Tristesse au Québec: Tom Lapointe s'éteint

Tristesse au Québec: Tom Lapointe s'éteint

Par David Garel le 2025-06-14

La nouvelle est tombée en pleine nuit, à 1 h 20 du matin, ce 14 juin. Tom s’est éteint, apaisé, entouré de l’amour des siens, au centre Pallia-Vie, dans les Laurentides.

Une page immense du journalisme québécois vient d’être tournée. Et tous ceux qui l’ont lu, entendu, vu, admiré, côtoyé… sentent ce matin un vide, un poids, une émotion profonde.

Il était unique. Il était entier. Il était Tom.

Voici le message émouvant de sa famille, publié dans les heures qui ont suivi son départ :

« C’est avec émotion et habités d’un grand chagrin, que nous vous annonçons le décès de notre frère Tom survenu cette nuit du 14 juin à 1 h 20.

Il aurait su dire les mots. Nous, nous sommes sans voix; sans voix d’avoir retrouvé notre frère revenu au Québec pour finalement l’accompagner dans la maladie jusqu’à sa fin de vie.

Nous désirons remercier le personnel soignant et les bénévoles bienveillants de Pallia-Vie qui en ont pris soin avec délicatesse et dévouement, dans le respect et la dignité.

Pour ceux qui souhaiteraient lui rendre un dernier hommage, les informations seront divulguées prochainement sur sa page.

En terminant, à vous la famille, ses lecteurs et amis, un grand merci pour tous les messages que vous lui avez adressés à sa fête le 15 mai dernier. Il les a lus et ça l’a rendu heureux.

Ses frères et sœurs

Yvon, Pierre, Lise, Céline et Isabelle

“Qu’il repose en paix au pays du gars d’en haut”! »

Comment écrire la suite quand les mots manquent? Comment parler d’un homme qui, lui, a passé sa vie à les dompter, à les manier, à les faire danser?

Tom Lapointe n’était pas qu’un chroniqueur. C’était un conteur de légende, un homme de cœur, un journaliste passionné qui croyait à la fois à la vérité brute et à la beauté du récit. Il a marqué une époque. Il a marqué nos vies.

Tom Lapointe, c’est celui qui a annoncé l’impossible en 1988. Un scoop qui a fait le tour du monde. Wayne Gretzky échangé aux Kings de Los Angeles. Alors que personne n’osait y croire, que les plus grands médias nord-américains le démentaient avec force, c’est Tom, un gars du Québec, avec ses sources bien à lui, sa fougue et sa confiance, qui a eu raison.

C’était lui le premier. Avant tout le monde. Et c’est là qu’on a compris que ce gars-là ne jouait pas dans la même ligue. Il avait des instincts. Des contacts. Du courage. De la foi. Et surtout, cette capacité rare de croire encore, même quand tout le monde rit.

Car oui, on l’a souvent ridiculisé, ignoré, écarté. On lui a tourné le dos, comme on le fait trop souvent avec ceux qui ne rentrent pas dans le moule. Mais Tom, lui, il continuait. Il rêvait plus grand. Il tombait, il se relevait. Il tombait encore, et il souriait. Il essayait. Toujours.

Réjean Tremblay a écrit, peu de temps avant sa mort, un texte bouleversant. Il lui a parlé alors qu'il était en soins palliatifs. Il a vu l’homme affaibli, la voix fragile, le regard fatigué. Mais il a aussi vu la même flamme. Le même feu sacré.

Tom lui a dit ces mots, les plus beaux peut-être jamais prononcés par un journaliste québécois sur son lit de mort :

« J’aurai essayé. J’ai essayé. J’ai essayé sans abandonner. J’ai essayé en journalisme et je pense avoir réussi. J’ai essayé en radio et télé, et j’ai réussi. J’ai essayé aussi fort en production mais je n’ai pas réussi. Mais je peux dire qu’il n’y a personne qui me cherche sur mon lit d’hôpital même si les investissements n’ont pas rapporté ce qu’on espérait. J’ai vraiment essayé. »

C’est ça, Tom Lapointe. Un homme qui ne s’est jamais arrêté de croire.

Il a connu les sommets. Chroniqueur vedette au Journal de Montréal, animateur à CKVL, CKAC, TVA. Invité au mariage de Wayne Gretzky, compagnon de table de Mario Lemieux, confident de Guy Lafleur, copain de balle-molle de Luc Robitaille. Puis il a connu la chute: itinérant à Paris, porteur de projets refusés, créateur de quiz télé jamais diffusés.

Mais il n’a jamais arrêté. Il a cru, jusqu’au bout, que son prochain projet allait changer la donne. Et il n’a jamais cessé d’écrire, de parler, de rêver.

Ce qui rend la mort de Tom encore plus déchirante, c’est le retour au bercail. Lui qui avait quitté le Québec, erré à Paris, tenté sa chance en Floride, est revenu chez lui pour mourir entouré des siens. Ses frères et sœurs l’ont accueilli, l’ont veillé, l’ont aimé.

Et surtout, vous l’avez aimé. Vous lui avez écrit pour sa fête, vous avez envoyé des messages, des souvenirs, des photos. Et il les a tous lus. Et il a été touché. Profondément.

C’est ce lien-là qu’il avait tissé avec vous, lecteurs, auditeurs, fans. Tom n’écrivait pas pour la gloire. Il écrivait pour parler aux gens. Pour créer un lien. Pour vous faire vibrer, pleurer, rire, réfléchir.

Aujourd’hui, ce lien est brisé. Mais la mémoire, elle, ne meurt jamais.

Tom Lapointe ne faisait pas l’unanimité. Et c’est tant mieux. Il ne voulait pas plaire à tout le monde. Il voulait être libre. Libre d’écrire ce qu’il pensait. Libre de rêver, même quand c’était fou. Libre d’essayer, quitte à se brûler.

Il laisse derrière lui un vide immense. Pas seulement dans les pages sportives. Pas seulement dans les ondes radiophoniques. Mais dans le cœur de ceux qui ont vu, chez lui, un homme debout.

Un homme avec ses failles, ses erreurs, ses coups de tête. Mais un homme qui a aimé fort. Vécu fort. Écrit fort.

Et aujourd’hui, alors qu’on tente de sécher nos larmes, on se console avec cette certitude : Tom Lapointe aura été, jusqu’à la fin, fidèle à lui-même.

Il n’a pas perdu. Il n’a pas échoué. Il a vécu.

Monsieur Lapointe, je suis de la génération suivante, mais je peux vous confirmer que vous avez marqué le coeur des plus jeunes aussi.

Reposez en paix, Reposez en paix au pays du gars d’en haut.

Vous l'avez mérité.

Vous avez été l'un des derniers vrais journalistes.

Et vous ne serez jamais oublié.