Tristesse à TVA: Félix Séguin annonce sa chute

Tristesse à TVA: Félix Séguin annonce sa chute

Par David Garel le 2025-06-06

Il y a des carrières qui se forgent dans la lumière, et d’autres dans les tempêtes.

Félix Séguin fait partie de la deuxième catégorie. Depuis ses débuts à TVA Sports, il est la cible d’un torrent de critiques, de moqueries et de jugements hâtifs.

Longtemps considéré comme le maillon faible de la diffusion sportive québécoise, il a pourtant travaillé. Il a appris. Il s’est amélioré. Et malgré tout, malgré les années de labeur, malgré les efforts visibles, le Québec continue de le repousser.

Au-delà des réseaux sociaux, des memes cruels et des analyses sévères, il y a un homme. Un homme qui a voulu, toute sa carrière, devenir la voix du hockey au Québec. Un homme qui, dans l’ombre de Pierre Houde, a tenté de tracer sa propre voie. Et qui, malheureusement, n’a jamais réussi à gagner l’amour du public.

Une arrivée difficile... un passé impossible à oublier...

Lorsqu’il a été choisi par TVA Sports pour devenir la voix principale du hockey, Félix Séguin a hérité d’un poste impossible.

TVA Sports, en quête de légitimité face à RDS, avait besoin d’un Pierre Houde maison. Mais ce genre de voix ne se remplace pas. Et le public ne pardonne pas l’imitation.

Dès le départ, Séguin a été jugé. Pas pour ce qu’il pourrait devenir, mais pour ce qu’il n’était pas. Il n’était pas Houde. Il n’avait pas sa musicalité, sa précision, sa sobriété.

Il était lyrique, poétique, trop "fefan". Il criait trop fort, il s’emballait trop vite. Il décrivait le hockey comme on récite du théâtre. Et le public québécois, profondément enraciné dans la tradition RDS, n’a jamais accepté ce style.

Pire encore, il y a eu des erreurs. Des moments d’égarement. Des gaffes virales, comme lorsqu’il avait avoué ne pas connaître Jeremy Swayman, l’un des gardiens les plus dominants de la LNH depuis deux ans. Ce genre de bourde, dans un paysage médiatique féroce, ne s’oublie pas.

Félix Séguin lui-même s’est ouvert, il y a quelques années, sur la violence des réseaux sociaux et le poids écrasant des critiques quotidiennes.

Dans une entrevue accordée à La Presse, il confiait vivre avec une anxiété constante les soirs de match, redoutant ce qu’il allait lire sur Twitter (X) au réveil. Il disait savoir qu’il n’avait pas le luxe de l’erreur. Qu’il ne pouvait pas simplement faire « de son mieux », il devait être parfait.

Chaque mot, chaque hésitation, chaque envolée était jugée sans merci. Il avouait qu’il avait parfois envie de tout laisser tomber. Qu’il n’était pas préparé à ce que cela impliquait d’être, en quelque sorte, la cible principale d’une communauté qui le comparait à chaque instant à Pierre Houde.

Un Pierre Houde auquel il vouait pourtant une immense admiration, et qu’il n’a jamais attaqué publiquement malgré les rumeurs, malgré la rivalité imposée par le système médiatique.

Ce passage fut d’une rare humanité. On y découvrait non pas un personnage télévisuel, mais un homme épuisé, lucide, mais encore debout.

Il faut aussi rappeler cet autre détail qui a longtemps empoisonné sa carrière : sa tentative ratée de “copier” Pierre Houde.

À ses débuts à TVA Sports, Félix Séguin avait tenté de s’approprier le légendaire « Et le but ! » de Houde. Avant cela, il disait lui-même « il compte », une expression plus neutre et impersonnelle.

Mais en changeant de formule, en adoptant le cri de ralliement de son ancien collègue, il a déclenché une réaction immédiate et brutale.

On l’a accusé d’imposture. De plagiat. De ne pas avoir de style à lui. D’être une pâle imitation. Ce geste, pourtant bien intentionné, a été perçu comme une faute de goût, voire une trahison stylistique.

Il voulait rendre hommage, il s’est tiré dans le pied. Et depuis ce jour, cette étiquette ne l’a jamais quitté. Même lorsque ses descriptions sont devenues plus structurées, plus mesurées, même lorsqu’il a tenté de revenir à une tonalité plus sobre, le public, lui, avait déjà jugé. Et ne pardonne jamais ce qu’il considère comme une usurpation.

Mais ce que bien des gens ignorent, ou refusent de voir, c’est que Félix Séguin s’est amélioré. Loin du descripteur brouillon des débuts, il a poli son style, ajusté son tempo, affiné sa connaissance du jeu.

Même Réjean Tremblay l’a reconnu :

« Félix Séguin a tendance à devenir lyrique et extravagant quand il parle de Connor McDavid et du Canada, mais il fait un travail fort honnête pour le reste. »

Et ce « fort honnête » mérite d’être souligné. Parce que dans un monde où l’on pardonne aux vedettes tous leurs excès, on continue de crucifier un homme qui, tout simplement, essaie de bien faire son travail.

La critique la plus constante envers Félix Séguin, c’est celle de l’excès d’émotion. On lui reproche d’être un fan, et non un analyste. De vibrer trop fort. De parler de McDavid avec des trémolos dans la voix. De crier quand le Canada ou le Canadien marque. De s’emporter comme un partisan dans un bar de la Cage aux Sports.

Mais n’est-ce pas là ce qu’on aime, justement, chez certains commentateurs anglo-saxons ? N’est-ce pas ce qu’on célèbre chez les voix américaines, capables de transformer un match en épopée ?

Le problème, c’est qu’au Québec, l’émotion doit être maîtrisée. Et Félix Séguin, lui, déborde. Et ce débordement, le public québécois ne l’a jamais digéré.

Il y a quelque chose de profondément injuste dans cette dynamique. Car au fond, ce qu’on reproche à Séguin, ce n’est pas son incompétence, mais sa sincérité. Son amour du hockey. Son envie de faire vivre le moment. Il ne triche pas. Il ne surjoue pas. Il ressent. Et il transmet. Mais cela, apparemment, n’est pas assez.

Le moment le plus cruel est peut-être survenu tout récemment. Lors du dernier match de la saison régulière à RDS, Pierre Houde et Marc Denis ont dit au revoir aux téléspectateurs. Un moment sobre, digne, mais chargé d’émotion. Et sans le savoir, Pierre Houde a replongé Félix Séguin dans l’eau chaude.

Car ce contraste-là, entre l’élégance de RDS et l’image plus brouillonne de TVA Sports, a tout ravivé. L’amour inconditionnel du public pour Houde. Le rejet persistant envers Séguin. Et la certitude, chez bien des partisans, que les séries devraient être diffusées par RDS… et non par TVA Sports.

TVA Sports, qui n’a jamais réussi à imposer son style, va d’ailleurs perdre les droits de diffusion de la LNH dès 2026-2027.

Le retour à Bell est pratiquement confirmé. TVA Sports n’a ni les revenus, ni l’adhésion populaire, ni la structure pour conserver une sous-licence. Et Félix Séguin, déjà sur un fil, se retrouve sans parachute.

Et maintenant, que va-t-il devenir?

Il est trop facile de rire de Félix Séguin. Trop facile de ressortir les extraits où il trébuche. Trop facile de le traiter d’amateur. Mais ce qu’on oublie, c’est qu’il a fait ce métier avec constance, avec résilience, avec humanité. Qu’il a voulu remplacer Pierre Houde. Qu’il n’y est pas parvenu, certes. Mais qu’il n’a jamais cessé d’essayer.

Aujourd’hui, il sait que la fin approche. Que TVA Sports est en sursis. Que le hockey quitte la station. Que le public ne le porte pas dans son cœur. Et malgré tout cela, il continue. Il se présente. Il décrit. Il donne le meilleur de lui-même.

Ce texte n’est pas une absolution. Ce n’est pas un appel à l’adoration. C’est un rappel. Un rappel que derrière la voix critiquée, il y a un être humain. Un homme avec une famille. Un homme qui, comme bien d’autres, subit la violence des réseaux sociaux. Un homme qui, malgré tout, a tenu bon.

Alors que le paysage du hockey québécois s’apprête à être bouleversé, pensons à ceux qu’on laissera derrière. À ceux qui ont tenté. À ceux qui ont échoué, oui, mais qui n’ont jamais abandonné.

Pensons à Félix Séguin. À son drame professionnel. À ce qu’il a enduré. À ce qu’il a tenté de bâtir, dans un environnement qui ne voulait pas de lui.

Et espérons, sincèrement, qu’il saura se redéfinir. Que dans un autre contexte, dans un autre rôle, on saura peut-être l’apprécier pour ce qu’il est : un passionné. Un vrai.