement traité de lâche.

Tomas Jurco, ancien joueur de la LNH aujourd’hui dans la KHL, avait tenté de le défendre dans une entrevue avec sportweb.pravda.sk, affirmant que « les gens ne connaissent pas l’état de santé physique et mentale de Slaf » et que son absence était probablement motivée par l’épuisement. Mais rien n’y a fait. Slaf est devenu l’homme à abattre.

Et pendant ce temps, à Montréal, la pression ne diminue pas. Slafkovsky va empocher 10 millions de dollars la saison prochaine, soit autant que Connor McDavid.

Une situation qui ne manque pas d’alimenter les critiques dans les médias québécois. Vincent Duquette, dans un article du Journal de Montréal, a d’ailleurs révélé le classement des joueurs les mieux payés chez le CH pour la saison 2025-2026 :

Noah Dobson: 12 M$

Juraj Slafkovsky: 10 M$

Cole Caufield: 9,975 M$

Patrik Laine: 9,1 M$

Nick Suzuki: 8,75 M$

Oui, Slaf sera le deuxième joueur le mieux payé de l’équipe, devant Suzuki, Caufield, et même Laine. Et pourtant, il ne figure même pas dans la discussion pour jouer sur la première unité de l’avantage numérique.

Avec Lane Hutson et Noah Dobson à la ligne bleue, Cole Caufield et Nick Suzuki en piliers offensifs, et Ivan Demidov en ascension fulgurante, Slaf risque de se retrouver sur la deuxième vague de l’avantage numérique dans certains matchs. 

Comment justifier un salaire de 10 millions dans un tel contexte? Comment échapper à la critique quand le jeu ne suit pas, que les buts ne viennent pas, et que ta place dans la hiérarchie offensive recule?

Et à cela s’ajoute le poids des rumeurs personnelles. Chaque fois qu’il traverse une période creuse, on lui ressort sa relation avec Angélie Bourgeois-Pelletier, mannequin et influenceuse.

On insinue qu’il fait la fête. Qu’il sort trop tard. Qu’il s’épuise dans le nightlife au lieu de se concentrer sur sa carrière. Des commentaires qui, bien que rarement fondés, nourrissent le feu médiatique qui brûle autour de lui.

Pire encore, sa famille est constamment ciblée par les médias slovaques. Sa jeune sœur Lucia, une nageuse prometteuse de 14 ans, a été suivie par des journalistes sur le chemin de l’école.

Sa mère Gabriela, ancienne athlète devenue entraîneuse de natation et instructrice de Pilates, est régulièrement harcelée dans son propre gym, où des journalistes sont venus filmer et prendre des photos.

Des images de Gabriela en bikini ont même été diffusées dans des articles sans son consentement. Leur maison familiale, près de Košice, est devenue un lieu de passage pour les curieux. Certains n’hésitent pas à frapper à leur porte en pleine nuit. Un cauchemar.

Dans ces conditions, comment un jeune homme de 20 ans peut-il respirer?

Slaf n’est pas parfait. Il a connu des hauts et des bas. Il peine à trouver une constance dans son jeu. Mais il n’a jamais trahi sa passion pour le hockey, ni son attachement à son pays. 

Il est simplement humain. Et aujourd’hui, il vit une forme de harcèlement médiatique qui dépasse l’entendement.

Et comme si ce n’était pas suffisant, voilà que certains journalistes à Montréal, comme François Gagnon, ne le considèrent même plus comme un intouchable. 

Lors de son passage au podcast The Basu & Godin, Gagnon a déclaré qu’à ses yeux, les seuls vrais intouchables chez le CH étaient Nick Suzuki, Lane Hutson, Ivan Demidov et possiblement Kaiden Guhle.

Slaf n’en faisait pas partie.

Imaginez ce que cela signifie pour un jeune homme qui lit tout. Qui entend tout. Qui sent la critique dans chaque souffle, chaque commentaire sur les réseaux sociaux, chaque mot dans les médias. 

Même les plus grands journalistes du pays remettent en doute sa place dans l’organisation.

Ce qui rend la situation encore plus cruelle, c’est que Slaf est revenu à Montréal de son plein gré. Il aurait pu prolonger son séjour en Slovaquie, se reposer, se cacher.

Mais non. Il a décidé de rejoindre ses coéquipiers à Brossard. De s’entraîner. De préparer la prochaine saison avec sérieux. Et il le fait alors que son propre pays l'enfonce publiquement pour avoir osé honorer un engagement personnel envers un ami.

Il est peut-être temps que l’organisation du Canadien, à commencer par Kent Hughes, Jeff Gorton et Martin St-Louis, prenne la défense publique de son jeune joueur. Qu’on envoie un message clair, tant au Québec qu’en Slovaquie : Juraj Slafkovsky n’a pas à s’excuser d’être humain.

Il n’a pas à s’excuser d’assister à un mariage.

Il n’a pas à s’excuser de vouloir respirer.

Le hockey est un sport. Pas une prison médiatique.

Et si on veut que Juraj Slafkovsky réalise son immense potentiel, il faudra l’aider à porter cette pression, pas l’enfoncer plus profondément dans la tempête. Parce qu’en ce moment, il est seul. Et plus seul que jamais.