Trevor Zegras a enfin vidé son sac.
Derrière son sourire charmeur, derrière ses gestes spectaculaires qui enflammaient la LNH et remplissaient les fils d’actualité des réseaux sociaux, il cachait une douleur profonde.
À Anaheim, il était malheureux. Déprimé. Enfermé dans une spirale où le talent n’avait plus sa place.
« Chaque jour se ressemblait, c’était la dépression saisonnière », a-t-il avoué. Cinq années passées sous un soleil qui ne se couchait jamais, dans une atmosphère trop belle pour être vraie, l’ont éteint de l’intérieur.
Zegras, ce joueur qui devait devenir le visage de la nouvelle génération, s’était transformé en fantôme.
La statistique brute racontait déjà cette descente aux enfers : 139 points en 180 matchs lors de ses trois premières saisons, puis une chute vertigineuse. De 0,77 point par match à 0,53.
Moins de buts, moins de passes, moins de magie. À la place, des blessures à répétition, des conflits ouverts avec un entraîneur borné (Greg Cronin), des critiques incessantes sur son jeu défensif.
« Le dernier truc que j’avais en tête, c’était de jouer au hockey », a-t-il reconnu. Et quand un joueur de 24 ans admet qu’il a perdu le goût de jouer, le signal est clair : il faut l’arracher à ce contexte, le sauver avant qu’il ne s’éteigne définitivement.
C’est à ce moment précis que le Canadien de Montréal avait la chance d’agir. Une chance unique, une occasion historique. Trevor Zegras était disponible. Et pas pour un prix exorbitant.
Les Ducks, fatigués, voulaient tourner la page. Daniel Brière, flairant le coup, a sauté dessus : Ryan Poehling, un choix de deuxième ronde et un choix de quatrième. C’est tout.
C’est le prix payé par les Flyers pour un joueur qui avait déjà connu deux saisons de 60 points, qui avait déjà marqué l’imaginaire avec son fameux but Michigan et ses passes venues d’un autre monde.
Et Montréal? Rien. Pourquoi? Parce que Kent Hughes a refusé d’inclure Jake Evans dans l’équation. Un centre honnête, travailleur, qui bloque des tirs et se bat sur les mises en jeu. Un joueur utile, certes, mais qui ne fera jamais lever une foule au Centre Bell par une inspiration géniale.
Evans est le prototype du soldat que Martin St-Louis adore. Mais échanger Evans pour Zegras? C’était trop. Hughes a reculé. Et Montréal a perdu bien plus qu’un joueur. Montréal a perdu une vision.
Aujourd'hui, les regrets sont violents. À Philadelphie, Zegras retrouve le sourire. Il retrouve une place de choix, au centre, là où il peut dicter le rythme du jeu. Il retrouve un entraîneur, Rick Tocchet, qui croit en lui.
« C’est sa maison maintenant. Ici, il est dans son sanctuaire », a lancé Tocchet.
Daniel Brière a dit la vérité toute nue :
« Les talents de premier plan dans le top-6, ça ne se trouve presque jamais disponible. On a jugé que le risque en valait la peine. »
Le DG des Flyers adorent le risque. Pas pour rien qu'ils ont volé Matvei Michkov au 7e choix total.
Voilà le deuxième coup de poignard. En 2023, Kent Hughes avait juré qu’il sélectionnerait le meilleur joueur disponible au cinquième rang. Tout le monde savait qui c’était : Michkov.
Le Russe le plus talentueux depuis Ovechkin. Le diamant brut qui allait redéfinir la trajectoire d’une franchise. Mais Hughes a choisi la prudence.
Il a pris David Reinbacher, un défenseur correct, peut-être solide un jour, mais qui ne sera jamais un joueur qui change un match par un éclair de génie. Pourquoi? Parce que Michkov était perçu comme risqué. Parce qu’il ne cochait pas toutes les cases d’un vestiaire modèle. Parce qu’il dérangeait.
Aujourd’hui, ces deux décisions se télescopent dans la réalité. Michkov et Zegras font déjà de la magie ensemble. Et Montréal se tait. Chaque fois que ces deux joueurs vont combiner leurs forces, ce sera une gifle publique pour le Canadien. Un rappel que Hughes a dit non. Non au talent. Non à l’audace. Non à la magie.
Ce n’est pas une erreur isolée. C’est un schéma. Montréal fuit les personnalités qui dérangent. Montréal fuit les « bad boys ». Montréal fuit tout ce qui ne cadre pas avec leur mentalité propre.
Clairement, le CH a été échaudé avec le fiasco de Patrik Laine, réduit à un figurant parce qu’il ne colle pas à la philosophie de St-Louis. C’est une obsession maladive pour le vestiaire impeccable, pour les joueurs qui ne feront jamais de vagues. Mais cette obsession tue l’ambition.
Parce que la LNH moderne ne se gagne pas avec des Evans et des Reinbacher. Elle se gagne avec des Tkachuk, des Bennett, des Kucherov. Des joueurs imparfaits, parfois caractériels, mais qui changent un match en un coup de patin.
La Floride l’a prouvé en misant sur Tkachuk. Les Flyers le prouvent aujourd’hui avec Zegras. Montréal, lui, se contente d’accumuler des travailleurs honnêtes et des promesses incertaines.
Martin St-Louis porte une part énorme de responsabilité. Derrière son image de mentor moderne se cache une vision vieille école.
Le coach du CH aurait été très impliqué dans le rejet de Michkov et Zegras.
Pour lui, Zegras est un joueur d’Instagram. Michkov, un produit de marketing russe. Ce ne sont pas des guerriers. Ce ne sont pas des soldats. Lui veut bâtir une armée. Il préfère un joueur qui bloque des tirs à un joueur qui fait lever la foule.
Le problème? Les partisans n’achètent pas ça. Ils veulent rêver. Ils veulent vibrer. Ils veulent des séquences virales, des buts impossibles, des moments magiques.
Ils veulent que le Centre Bell retrouve son souffle. Et ils voient qu’ailleurs, ça se produit. Ils voient Zegras et Michkov rire ensemble, créer ensemble, s’épanouir ensemble. Et ils savent que ça aurait pu être à Montréal.
Ce refus de l’audace condamne le CH à la médiocrité. Chaque saison sera une répétition du même scénario : on nous vendra Kirby Dach comme une pièce centrale, alors qu’il n’a jamais confirmé son potentiel.
On nous présentera Alex Newhook comme un deuxième centre, alors qu’il n’était qu’un figurant au Colorado. On nous gonflera Noah Dobson, qui traîne déjà une réputation de mollesse malgré son contrat astronomique.
Ce ne sont pas des certitudes. Ce sont des paris. Et pendant que Montréal s’accroche à ses paris, Philadelphie récolte du concret.
Déjà que la grave erreur de Michkov est coûteuse. Les partisans doivent avaler leur double-colère avec Zegras.
L'Américain n’est pas un joueur fini. Il est un joueur ressuscité. Un joueur qui avait besoin d’un changement d’air. Un joueur qui, à 24 ans, a encore une carrière à bâtir. Philadelphie lui a offert cette chance. Montréal a tourné le dos.
Dans cinq ans, personne ne se souviendra de Jake Evans. Mais tout le monde saura que Montréal a laissé filer Zegras. Tout le monde saura qu’on a ignoré Michkov. Tout le monde saura que ces deux décisions ont condamné le Canadien à la médiocrité.
Et au fond, ce qui fait le plus mal, ce n’est pas seulement d’avoir raté deux talents exceptionnels. C’est d’avoir révélé la vérité nue : le Canadien a peur de gagner. Peur de l’audace. Peur du talent qui déborde. Peur de tout ce qui sort du moule.
Kent Hughes va le regretter pour la vie...