Transaction Montréal-St-Louis: la porcelaine a cassé

Transaction Montréal-St-Louis: la porcelaine a cassé

Par David Garel le 2025-09-25

La porcelaine de luxe a encore cassé.

Il y a des absences qui laissent indifférents. Et puis il y a celles qui hurlent un malaise.

Le nom de Kaiden Guhle vient encore une fois de s’ajouter à la colonne des disparus. Retiré de l’alignement à la dernière minute contre les Maple Leafs, après avoir participé au morning skate, il a été remplacé sans tambour ni trompette par Marc Del Gaizo.

Raison officielle? « Maintenance ». Une journée de traitements. Un mot qui, à Montréal, commence à sonner comme une mauvaise blague de physiothérapeute.

Mais ce n’est pas une blague. C’est un signal d’alarme. Encore un.

Et ce signal, aussi subtil soit-il, nous rappelle une vérité que l’on tente trop souvent d’oublier : Guhle est une défense de porcelaine. Un bijou défensif, ciselé, intelligent, fluide, mais d’une fragilité déconcertante. Un chef-d’œuvre constamment menacé par la moindre fissure.

Et le plus frustrant, c’est que cette porcelaine-là… le CH refuse de la vendre. Même quand on lui propose du solide.

Cet été, une rumeur a circulé dans les coulisses. À peine chuchotée. La possibilité était bien réelle : si le CH avait voulu inclure Guhle dans le deal, Jordan Kyrou aurait pu faire ses valises pour Montréal.

Kyrou.

Un attaquant explosif. Un centre d’appoint crédible. Un joueur qui aurait immédiatement consolidé un top-6 boiteux. Mais Kent Hughes a dit non. C’est Guhle qu’on protège. Guhle qu’on garde. Guhle qu’on surprotège.

Et pourtant, ce même Guhle ne peut même pas compléter un camp d’entraînement sans pépin. On n’est même pas encore à la saison régulière qu’il manque déjà des matchs.

À quoi bon bâtir sur une base aussi instable?

Sous-payé, surutilisé, surévalué?

Il faut le dire : Guhle est un défenseur extraordinaire. Quand il est en santé.

À 3,9 millions par année, il est un véritable vol sur le plan salarial. Il joue gros, il joue dur, il relance, il bloque des tirs, il calme le jeu, il peut même contribuer offensivement quand on le laisse s’exprimer.

Mais tout cela ne sert à rien si c’est pour 55 matchs par année.

Ce contrat, aussi avantageux soit-il sur papier, devient inutile si on doit constamment gérer son temps de jeu, le ménager, le retirer à la dernière minute comme une diva fragile à qui on évite les courants d’air.

Un défenseur aussi bon que Guhle ne sert à rien s’il n’est jamais disponible quand ça compte.

Et c’est là où la valeur de marché de Guhle devient un piège.

Il est tellement sous-payé que le Canadien ne veut pas s’en départir.

Il est tellement souvent blessé que personne n’ose vraiment le réclamer.

On est pris avec une machine de guerre… qui casse à chaque impact.

« Maintenance reasons » ou début de rechute?

Soyons honnêtes : une vraie journée de traitements, ça se sait à l’avance.

Un joueur ne fait pas un morning skate, ne prend pas des répétitions sur le power play, ne se prépare pas avec ses coéquipiers… pour ensuite disparaître à 18h30 avec une serviette sur l’épaule.

Non. Ce retrait de Guhle est un aveu. Un aveu que quelque chose coince. Que son corps a tiré la sonnette d’alarme. Encore une fois.

Et c’est ce « encore une fois » qui tue.

Parce que le nombre de fois où Guhle a été retiré pour des petits bobos, pour des absences temporaires qui s’éternisent, commence à dépasser le nombre de matchs joués d’une traite.

On ne peut pas bâtir une défensive stable avec un joueur aussi incertain physiquement.

On ne peut pas entrer en séries avec un top-4 dont un pilier risque de tomber au premier virage.

La vérité, c’est que le CH a pris un pari.

En refusant d’inclure Guhle dans un échange pour Jordan Kyrou, on a misé sur la stabilité défensive. Sur la jeunesse. Sur le fait que Guhle finirait par se renforcer, par franchir un cap physique. Mais est-ce vraiment réaliste?

À 22 ans, Guhle n’a jamais disputé une saison complète. Jamais.

Et les blessures ne diminuent pas. Elles s’accumulent. Elles s’aggravent. Elles deviennent chroniques.

À un moment donné, Kent Hughes devra faire un choix difficile : garder son bijou en porcelaine ou le transformer en pièce maîtresse pour un centre légitime. Un vrai. Pas un pari. Pas un projet.

Un Mason McTavish, par exemple.

Et si on attend trop, la valeur de Guhle va s’éffriter. Les équipes vont voir ce que Montréal voit déjà en coulisses : un joueur exceptionnel… mais qui tombe en miettes au moindre stress.

Une équipe en reconstruction n’a pas de place pour des incertitudes médicales.

Le CH n’a pas le luxe d’attendre.

Pas avec les contrats à venir de Lane Hutson, d'Ivan Demidov et compagnue. Pas avec la progression d’Adam Engstrom, de William Trudeau, de Logan Mailloux.

À un moment donné, la congestion à gauche devient insoutenable. Et si Guhle ne peut pas s’imposer physiquement, alors il devient redondant.

Un joueur qui coûte peu… mais qui coûte cher en disponibilités.

Un leader potentiel… qui ne peut jamais terminer un match.

Un pilier… dont les fondations s’effritent sans cesse.

C’est peut-être là le plus grand drame de cette équipe.

Kaiden Guhle est tout ce qu’on cherche dans un défenseur moderne : mobile, intelligent, efficace, humble, discipliné. Il est aimé des entraîneurs, respecté dans la chambre, admiré par ses coéquipiers.

Mais il est piégé dans un corps qui le trahit.

Et à chaque fois qu’on pense que le cauchemar est derrière lui, une nouvelle absence vient le rappeler à notre mémoire.

Hier, c’était « rien de grave ». Aujourd’hui, c’est une journée de traitements. Demain? Peut-être un mois sans jouer.

Ce scénario commence à ressembler à un disque rayé. Et il est peut-être temps que le Canadien change la chanson.

Le Canadien a refusé d’envoyer Guhle à Saint-Louis. Il a dit non à Kyrou. Il a dit non au renfort offensif. Il a dit non à une direction différente. Il a dit oui à la fragilité.

Mais jusqu’à quand?

Le moment approche où Kent Hughes n’aura plus le choix. Il devra regarder froidement la situation, sans attachement émotionnel, et se poser la question qui dérange : vaut-il mieux un joueur sublime 50 matchs par année ou un bon joueur disponible 82 fois?

Et s’il ne trouve pas de réponse… la question se répondra d’elle-même, à la prochaine blessure.

À la prochaine journée de maintenance.