C’est devenu un classique des médias sportifs québécois : l’appel constant à ramener un “p’tit gars d’ici” à la maison.
Mais rarement une proposition aura enflammé autant la toile que celle lancée cette semaine par Jean-Charles Lajoie sur les ondes de TVA Sports.
L’homme qui se targue de provoquer les débats a frappé fort — peut-être trop fort — en suggérant un échange entre Juraj Slafkovsky et Alexis Lafrenière.
Résultat? Une tempête de réactions. Et de manière cinglante, la population a répondu d’une seule voix : non merci, JiC.
La proposition semble simple à première vue. Deux anciens premiers choix au total. Deux joueurs talentueux, jeunes, encore en développement. Un changement de décor pourrait-il aider chacun à franchir une nouvelle étape? En théorie, peut-être. En pratique? C’est une proposition ridicule que les partisans refusent d’endosser.
Slafkovsky est la cible médiatique facile. Il est tout sauf parfait. Il traîne une saison en montagnes russes, ponctuée de critiques sur son implication, sa constance, son langage corporel, ses sorties nocturnes et sa relation avec Angélie Bourgeois-Pelletier, la fameuse ex-serveuse du Flyjin qui est maintenant mannequin à temps plein.
Oui, il a été au cœur de plusieurs controverses cette année. Oui, il n’est pas encore le "power forward" que l’on rêve qu’il devienne. Mais il a seulement 21 ans.
Et surtout, il vient de compléter une saison de 51 points. Dans une équipe jeune, en pleine reconstruction, avec un trio stable et une présence constante sur le premier avantage numérique, Slafkovsky a montré des signes clairs de progression.
Il a enfilé deux saisons complètes dans la LNH à 19 et 20 ans — chose que très peu de joueurs peuvent revendiquer. En série, il a flanché. Oui. Mais est-ce que cela suffit à l’expédier pour un joueur qui n’a pas encore trouvé sa niche dans l’élite de la LNH?
Pendant ce temps, Lafrenière est mirage médiatique.
Le Québec sportif a développé une obsession presque pathologique envers Alexis Lafrenière. Premier choix au total, fier représentant de Rimouski, francophone, formé ici. Il est devenu le mirage du joueur parfait à rapatrier, peu importe les circonstances. Mais les faits sont sans pitié.
À 23 ans (24 ans en octobre), Lafrenière a amassé 45 points cette saison dans une équipe des Rangers bien huilée. Malgré les multiples entraîneurs et les différentes opportunités dans le top 6, il n’a jamais franchi le cap symbolique des 60 points.
Et pourtant, c’est Juraj Slafkovsky qu’on veut sortir de Montréal?
Les réseaux sociaux ne pardonnent pas. La réaction des amateurs a été instantanée. Et sans appel.
« Slaf est loin d’avoir démontré son plafond, Lafrenière ce qu’on a vu c’est ce qu’on aura. One-on-one? JAMAIS! »
« JiC est encore en beau calvaire qu’on ait repêché Caufield à la place de Raphaël Lavoie. »
« Cr*ss qu’il est dans l’champs JiC. Slaf a deux saisons de 50 points et il a 20 ans. Lafrenière a UNE saison de 45 points à 23 ans. »
« On appelle ça l’aveuglement québécois. Il ne voit pas les défauts des joueurs des autres équipes. »
Jean-Charles Lajoie a-t-il franchi la ligne? Absolument.
Ce n’est pas la première fois qu’il dérape dans ses analyses — certains se souviendront de son amour étrange pour Raphaël Lavoie, qu'il voulait à la place de Cole Caufield, de ses critiques intempestives sur le buteur du CH ou de son obsession à vouloir franciser le Canadien à tout prix.
Jean-Charles Lajoie traîne derrière lui un historique de prédictions embarrassantes et de positions dictées par un chauvinisme mal calibré.
Il avait annoncé que Jordan Harris allait devenir un sérieux candidat au trophée Norris. Résultat? Harris a été échangé contre des miettes pour faire de la place à Patrik Laine, et n’a jamais dépassé le rôle d’un 7e défenseur.
Lajoie voulait aussi sacrifier Cole Caufield, Phil Danault et un jeune défenseur pour mettre la main sur Pierre-Luc Dubois — une transaction qui aurait été catastrophique pour le CH.
Rappelons qu’il militait ardemment pour que le Canadien sélectionne Raphaël Lavoie plutôt que Caufield au repêchage de 2019, allant jusqu’à accuser l’organisation de snober les joueurs québécois.
Caufield est devenu une vedette. Lavoie, lui, a disparu. Dernière folie en date? De Harris au Norris à Lavoie avant Caufield, en passant par l’échange rêvé de Slafkovsky pour Lafrenière, le palmarès de Lajoie s’allonge comme une chronique de l’échec médiatique, et c’est toute la crédibilité de TVA Sports qui en souffre.
Mais cette fois, c’est différent. Cette fois, les partisans lui ont tourné le dos sur-le-champ.
La proposition de JiC ne sort pas de nulle part. Elle est le reflet d’un vieux réflexe dans les médias québécois : préférer un joueur francophone à tout prix, même si cela implique de sacrifier un joueur au potentiel plus élevé, plus jeune, plus complet.
Ce chauvinisme identitaire ne tient plus la route.
Les partisans d’aujourd’hui suivent la LNH. Ils comparent les chiffres. Ils comprennent les dynamiques de développement. Et surtout, ils refusent de voir des décisions d’organisation être dictées par le passeport.
Lafrenière ne serait pas une mauvaise acquisition pour une autre équipe. Mais échanger Slafkovsky pour lui serait une erreur historique. Ce serait admettre qu’à Montréal, on n’est pas capable de développer le talent brut.
Ce serait envoyer un message catastrophique à Ivan Demidov, à Michael Hage, à David Reinbacher, à Lane Hutson : ici, tu n’as pas le droit à l’erreur.
Slafkovsky, malgré tout, rallie le Québec
Ce que cette controverse a permis de démontrer, c’est quelque chose de précieux : le public a adopté Slafkovsky. Malgré ses maladresses. Malgré son contrat. Malgré Angélie. Malgré les critiques. Malgré ses larmes.
Le peuple du CH l’aime.
Et ça, Jean-Charles Lajoie ne l’a pas vu venir.
En voulant relancer un vieux débat stérile, il a réveillé une génération de partisans qui en ont assez de cette pression à toujours tout québéciser. Une génération qui croit au développement, à la patience, à la vision long terme.
Slafkovsky, c’est une histoire encore en écriture. Mais personne ne veut refermer le livre.
Jean-Charles Lajoie et TVA Sports voulaient faire du bruit. Il a réussi. Mais cette fois, il est resté enfermé dans la tornade qu’il a lui-même déclenchée.
Et pendant ce temps, Juraj Slafkovsky, malgré ses défauts, ses doutes et ses nuits compliquées, continue de grandir. Il est là. Il est jeune. Il est talentueux. Et il est notre projet collectif.
L’échanger contre un joueur qui a plafonné? Ce serait une insulte à l’intelligence des partisans.
Alors non, JiC. Slafkovsky ne s’échangera pas pour Lafrenière.
Et Montréal a parlé.
Fort.