Tristesse et émotion: Wayne Gretzky la gorge nouée après le rejet de son pays

Tristesse et émotion: Wayne Gretzky la gorge nouée après le rejet de son pays

Par David Garel le 2025-04-04

Il y a parfois des moments dans le sport qui transcendent le jeu lui-même, qui deviennent plus grands que la victoire, que la gloire, que la rivalité.

Le 894e but d’Alexander Ovechkin en fait partie. C’était un moment d’histoire, d’émotion, de transmission. Mais au cœur de cette soirée éclatante d’applaudissements, de cris et de reconnaissance mondiale, il y avait aussi un homme debout dans l’ombre, visiblement bouleversé : Wayne Gretzky, le monument que son propre pays a tenté d’abattre, mais qui, par une déclaration remplie de noblesse, a relevé la tête et a rappelé à tous pourquoi il sera toujours la plus grande figure du hockey canadien.

Le discours qu’a livré Gretzky après le match, devant les caméras, est l’un des plus beaux qu’on ait entendus dans le monde du sport.

Pas parce qu’il était long. Pas parce qu’il était technique. Mais parce qu’il était chargé de dignité, d’humanité et de douleur rentrée. D’une voix calme, légèrement tremblante, il a dit :

« L’intégrité du jeu, vous savez… Quand j’ai battu le record de Gordie Howe, il était là. Et j’ai dit il y a deux ans que si Alex se rapprochait de mon record, je serais là. C’est ça, la LNH. De Bellevue à Howe, Orr, Lemieux, Messier… on passe le flambeau. »

Et il a poursuivi avec ce rappel qui a fait frissonner une nation entière, même celle qui l’a récemment conspué :

« Le jeu, c’est ma vie. Je suis un Canadien chanceux d’avoir joué dans la LNH. Tout ce que j’ai — ma famille, mes souvenirs, mes amis — je le dois à cette ligue. »

Ce sont les mots d’un homme blessé, rejeté, mais encore profondément reconnaissant. Ce sont les mots d’un homme dont le cœur est déchiré, mais qui refuse de cracher sur ce qu’il a aimé.

Ce moment aurait dû être une célébration nationale. Gretzky aurait dû être acclamé, honoré, applaudi avec autant de ferveur qu’Ovechkin.

Mais il n’en a rien été. Depuis des mois, Gretzky vit un rejet d’une violence inouïe au Canada. On a tenté de l’effacer de la carte. On a demandé qu’on retire son nom d’une rue à Edmonton.

On a vandalisé sa statue, recouverte d’excréments humains. On a demandé qu’on lui retire l’Ordre du Canada. On l’a traité de traître.

Pourquoi ? Parce qu’il est ami avec Donald Trump. Parce qu’il n’a pas porté le chandail du Canada lors de la finale de la Confrontation des 4 Nations. Parce qu’il vit aux États-Unis depuis 36 ans.

Mais la classe ne s’efface pas. La grandeur ne s’annule pas. L’histoire ne s’efface pas sur un coup de vent idéologique.

Et ce soir-là, au Capital One Arena, Wayne Gretzky a prouvé que peu importe ce que son pays pense de lui, il est toujours habité par quelque chose de plus grand que l’opinion publique. Il est habité par le hockey, par le respect, par la tradition.

Pendant ce temps, Alexander Ovechkin, lui, a été exemplaire. Le but, le geste, les accolades — tout était empreint de reconnaissance. Et surtout, il a salué Gretzky. Il ne l’a pas évité. Il ne l’a pas utilisé. Il l’a honoré. Il a dit devant la foule, en entrevue :

« Wayne m’a toujours soutenu. Il a toujours été là. Le voir ce soir dans les gradins… c’est un rêve. »

Et dans ce geste, dans cette phrase, il y avait plus de patriotisme que dans tous les discours politiques du mois. Parce qu’il a rappelé au monde ce que le Canada lui-même semble avoir oublié : Wayne Gretzky n’est pas un partisan. Il est une légende. Une fierté. Un pilier.

Le drame, c’est que le Canada a abandonné le plus grand de ses athlètes. On l’a rejeté comme on rejette un meuble ancien dans un monde trop pressé.

Il a été ridiculisé en ligne. Son épouse, Janet, a dû publier un message pour rappeler que son cœur était brisé. Son frère, Cyd Gretzky, a confié à des proches que Wayne était profondément atteint, qu’il n’avait jamais vécu une humiliation publique aussi violente.

Et pourtant, dans cette nuit historique, il ne s’est plaint de rien. Il a serré les mains. Il a dit bravo. Il a gardé la tête haute.

Mais tout dans son corps, dans ses silences, dans ses yeux humides, disait une vérité plus profonde :

Il ne reconnaît plus ce pays qu’il a tant aimé.

Ce n’est pas que Wayne Gretzky soit parfait. Ce n’est pas qu’il faille aimer Donald Trump pour défendre Gretzky. Ce n’est pas qu’il faille excuser toutes ses absences du Canada. Mais est-ce une raison pour l’effacer ? Pour le salir ? Pour le mépriser ?

Son record a tenu 26 ans. Son nom a fait briller le Canada dans toutes les capitales du monde. Il a porté la feuille d’érable avec fierté. Il a fait aimer le hockey à des générations entières. Il a été — et il est encore — le visage du hockey.

Alors non, ce texte n’est pas un plaidoyer politique. Ce texte est un cri du cœur pour rappeler que même les légendes ont un cœur. Que même les monuments ressentent la douleur.

Et ce soir-là, pendant qu’Alexander Ovechkin entrait dans l’histoire, Wayne Gretzky, lui, rentrait dans l’oubli de ceux qui l’avaient trop longtemps admiré.

Mais pas de nous.

Pas de ceux qui savent que la grandeur se mesure à ce qu’on fait quand tout le monde vous tourne le dos.

Et ce soir-là, Wayne Gretzky est resté debout.

Il faut que ça cesse.

Le vandalisme. Les insultes. Le rejet.

On ne traite pas ses légendes comme des déchets.

Wayne Gretzky n’a rien à prouver.

Mais nous, en tant que pays, avons beaucoup à réparer.

Parce que dans cent ans, quand les livres parleront d’Ovechkin, ils diront qu’il a battu le record de Gretzky.

Mais ils diront aussi qu’en 2025, le Canada a oublié son plus grand héros.

Et ça, c’est une honte nationale.