Tristesse à TVA: Pierre-Karl Péladeau annonce sa chute

Tristesse à TVA: Pierre-Karl Péladeau annonce sa chute

Par David Garel le 2025-05-31

C’est la honte publique de l’année. Celle qu’on n’aurait jamais pensé écrire. Et pourtant, le voici : le grand déballage. La gifle. Le malaise. L’indécence.

Pierre Karl Péladeau, à la tête de Québecor, a touché 20,44 millions de dollars en 2024. Vingt. Millions. Quatre cent quarante mille. Pendant que TVA Sports agonise. Pendant que les employés sont à bout. Pendant que des centaines de journalistes, techniciens, caméramans et animateurs vivent dans l’angoisse d’un licenciement massif. Pendant que TVA ferme des émissions, coupe des postes, vide ses rédactions.

Vingt millions. Ce chiffre-là résonne comme une insulte. Une gifle au visage de ceux qui croient encore à l’importance d’une presse forte et indépendante. Une gifle à ceux qui, chaque matin, vont travailler dans les bureaux décrépis du Groupe TVA, avec des moyens réduits et une charge mentale insoutenable.

Et c’est encore pire. Car Péladeau n’est pas seul. Toute la haute direction de Québecor s’est servie généreusement en 2024. Une année de crise. Une année de pertes. Une année de compressions. Voici la liste des hauts dirigeants de Québecor et leur rémunération combinée : 25,24 millions de dollars. C’est une hausse de 99 % par rapport à l’année précédente.

Voici les autres dirigeants québécois qui se sont servis avec appétit en 2024 :

Glenn J. Chamandy (Gildan) : 38,7 millions $

Tracy Robinson (Canadien National) : 18,6 millions $

Brian Hannasch (Couche-Tard) : 14,89 millions $

Jeffrey Orr (Power Corp.) : 14,73 millions $

Les chiffres deviennent encore plus indécents quand on regarde les entreprises où les profits ont chuté, mais où les dirigeants se sont enrichis. Gildan, avec un bénéfice net en baisse de 24 %, a versé 101,4 millions de dollars à ses 7 plus hauts dirigeants. Chamandy, viré en 2023, est revenu en triomphe... et avec un chèque gigantesque.

La comparaison fait mal : ces dirigeants gagnent 154 fois le salaire moyen du secteur privé canadien. Et on s’étonne que les gens décrochent? Que les jeunes ne croient plus à la méritocratie? Que la grogne monte contre les élites? Que la population ne croit plus à l’équité?

Mais au-delà des chiffres, il y a le choc moral. Comment justifier 20,44 millions de dollars à Pierre Karl Péladeau quand TVA est en train de couler?

Quand l’action est tombée à 0,63 $? Quand les pertes se chiffrent à plus de 230 millions? Quand Adam Shine de la Financière Banque Nationale a abaissé la note de TVA à « sous-performance » et suggéré un prix cible humiliant de 0,25 $?

Et que dire des studios MELS, achetés pour 118 millions en 2014? Aujourd’hui, le Groupe TVA au complet vaut à peine 32 millions. Moins qu’un seul de ses actifs. Un désastre financier. Un naufrage en bonne et due forme.

Et pendant ce temps, les employés du Journal de Montréal et de TVA Sports, eux, se battent. Ils se battent pour garder leur crédibilité. Ils se battent contre les cougédiements. Et ils observent, avec colère, la famille Péladeau continuer à vivre comme des monarques.

En voyage d’affaires dans des hôtels de luxe. Dans des 5 étoiles. Avec repas payés, transport en limousine, cocktails mondains. Tout est payé. Tout est remboursé. L’argent sort du même baril que celui qui ne paie plus les pigistes.

Ce qui rend cette sortie encore plus révoltante, c’est qu’au même moment, Pierre Karl Péladeau s’est vu accorder une rémunération totale tellement insensée qu'on parle dune hausse fulgurante de 315 % par rapport à l’année précédente.

Comment justifier un tel pactole alors qu’il parle publiquement de sabrer, de liquider et d’envisager « toutes les options » pour l’avenir TVA Sports?

Comment un dirigeant peut-il sérieusement prétendre que son entreprise est à l’agonie tout en se récompensant lui-même comme un capitaine de multinationale en pleine croissance?

 Il n’existe aucune logique corporative, aucune éthique de gouvernance qui puisse justifier un tel double discours.

Et comme si ce n’était pas assez, voilà que le scandale Uber ressurgit. Le journal La Presse révèle que Québecor a versé plus d’un million de dollars à Uber en frais de transport entre 2018 et 2023. Un million. En Uber. Alors que les employés de TVA partent avec leurs propres voitures, paient leur essence, n’ont même pas de per diem pour couvrir leur lunch. Une honte.

On a l’impression que Pierre Karl Péladeau a été pris les culottes baissées. Il a oublié que l’indécence a un prix. Que l’arrogance a un coût. Et surtout, que la population regarde. Que les employés n’en peuvent plus. Que le public est écoeuré.

Dans les coulisses du Journal de Montréal et dans les studios de TVA Sports, la colère gronde. Les journalistes n’osent plus parler publiquement, de peur de perdre leur poste. Mais l’amertume est réelle. Ils voient le cirque autour de la haute direction. Ils voient les chiffres. Et ils comprennent : ils ne font pas partie du même monde. Les sacrifices, c’est pour eux. Les millions, c’est pour les autres.

Et le pire dans tout ça? C’est que Pierre Karl Péladeau se présente comme un homme du peuple. Un défenseur du Québec. Un bâtisseur. Mais ce qu’il bâtit aujourd’hui, c’est un château de sable. Un empire vidé de son contenu. Une illusion.

C’est lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de Québecor, le 7 mai 2025, que Pierre Karl Péladeau a lui-même jeté un froid glacial sur l’avenir de TVA Sports.

D’un ton détaché, presque résigné, il a prononcé une phrase lourde de conséquences : « Il ne faudrait pas s’étonner que TVA Sports cesse ses activités. »

En quelques mots, il a admis ce que tout le monde redoutait en silence : la station sportive est condamnée. Ce n’était plus une rumeur, plus un scénario hypothétique, mais bel et bien une annonce déguisée.

Une date circule déjà dans les couloirs de TVA : l’été 2026 marquera la fin de TVA Sports. La fin d’une aventure commencée en 2011 avec des rêves de grandeur, aujourd’hui broyés par douze ans de déficits, de flops éditoriaux, d’audiences en chute libre et d’une gestion de plus en plus critiquée. L’aveu de Péladeau est une véritable sentence de mort médiatique, froide, implacable, irrévocable.

Surtout, c’est la première fois que Pierre Karl Péladeau parle aussi ouvertement de l’effondrement possible de tout l’écosystème TVA.

Dans un appel aux investisseurs tenu le 8 mai 2024, il a élargi son constat alarmiste :

« Nous devons reconnaître que le modèle d’affaires de TVA est devenu insoutenable dans sa forme actuelle. » Puis il a ajouté, presque résigné : « Il faut envisager toutes les options. »

Ce n’était plus seulement TVA Sports qui était sur la sellette. C’était TVA au complet. Cette déclaration, passée sous le radar de plusieurs médias, a pourtant été entendue comme un coup de semonce à l’interne.

Dans les bureaux de TVA, des cadres confient à huis clos que le mot « démantèlement » circule désormais dans les corridors.

Les récentes mises à pied, les départs non remplacés, les refus systématiques de remboursement, et les pressions sur les syndicats ne sont pas des mesures ponctuelles : elles s’inscrivent dans un plan de repli stratégique.

Le Québec a besoin d’un véritable débat sur la rémunération des dirigeants. Sur la responsabilité. Sur l’équité. Sur le respect. Il est temps d’en finir avec cette ère de seigneurs corporatifs qui se servent pendant que le peuple se serre la ceinture.

Il est temps de rappeler que gouverner, ce n’est pas s’enrichir. C’est servir. Et qu’à ce jeu-là, Pierre Karl Péladeau vient de perdre toute crédibilité.