Trou noir dans les studios de TVA : Alexandre Carrier ne se souvient de rien

Trou noir dans les studios de TVA : Alexandre Carrier ne se souvient de rien

Par André Soueidan le 2025-05-03

Il ne restait qu’un vestige de lucidité.

Juste assez pour se lever. Juste assez pour retourner au banc.

Juste assez pour faire croire à tout le monde — à ses coéquipiers, à Martin St-Louis, au public du Centre Bell — que tout allait bien.

Mais tout n’allait pas bien.

Alexandre Carrier venait de subir ce que lui-même appelle maintenant un “trou noir”.

Une zone grise de conscience, de mémoire, de courage pur. C’est dans une entrevue-choc avec Jean-Charles Lajoie à TVA Sports qu’il a tout révélé : « Honnêtement, je ne me souviens plus de grand-chose. 

Et pourtant, ce qu’on retiendra, ce n’est pas l’oubli. Ce n’est pas le choc. Ce n’est même pas la violence de Tom Wilson.

Ce qu’on retiendra, c’est l’instinct du guerrier.

Le réflexe d’un soldat qui, même sans mémoire, sait que son rôle n’est pas terminé tant qu’il peut bouger.

« Je pense que si on était allés en prolongation, j’aurais demandé à revenir. »

Tu veux du sacrifice? Tu veux un vrai? Alexandre Carrier, c’est la réponse.

Le gars n’aurait jamais dû revenir au jeu après un tel impact.

Mais le mot “devrait” ne s’applique pas à ce genre de joueur. Il y a les statistiques, les analyses avancées, les Expected Goals, pis tout le reste… pis il y a Carrier.

Un Québécois, un vrai, un gars qu’on a été chercher dans une transaction de routine avec Nashville, contre Justin Barron, que plus personne ne mentionne dans les discussions sérieuses à Montréal. Pis avec raison.

Parce que si le CH s’est rendu en séries cette année, c’est en grande partie à cause de Carrier. 

Carrier, c’est pas juste un joueur. C’est une anomalie dans une ligue aseptisée.

Un gars qui n’a pas besoin de brassard pour représenter l’ADN du Canadien. Un défenseur droitier de 28 ans, payé 3,75 millions par année pour encore deux saisons, qui joue comme si chaque présence était la dernière de sa carrière.

Et qui, accessoirement, a accepté de venir s’écraser la tête sur la bande pour donner une chance à ses jeunes coéquipiers de goûter à la gloire.

Pas d’excuses, pas de reproches, pas de mise en scène. Juste une phrase, livrée avec un calme désarmant : « Les lumières ont éteint peut-être une petite fraction de seconde, mais c’est revenu vite. »

Tu peux mettre ça dans n’importe quel communiqué médical, ça ne changera pas la réalité.

La réalité, c’est que ce gars-là ne se souvient de rien. Ni du coup, ni de ce qui s’est passé après. Il ne savait même pas que Wilson arrivait. Il l’a vu trop tard. Bam.

Mais il s’est levé. Il a patiné. Il est revenu au banc, sans dire un mot, comme si c’était juste une mauvaise passe, un obstacle de plus dans une série d’embûches qui n’ont jamais réussi à le faire plier.

Et pourtant, ce n’était pas fini.

Quelques présences plus tôt, Ovechkin lui avait déjà démoli la cheville

C’est cette mise en échec-là, dit-il, qui a vraiment fait mal. Celle de Wilson n’était qu’un épilogue brutal d’un corps déjà endommagé.

Mais encore là, aucun reproche.

« Ça fait partie de la game. »

Il l’a dit comme un vétéran. Comme un gars qui comprend que la douleur, c’est le prix à payer quand tu veux devenir indispensable dans un vestiaire.

Et Dieu sait qu’il l’est devenu.

David Savard s’en va. Il accroche les patins. Et derrière lui, il laisse un vide immense que personne, à part Carrier, ne peut combler.

« C’est un gros morceau qu’on perd dans le vestiaire. Mais je pense qu’il a fait son travail aussi, de vraiment montrer l’exemple. »

Et maintenant? Maintenant, c’est au tour d’Alexandre Carrier de prendre ce flambeau. Et qu’on se le dise, il est prêt.

Ce n’est pas Joshua Roy qui va porter le Québec sur ses épaules.

Ce n’est pas Rafaël Harvey-Pinard qui va parler dans la chambre quand ça chauffe. Le dernier pilier francophone qui a le respect du groupe, c’est Carrier. Et il vient à peine d’arriver.

Tu veux de l’impact? Regarde l’état du CH avant décembre.

Regarde les chiffres.

Regarde le moral.

Regarde la stabilité défensive d’un club qui, du jour au lendemain, a cessé d’exploser chaque soir.

Carrier n’a pas seulement comblé une faiblesse. Il a fait monter le niveau de tout le monde autour de lui. Il a rassuré Montembeault. Il a protégé Hutson. Il a permis à Guhle d’en faire un peu moins, et à Struble d’en faire un peu plus.

C’est ça, un vrai.

Et même en entrevue, il refuse de se mettre de l’avant. Il préfère parler de l’explosion d’Ivan Demidov — « On capotait sur le banc. » 

Tu veux savoir à quel point ce gars-là est respecté?

Après le match #3, alors que tout le monde riait en disant qu’il se faisait frapper trop fort, il a répondu : « C’est beaucoup. Moins pire que vous pensez. »

Mais il savait. Il savait que ça allait le rattraper.

« Je pense que je me suis jinxé. »

C’est peut-être vrai. Mais la vérité, c’est qu’il s’est surtout sacrifié. Et dans cette ligue-là, dans cette ville-là, on ne l’oublie pas.

Tu ne gagnes pas une Coupe avec juste des étoiles.

Tu gagnes une Coupe avec des types comme Alexandre Carrier. Des gars qui ne brillent pas sur Instagram, mais qui éteignent des feux dans leur zone sans même se plaindre.

Le jour où le Canadien gagne pour vrai, retiens ce nom.

Ce ne sera peut-être pas lui qui soulèvera la coupe en premier. Mais ce sera lui que Suzuki cherchera du regard, parce qu’il saura que rien de tout ça n’aurait été possible sans lui.

Et tu sais quoi?

Ce n’est pas juste une belle histoire de guerrier. Ce n’est pas juste une affaire de Québécois qui parle bien devant les caméras pis qui serre des mains à l’épicerie.

C’est une stratégie de survie.

Parce que dans un vestiaire où la langue dominante est l’anglais, où le leadership est en reconstruction, où les jeunes joueurs cherchent encore leurs repères, tu as besoin de Carrier comme tu as besoin d’oxygène.

Et ça, Martin St-Louis le sait. Il l’a vu tout de suite.

Il a vu un gars qui joue sans artifice. Un gars qui n’a pas besoin de frapper pour le spectacle, mais qui frappe pour protéger. Un gars qui ne lève pas le ton pour faire du bruit, mais qui parle juste assez pour que tout le monde écoute.

Carrier, c’est l’équilibre.

Le ciment entre la génération Suzuki-Caufield-Slafkovský et les nouveaux arrivants comme Hutson et Demidov.

Il est au centre de tout, sans jamais le dire. Il est devenu incontournable.

Et ce n’est pas un hasard si les partisans commencent déjà à le considérer comme un futur capitaine adjoint.

Tu veux un “A” sur l’uniforme?

Donne-le au gars qui s’est relevé avec les yeux dans le vide.

Donne-le au gars qui, en plein blackout cérébral, s’est dit : “Je vais y retourner si ça va en overtime.”

Ça, c’est pas une phrase. C’est un serment.

Un pacte silencieux entre un joueur et son équipe. Entre un soldat et son peuple.

Parce que le Centre Bell a besoin de figures comme lui. Pas juste des vedettes, pas juste des promesses, pas juste des choix de premier tour.

Il a besoin de visages qui sentent la vérité.

Et là-dessus, Alexandre Carrier, c’est le portrait craché de Francis Bouillon.

Un autre gars qu’on sous-estimait. Trop petit, trop discret, trop effacé… jusqu’à ce qu’il devienne la fondation même du courage collectif.

C’est exactement le même pattern.

Un défenseur que personne ne met sur sa carte de hockey préférée, mais qui, sans que tu t’en rendes compte, devient le cœur battant de ton équipe.

À l’époque, Bouillon portait le #51. Carrier, lui, porte le #45. Pas flashy. Pas symbolique. Juste efficace.

Et ce genre de gars-là, quand il tombe, ça fait du bruit. Pas dans les médias, pas dans les highlights. Mais dans le vestiaire. Dans les tripes des gars qui savent ce qu’il donne chaque soir.

Alors oui, trou noir ou pas, conscience ou pas, mémoire ou pas, Alexandre Carrier était prêt à mourir sur la glace pour que le CH force une prolongation.

Et on ne parle pas en métaphore, là.

On parle d’un gars qui a reçu un coup si violent que sa blonde médecin dans les estrades s’est levée d’un bond, que sa famille a figé, que tout le monde a cru qu’il ne se relèverait pas. Et lui, la seule chose qu’il avait en tête?

Revenir. Défendre. Continuer.

Tu peux l’écrire dans la pierre : Montréal a trouvé son nouveau guerrier. Et son nom est Carrier.

Amen