Le rêve du retour des Nordiques est devenu un champ de bataille d’ego, d’argent et de rancunes personnelles.
Et, sans le savoir, c’est peut-être Luc Poirier qui vient de donner le coup de grâce à Pierre Karl Péladeau, cet homme qui, pendant des années, a fait miroiter un retour à tout un peuple sans jamais déposer une offre réelle auprès de la Ligue nationale de hockey.
S’il n’y a pas d’équipe à Québec aujourd’hui, ce n’est pas à cause de Gary Bettman. Ce n’est pas à cause des autres propriétaires de la LNH. C’est à cause de Pierre Karl Péladeau. Et ce discours fait mal, parce qu’il vient d’un entrepreneur qui, lui, n’a jamais hésité à prendre des risques.
Tout part de 2016. Bettman ouvre les portes à une expansion. Deux villes sont sur les rangs : Las Vegas et Québec. Les conditions sont claires : un chèque de 500 millions de dollars américains. Pour une ville comme Québec, c’est un prix élevé, mais encore accessible.
Las Vegas paye. Québec ne paye pas.
Pourquoi? Parce que Pierre Karl Péladeau refuse de prendre le risque. Trop cher, dit-il. Trop dangereux. Trop d’incertitudes.
Las Vegas obtient les Golden Knights, une équipe qui atteint la finale de la Coupe Stanley en deux ans et qui la remporte en 2023. Pendant ce temps, Québec se retrouve avec… un amphithéâtre vide et un peuple humilié.
Aujourd’hui, le prix d’une expansion n’est plus de 500 millions. C’est près de 2 milliards. Quatre fois plus. Et les Nordiques, eux, seraient déjà de retour si Péladeau avait osé en 2016. Bettman l’a dit à ses proches :
« Québec aurait une équipe en ce moment si l’offre avait été déposée. »
Dans les studios de Cogeco, Poirier a remis les pendules à l’heure :
« Ce qui a fait ma force au fil des années, c’est que je prends énormément de risques. Des risques calculés, mais des risques quand même. »
« Je vis bien avec. Ça fait des années que, souvent, je manque d'argent. Donc j'ai une collection d'autos, par exemple, que, si ça va vraiment mal, je peux les vendre. Mais je suis un vrai entrepreneur. Je ne suis pas capable de garder de l'argent à la banque. Quand j'en ai, il faut que je l'investisse.»
Contrairement à Péladeau, Poirier assume son style. Il investit. Il mise. Il perd parfois, mais il ne s’accroche jamais à son portefeuille comme à une bouée de sauvetage.
Il a déjà tenté de racheter les Coyotes de l’Arizona. Il affirme avoir été prêt à mettre jusqu’à 800 millions US pour cette franchise, qu'il aurait ramené à Québec.
Et aujourd’hui, tout le monde sait qu’il pourrait aligner entre 1,5 milliard et 2 milliards avec les bons partenaires.
La différence entre les deux hommes est immense. Poirier est flamboyant, impulsif, provocateur. PKP est froid, autoritaire, calculateur.
Poirier dit qu’il n’a jamais voulu garder son argent « à dormir » dans une banque. PKP, lui, a préféré garder ses liquidités plutôt que de miser sur l’opportunité historique de 2016.
Et c’est précisément là que Poirier frappe fort : il accuse indirectement Péladeau d’avoir tué le rêve nordique deux fois.
Aujourd’hui, en continuant de bloquer le dossier, parce qu’il détient le contrôle du Centre Vidéotron et refuse de céder la place.
« PKP étant PKP, ce n’est pas évident de faire des affaires avec lui. »
« Ramener une équipe sans être en mesure de gérer l’amphithéâtre, c’est presque impossible. »
Le commissaire de la LNH, Gary Bettman, est du côté de Poirier. Selon ses propos, Péladeau n’a tout simplement pas les ressources nécessaires pour ramener une équipe à Québec.
Un coup de poignard en plein cœur. Bettman ne cache plus sa méfiance envers PKP. Son tempérament colérique, ses méthodes autoritaires, son image d’homme difficile à contrôler : tout cela rebute la LNH.
Et Bettman va plus loin. Il balaie la rumeur selon laquelle Geoff Molson s’opposerait en secret au retour des Nordiques.
Au contraire, affirme-t-il, Molson voterait « oui » si l’opportunité se présentait. Le problème n’est pas Molson. Le problème, c’est l’absence d’un groupe d’investisseurs solides. Autrement dit : le problème, c’est PKP.
Ce conflit est aussi une guerre d’images.
Pierre Karl Péladeau, héritier d’Outremont, patron de Quebecor, propriétaire de TVA Sports et du Centre Vidéotron, symbole d’un empire qui s’effrite.
Aujourd’hui, TVA Sports coule, Quebecor s’endette, et le Centre Vidéotron reste vide.
Luc Poirier, promoteur "self-made", enfant d’un HLM, surnommé « le gars du trou » par les élites, mais qui n’a jamais cessé de brasser des deals.
Ses Ferrari font jaser. Son "bling-bling" rend mal à l'aise, mais lui, il continue d'avancer comme un "big boss".
Ce duel est plus qu’une rivalité personnelle. C’est une fracture entre deux visions du Québec. L’une tournée vers le contrôle et la peur de perdre. L’autre vers le risque et l’audace.
L’éléphant dans la pièce, c’est le Centre Vidéotron. Un amphithéâtre de 370 millions de dollars, payé par les contribuables, mais contrôlé par Quebecor. Tant que PKP garde la main sur ce joyau vide, aucun investisseur externe ne peut bouger.
Qui accepterait de débourser 2 milliards pour une expansion si l’amphithéâtre reste sous le contrôle d’un rival incapable de convaincre la ligue? C’est une impasse totale.
Le dossier prend une tournure encore plus explosive avec les rumeurs de départ de Gary Bettman. À 73 ans, le commissaire serait à quelques années de la retraite. The Athletic a rapporté qu’il l’aurait confié à ses proches.
Les joueurs, eux, n’en peuvent plus. Un sondage réalisé par The Athletic a révélé que plus de 54 % des joueurs actifs veulent que Bettman quitte son poste. Pour eux, la ligue stagne, se referme, et manque d’ambition.
Mais voilà : si Bettman quitte, son successeur pressenti est… Bill Daly. Et pour les partisans de Québec, ce serait une catastrophe. Daly est dans la continuité de Bettman. Aucun vent de changement. Aucune ouverture nouvelle.
Ce qui veut dire une chose : le temps presse. Si Québec veut bouger, c’est maintenant. Et certainement pas en continuant de miser sur PKP.
Pendant ce temps, l’Avalanche du Colorado dévoile un chandail rétro… bleu Nordiques. Le bleu de Québec. L’insulte suprême.
Ce chandail, ce n’est pas qu’un coup marketing. C’est une gifle au peuple de Québec. C’est un rappel cruel que l’histoire des Nordiques appartient désormais à Denver. Et pour Luc Poirier, c’est aussi une opportunité médiatique parfaite pour relancer le débat.
Car ce chandail, aussi beau soit-il, ne ramènera pas une franchise. Mais il peut rallumer la flamme. Et Poirier l’a compris.
Québec se trouve à la croisée des chemins.
Continuer à attendre un PKP qui n’a jamais fait d’offre réelle, qui bloque le Centre Vidéotron, et qui préfère miser sur Transat plutôt que sur les Nordiques.
Ou écouter Luc Poirier, un homme controversé, flamboyant, mais qui dit les choses telles qu’elles sont et qui a les moyens d’agir.
Le rêve d’un retour des Nordiques est encore vivant. Mais il ne survivra pas si Québec reste prisonnière du mirage de Pierre Karl Péladeau.
Luc Poirier n’a pas lancé une bombe. Il a déposé une vérité : tant que PKP est dans le portrait, il n’y aura jamais de Nordiques.
Et cette fois, tout le Québec l’a entendu.