L’intelligence artificielle frappe encore... et devient le cauchemar d’Yves Poirier et de TVA Sports...
Yves Poirier n’a jamais prononcé ces mots. Il n’a jamais recommandé de télécharger « Canada Chicken Road ». Il ne s’est jamais enthousiasmé à l’idée de faire gagner 2000 $ garantis à une camionneuse québécoise.
Et pourtant, dans une vidéo qui circule à une vitesse virale sur Facebook, on le voit, en plein bulletin de nouvelles, dans le décor familier de TVA, prononcer ces absurdités avec aplomb et crédibilité.
Ce n’est pas une erreur. C’est un mensonge fabriqué. Un "deepfake". Une contrefaçon numérique orchestrée par intelligence artificielle, tellement bien réalisée qu’un œil non averti n’y verra que du feu.
Le visage est celui d’Yves Poirier. La voix est celle d’Yves Poirier. L’univers visuel est celui de TVA Nouvelles. Mais rien de tout cela n’est vrai.
C’est une fraude. Et c’est une bombe à retardement.
Ce qui rend cette affaire encore plus grave, c’est que les fraudeurs ont choisi de ne pas simplement créer un faux témoignage publicitaire. Ils ont recréé un faux segment de nouvelles.
Ce n’est pas un détail. Cela signifie qu’ils ont utilisé les codes visuels, le ton journalistique, la crédibilité construite depuis des décennies par TVA Nouvelles, pour donner une couche d’authenticité à leur arnaque.
En imitant Yves Poirier, l’un des visages les plus respectés de l’information au Québec, ils ont créé une illusion parfaite. Une illusion dangereuse.
Car des milliers de Québécois ont cliqué. Ont téléchargé. Ont cru. Certains ont partagé. Et dans cette mer d’émotions confuses, la frontière entre réalité et fiction s’est effacée.
Yves Poirier n’est pas seul. Avant lui, Pierre-Olivier Zappa avait vu son image détournée pour vendre des crypto-monnaies frauduleuses.
La docteure Isabelle Huot, nutritionniste bien connue, a aussi été la cible de contenus trompeurs générés par IA. Le phénomène s’intensifie, se propage, s’industrialise.
Et c’est là que réside la véritable horreur : l’intelligence artificielle devient un outil de fraude massive, accessible à tous, sans barrière technique, sans filtre éthique.
Aujourd’hui, on fait dire à Yves Poirier qu’une application ridicule peut changer votre vie. Mais demain ? On pourrait le faire accuser quelqu’un à tort. Ou diffuser une fausse déclaration politique. Ou annoncer une catastrophe inventée.
Et plus personne ne saura où commence la vérité.
Les premiers deepfakes faisaient sourire. On pouvait reconnaître les erreurs : des bouches mal synchronisées, des visages flous, des mouvements saccadés. Mais ces temps sont révolus.
Les nouvelles IA, dopées à des milliards de données visuelles, produisent des images hallucinantes de réalisme. La texture de la peau, les clignements d’yeux, les tics du visage, les fluctuations de la voix : tout y est.
Et les fraudeurs s’en servent sans la moindre gêne.
À chaque nouvelle vidéo trafiquée, le seuil d’acceptabilité sociale recule. On commence par dire :
« C’est juste une joke ».
Puis : « Ah, c’est bien fait quand même ». Et un jour : « Peut-être que c’est vrai, on ne sait jamais. »
Ce jour est arrivé.
Ce qui est arrivé à Yves Poirier n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs semaines, les joueurs du Canadien de Montréal sont eux aussi la cible d’une vague de deepfakes émotionnels, à l’opposé du scandale de Poirier, mais tout aussi perfides.
Des images générées par IA les montrent posant avec des sans-abri, construisant des refuges, donnant des millions à des causes humanitaires.
Des pages Facebook frauduleuses partagent ces publications, souvent dans des faux groupes de partisans du CH.
« Nick Suzuki donne son salaire aux sans-abri : “Je n’ai besoin que de l’amour de mes fans” »
« Lane Hutson donne 2 M$ à Sainte-Justine : un geste qui bouleverse le Québec »
« Slafkovsky finance des logements sociaux pour les mères monoparentales »
Faux. Faux. Et encore faux.
Mais là encore, les réactions sont émotives. Les partisans, touchés par la générosité apparente de leurs idoles, partagent et commentent. Ils amplifient la supercherie sans le savoir. Et pendant ce temps, les fraudeurs encaissent.
La réalité n’a plus d’ancrage.
Le point commun entre le cas d’Yves Poirier et ceux des joueurs du CH, c’est la perte de repères. Le visage ne suffit plus. La voix ne suffit plus. Le contexte visuel ne suffit plus. Même les sources dites « crédibles » peuvent être imitée.
Et cela crée une crise de confiance informationnelle d’une ampleur jamais vue.
Qui croire ? Qui suivre ? Quelle image est vraie ? Quel journaliste dit réellement ce qu’on entend ? Quel athlète s’est vraiment exprimé ?
Chaque vidéo devient une source de doute. Chaque voix, un potentiel leurre. Chaque bulletin de nouvelles, une occasion d’être manipulé.
Et comment ne pas penser à Céline Dion, elle aussi victime d’un détournement immonde par l’intelligence artificielle ?
Une image bouleversante la montrait récemment, alitée sur son lit d'hôpital, en pleurs, visitée par Ed Sheeran dans ce qui semblait être une scène d’hôpital digne d’un film dramatique.
Tout était faux. Mais l’impact émotionnel, lui, était bien réel. Comme pour Yves Poirier, le visage, la voix, l’émotion, tout avait été volé.
Et c’est là que l’IA devient une menace : elle nous fait pleurer pour des mensonges, aimer des scènes qui n’ont jamais existé, et croire à une réalité fabriquée de toutes pièces.
Et pendant que la réalité implose, les autorités tardent à réagir.
Le ministre fédéral de l’Intelligence artificielle, Evan Solomon, a déclaré récemment vouloir « mettre l’accent sur les bénéfices économiques de l’IA plutôt que sur sa régulation ».
Autrement dit : tant que ça rapporte, on ferme les yeux.
Mais pendant ce temps, des journalistes voient leur identité volée. Des vedettes se retrouvent complices malgré elles de fraudes massives. Des fans se font arnaquer. Et la société entière glisse vers un monde où la vérité devient un produit optionnel.
Le cas Yves Poirier n’est pas qu’un scandale individuel. C’est aussi une atteinte frontale à la marque TVA. Et plus spécifiquement, à son réseau sportif, TVA Sports, déjà fragilisé par les coupures, les compressions, les critiques et la perte de crédibilité.
Quand l’identité visuelle de TVA est utilisée pour promouvoir une arnaque, c’est la crédibilité de l’ensemble du groupe qui s'effondre..
Et dans un contexte où TVA Sports lutte pour conserver ses parts de marché, sa pertinence, et sa place dans l’écosystème médiatique québécois, cette attaque par IA pourrait bien être le coup de grâce symbolique.
Et maintenant ?
Personne ne peut arrêter la technologie. Mais il est encore temps de protéger ce qui peut l’être : les visages, les voix, les marques, la vérité.
Il faut :
Imposer une traçabilité numérique obligatoire sur les contenus générés par IA ;
Forcer Meta, Facebook, X et les autres à vérifier activement les vidéos sponsorisées ;
Criminaliser la contrefaçon d’identité par IA, de manière explicite, au Canada ;
Éduquer massivement la population sur les signes visuels d’un deepfake.
Mais surtout, il faut cesser de banaliser. Il faut cesser de dire « c’est juste une joke », « c’est pas grave ». Parce que la prochaine vidéo truquée pourrait faire tomber une carrière, manipuler une élection, ruiner une réputation.
Et on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
Partout au Québec, une vague de compassion monte envers Yves Poirier. Car au-delà de la fraude numérique, c’est un homme qui a été trahi dans ce qu’il a de plus intime : son image, sa voix, sa crédibilité
Pour un journaliste, être utilisé à son insu pour vendre une arnaque, c’est une humiliation publique. Et pour quelqu’un d’aussi respecté qu’Yves Poirier, reconnu pour son intégrité et son calme sur le terrain, ça doit être un véritable cauchemar.
C’est pourquoi des milliers de Québécois pensent à lui aujourd’hui. Ils savent que ce qu’il vit est profondément injuste, et qu’aucun professionnel ne mérite un tel traitement numérique.