Un parfum de malaise : Mike Matheson donne des maux de tête à Kent Hughes

Un parfum de malaise : Mike Matheson donne des maux de tête à Kent Hughes

Par André Soueidan le 2025-08-18

Il y a des histoires qui se racontent d’elles-mêmes, comme si le destin s’acharnait à tracer une ligne de fracture entre deux réalités pourtant jumelles.

D’un côté, Alexandre Carrier, le petit gars d’ici qui découvre à quel point le chandail du Canadien pèse lourd sur les épaules, mais surtout, à quel point il peut soulever une carrière.

De l’autre, Mike Matheson, autre enfant de la métropole, qui vit peut-être ses derniers mois au sein de l’organisation malgré une popularité indéniable auprès des partisans.

Deux défenseurs québécois, deux trajectoires qui devraient se croiser dans une même ascension, mais qui semblent au contraire tracer une diagonale : celle de Carrier monte, celle de Matheson s’essouffle.

L’été 2025 a offert un contraste brutal.

Tandis que Carrier s’enracine à Montréal, racontant avec une naïveté presque touchante comment il s’est fait acclamer par la foule au festival Lasso, Matheson, lui, n’a pas fait les manchettes pour ses soirées d’été.

Son nom circule plutôt dans les coulisses, dans les spéculations, dans les scénarios où Kent Hughes pourrait utiliser sa valeur pour accélérer encore la transformation du CH.

Carrier découvre la célébrité et l’appartenance; Matheson découvre l’odeur du doute et du possible départ.

Car le portrait défensif du Canadien ne laisse que peu de place aux illusions.

Noah Dobson, fraîchement arrivé dans un coup d’éclat de Kent Hughes, occupe déjà la chaise de défenseur droit numéro un pour les dix prochaines années.

Lane Hutson, ce joyau façonné à coup de patience et de hype, est destiné à quarterbacker une vague du jeu de puissance.

Kaiden Guhle, ce guerrier qui joue comme un vétéran à 23 ans, s’impose comme la colonne vertébrale de la défensive.

Et voilà qu’Alexandre Carrier, avec son contrat modeste et sa capacité à livrer des minutes fiables, s’installe comme une pièce indispensable du puzzle.

Où, dans ce casse-tête, reste-t-il un espace pour Mike Matheson?

Bien sûr, Matheson n’est pas n’importe qui. Il a porté le flambeau de la défense du CH ces dernières saisons, assumant avec courage un rôle de leader offensif dans un contexte souvent ingrat.

Il a connu des séquences où il paraissait comme le seul capable de relancer l’attaque depuis l’arrière. Mais le hockey, surtout à Montréal, ne pardonne pas les fissures dans un plan.

Et le plan de Kent Hughes et Jeff Gorton ne souffre aucune ambiguïté : bâtir un noyau jeune, durable, capable de rivaliser à long terme avec les puissances de la Ligue.

Matheson, à 31 ans, avec un contrat qui expire en 2026, représente un carrefour inconfortable : trop utile pour être relégué, trop fragile dans sa valeur pour être ignoré, trop vieux pour coller à la ligne du temps du noyau.

C’est ce qu’on appelle un parfum de malaise.

Le malaise, il s’exprime dans les discussions sur l’avantage numérique.

Martin St-Louis n’a que deux options réalistes : installer Hutson sur la première vague et Dobson sur la deuxième, ou jouer quatre attaquants et n’accorder qu’une seule chaise de défenseur par unité.

Dans les deux cas, Matheson risque de regarder la parade plutôt que d’y participer.

Est-ce qu’un joueur fier, respecté, adulé par une partie de la foule, acceptera d’être un figurant offensif? Difficile à croire.

Et dans un marché comme Montréal, la frustration d’un vétéran se transforme rapidement en murmure, puis en rumeur, puis en évidence.

On peut déjà imaginer le scénario : Kent Hughes, pragmatique comme à son habitude, attend le bon moment.

Un club qui subira une blessure en défense en plein cœur de l’hiver, un aspirant qui cherchera une pièce mobile et expérimentée, un directeur général prêt à payer le prix pour combler un trou immédiat.

À ce moment-là, Matheson deviendra une monnaie d’échange de luxe. Pas parce qu’il est en déclin total, mais parce qu’il se retrouve dans un alignement qui a évolué plus vite que lui.

Il reste, bien sûr, la question du vestiaire.

À Montréal, les Québécois jouent toujours un rôle symbolique.

Carrier, dans cette équation, incarne la nouveauté, la fraîcheur, l’ancrage local qui rallie. Matheson, lui, incarne le vétéran qui a déjà tenu la forteresse, mais qui pourrait devenir redondant.

L’un découvre les acclamations spontanées des partisans dans un festival; l’autre risque d’entendre son nom circuler dans des téléphones entre directeurs généraux.

L’un monte, l’autre patine sur une glace qui se rétrécit.

Est-ce injuste? Peut-être.

Mais c’est le propre des reconstructions qui réussissent.

Elles ne s’attachent pas aux sentiments.

Elles sacrifient les héros de transition au profit des piliers de demain.

Mike Matheson a été ce héros de transition, ce joueur qui a donné de la crédibilité au projet du CH en période de turbulence.

Mais le temps est impitoyable, et le calendrier de Hughes et Gorton n’a plus rien d’un projet bricolé : il avance avec une précision chirurgicale.

Alors, que faire de Matheson? À court terme, il peut rendre d’immenses services.

Il peut épauler Hutson dans sa progression, offrir une stabilité quand la jeune défensive commettra inévitablement des erreurs, et assurer une présence crédible sur la deuxième vague de l’avantage numérique.

Mais il joue désormais sur du temps emprunté.

Il est difficile d’imaginer qu’il accepte, en 2026, de signer un nouveau contrat pour devenir un cinquième ou sixième défenseur derrière Dobson, Guhle, Hutson, Carrier et éventuellement Reinbacher.

Le vrai dilemme n’est pas sportif, il est émotionnel.

Montréal aime ses enfants, et échanger Matheson sera perçu comme un crève-cœur.

Mais le hockey est une affaire de timing, et dans la symphonie que Hughes et Gorton orchestrent depuis deux ans, Matheson ressemble à une note trop longue, une dissonance que le chef d’orchestre doit finir par couper.

En attendant, profitons du paradoxe. Matheson jouera peut-être certaines de ses meilleures minutes cette saison, motivé par le doute qui plane au-dessus de lui.

Il saura que chaque présence est une audition, non seulement pour garder sa place à Montréal, mais pour séduire les autres clubs qui lorgneront ses services.

Et ce parfum de malaise, loin d’être un frein, pourrait bien devenir l’essence même d’un dernier acte flamboyant.

Parce que c’est ça, la dure loi du Canadien version 2025 : une ascension pour les uns, une sortie de scène pour les autres.

Au final, peu importe comment on retourne la situation, Mike Matheson demeure un parfum de malaise qui flotte au-dessus du bureau de Kent Hughes.

Tant qu’il sera là, le directeur général aura des maux de tête impossibles à ignorer.

Et même si Matheson peut encore rendre de fiers services au Canadien, sa trajectoire descendante contraste trop avec la montée en puissance des jeunes.

La question n’est plus de savoir si Hughes tranchera, mais quand il osera mettre un terme à ce malaise qui gangrène tranquillement son alignement.

À suivre ...