Le ciel continue de s’assombrir au-dessus de Juraj Slafkovský.
Le jeune prodige slovaque, premier choix au total du repêchage 2022, subit depuis des mois une pression médiatique et émotionnelle d’une intensité rare.
Entre les critiques à Montréal, la haine viscérale des médias de son pays natal, l’intrusion malsaine dans la vie privée de sa famille et la pression d’un contrat de 8 ans à 7,6 millions de dollars, voilà maintenant qu’un journaliste réputé, François Gagnon, le jette dans la fosse aux lions… pour Sidney Crosby.
Oui, vous avez bien lu. Le visage de la reconstruction du Canadien de Montréal, celui que l’on a protégé, défendu, promu comme un futur monstre de puissance dans la LNH, serait jetable pour un joueur de 38 ans.
Et pas n’importe qui. Sidney Crosby. Un dieu du hockey. Un nom mythique. Mais un joueur en fin de carrière. Un joueur qui aura 40 ans à la fin de son prochain contrat. Et pourtant, François Gagnon l’a dit sans détour, sur le podcast Basu & Godin : il échangerait Juraj Slafkovský pour Crosby.
C’est plus qu’une proposition. C’est une trahison.
Et c’est là où ça fait encore plus mal. Car François Gagnon, ce n’est pas n’importe qui. Ce n’est pas un polémiste en quête de clics, ni un analyste improvisé.
C’est un des journalistes les plus respectés au pays, un membre intronisé du Temple de la renommée du hockey. Sa parole pèse lourd. Quand il parle, les gens écoutent. Quand il donne son opinion, elle est prise au sérieux dans tous les bureaux de direction de la LNH.
Et lui, sans détour, n’hésite pas à sortir Juraj Slafkovský du cercle des intouchables. Il ne l’a pas dit sur un coup de tête. Il l’a réfléchi, assumé.
Et pour un jeune homme comme Slaf, qui lutte déjà pour maintenir sa confiance et sa place au sommet, entendre une telle déclaration de la bouche d’un monument du journalisme hockey, c’est un coup de poignard en plein cœur.
Slafkovský est l’un des rares premiers choix de l’histoire du Canadien. Un pari audacieux de Kent Hughes. Un joueur qui, malgré des débuts hésitants, a montré un potentiel brut impressionnant.
Physiquement dominant, doté d’un tir lourd, capable de jouer avec rythme, Slaf est encore à des années-lumière d’avoir atteint son apogée.
Mais voilà qu’on l’englobe dans un hypothétique échange pour un vétéran, comme si son avenir valait moins qu’un dernier tour de piste de Crosby.
Imaginez ce que ressent le jeune homme. Il lit tout. Il voit tout. Ses proches le savent. Il dévore les réseaux sociaux. Il écoute les balados. Il lit les articles. Il entend les rumeurs.
Et aujourd’hui, il entend que même à Montréal, même dans le vestiaire du CH, il ne serait plus un intouchable. On considère que Suzuki, Hutson, Demidov et peut-être Guhle sont à protéger… mais pas lui. Lui, on peut le sacrifier. Lui, on peut l'envoyer à Pittsburgh comme un moins que rien.
Et ce n’est pas tout. Rappelons que Slafkovský a traversé des mois d’enfer dans son pays. Il a refusé de participer au Championnat mondial après une saison exténuante, une décision pourtant logique compte tenu de sa santé mentale et physique. Mais les médias slovaques ne l’ont pas épargné. On l’a traité de lâche. De traître. De diva.
Des journalistes ont suivi sa sœur jusqu’à l’école. Sa mère a été harcelée dans son gymnase. Des photos intimes ont été volées et publiées. Leur maison de Košice est constamment prise d’assaut par des intrus, curieux ou malveillants. Sa famille vit sous haute tension.
Il a qualifié lui-même la couverture médiatique dans son pays de toxique. Et il n’a pas tort. L'ancien joueur de la LNH et compatriore, Tomas Jurco, a dû sortir publiquement pour défendre Slaf, dénonçant la brutalité des critiques sans fondement. Mais rien n’y fait : Slafkovský est devenu un punching bag national.
On aurait pu croire que Montréal serait son échappatoire. Son havre de paix. Mais non. L’année a été difficile. Il a été relégué au quatrième trio. Il a été benché à plusieurs reprises.
Sa relation avec Martin St-Louis a connu des hauts et des bas. Son propre père, dans des messages privés, s’en est pris à St-Louis, dénonçant un système sans structure, « où les joueurs courent comme des moutons sans tête ».
Slaf a avoué être habité en permanence par la voix du coach. Il tente de faire ce qu’on lui demande, mais chaque erreur le replonge dans la tourmente. Il n’ose plus. Il hésite. Il s’efface.
Et maintenant, il voit que même des journalistes comme François Gagnon le sacrifient sans hésiter. Pour qui? Pour un joueur de 38 ans.
C’est trop.
Kent Hughes doit trancher
Heureusement, tout n’est pas encore joué. Kent Hughes est aux commandes. Et lui seul peut calmer la tempête. Car malgré les rumeurs, il n’y a aucune chance que Hughes échange Slafkovský pour Crosby.
Aucun DG ne sacrifierait un premier choix au total, à peine âgé de 20 ans, pour un joueur dont la retraite approche à grands pas.
Kent Hughes sait ce qu’il a entre les mains. Il sait que Slaf est une bombe à retardement de puissance et de talent. Il sait que le jeune Slovaque a gratté à peine 1 % de son potentiel. Il sait qu’une fois libéré mentalement, il peut devenir un joueur de 90 points par saison.
Et il sait aussi qu’un échange de cette nature briserait à jamais la confiance des jeunes joueurs envers l’organisation.
Parce que si Slaf n’est pas un intouchable… alors qui l’est?
Slafkovský vit aujourd’hui une crise d’identité et de confiance. Il se cherche. Il tente de faire plaisir à tout le monde : à son entraîneur, à ses parents, à son pays, à Montréal. Mais il s’oublie lui-même. Il se perd dans les attentes, dans les regards, dans les projections.
Son sourire s’efface. Son instinct aussi. Et le fait de le voir offert en pâture pour un nom, aussi glorieux soit-il, ne fait qu’aggraver son isolement.
Il ne s’agit pas ici de minimiser la grandeur de Sidney Crosby. Bien sûr que Crosby changerait le visage du CH. Mais le prix ne peut pas être Slafkovský. Pas maintenant. Pas à ce stade de sa carrière.
Les Canadiens de Montréal ont une responsabilité. Ils doivent protéger leurs jeunes. Les aider à grandir. Les entourer. Les rassurer. Et surtout, les défendre publiquement.
Il est temps pour Chantal Machabée et l’équipe des communications du CH de monter au front. Il est temps que Martin St-Louis sorte publiquement pour dire que Slaf est important. Qu’il est là pour rester. Que personne dans l’organisation n’a envisagé de le sacrifier.
Parce que s’ils ne le font pas, c’est tout un projet de reconstruction qui pourrait s’écrouler.
On ne peut pas bâtir une dynastie sur des fondations aussi fragiles. Il faut de la stabilité. De la confiance. Et du respect.
Aujourd’hui, Juraj Slafkovský n’a besoin ni de Crosby, ni de Gagnon, ni de nouveaux doutes.
Il a besoin de soutien.
Et Montréal, plus que jamais, doit lui en offrir.