Chaque reconstruction a ses chouchous. Des joueurs qu’on adopte avant même qu’ils aient mis un patin dans la LNH, parce qu’ils incarnent une promesse et l'histoire Cendrillon face à ce que le marché réclame depuis toujours.
L.J. Mooney, c’est exactement ça. Un petit joueur dans un marché obsédé par le poids, la taille, la robustesse. Un choix de quatrième ronde qui ne devait être qu’un projet parmi d’autres, et qui est en train de devenir un sujet national simplement parce qu’il joue le jeu à l’envers.
Au Championnat mondial junior, Mooney ne saute pas aux yeux par une avalanche de buts, mais par quelque chose de beaucoup plus rare chez un joueur de 18 ans : la confiance de ses entraîneurs.
Son utilisation parle pour lui. Près de 15 minutes dans un premier match, plus de 16 minutes dans le suivant, des mises au jeu clés, du temps en infériorité numérique, et même des responsabilités en avantage numérique.
À 18 ans, dans une équipe championne en titre, ce n’est pas un cadeau. C’est un vote de confiance. Et quand il a finalement noirci la feuille de pointage avec deux passes contre la Slovaquie, dont une sur le but gagnant, ce n’était pas une explosion surprise : c’était la suite logique.
After review, Will Zellers makes it 6-4 for the United States! 🇺🇸 #WorldJuniors pic.twitter.com/OLqjv4MJHD
— TSN (@TSN_Sports) December 30, 2025
Son entraîneur, Bob Motzko, ne s’en cache même plus. Il parle de Mooney comme d’un joueur déjà complet, un “couteau suisse” qu’il n’aurait jamais imaginé utiliser pour tuer des pénalités ou prendre des mises au jeu importantes à cet âge-là.
Il le décrit comme un compétiteur naturel, quelqu’un qui fait les petites choses sans effort apparent, quelqu’un dont on est encore incapable de mesurer le plafond réel.
Ce ne sont pas des compliments lancés à la légère. Motzko a quarante ans de métier derrière le banc. Il sait reconnaître ceux qui comprennent le jeu avant les autres.
Mais c’est précisément là que le malaise commence pour le Canadien.
Parce que pendant que Mooney charme, pendant qu’il reçoit des textos de partisans montréalais, pendant qu’il sourit en parlant de son rêve de ressembler à Conor Garland, la réalité organisationnelle du CH devient de plus en plus brutale.
Le Canadien de Montréal ne cherche plus des projets. Il cherche un attaquant top-6. Un vrai. Un ailier capable de jouer avec Nick Suzuki et Cole Caufield, ou un 2e centre...
Mais avec le jeu incroyable d'Oliver Kapanen, difficile de dire quel est le plan de Kent Hughes.
Peu importe, centre ou ailier, il faut un attaquant top-6.
Et ce joueur-là, il ne s’obtient pas avec des espoirs de fond de banque.
Kent Hughes et Jeff Gorton ont été clairs dans leurs actions, sinon dans leurs mots. Ils ne veulent pas toucher à leurs intouchables offensifs. Michael Hage ne bouge pas. Alexander Zharovsky ne bouge pas.
Du côté de la défense, David Reinbacher reste protégé. Bryce Pickford, aussi intrigant soit-il, demeure un défenseur offensif de plus dans une organisation déjà saturée à cette position.
Owen Beck? Joshua Roy? Ce sont de bons joueurs, utiles, mais ce ne sont pas des pièces qui font lever un directeur général quand on parle d’un centre ou d’un ailier top-6 établi.
À un moment donné, si tu veux acheter du talent de premier plan, tu dois payer avec du talent offensif réel.
C’est là que le nom de L.J. Mooney devient inconfortable.
Parce que Mooney coche exactement les cases qui font saliver une équipe vendeuse : production précoce dans la NCAA, impact au CMJ, intelligence hockey évidente, caractère compétitif, progression rapide, et surtout… une valeur qui monte en flèche pendant que son contrat d’entrée n’a même pas encore commencé à peser dans la balance.
Le parfait complément à un choix de 1re ronde et/ou d'autres éléments, Pour une équipe qui hésite à sacrifier un espoir vedette déjà perçu comme une future star, Mooney devient une alternative crédible. Pas parce qu’il est meilleur. Mais parce qu’il est désirable.
La question que le Canadien doit se poser est cruelle, mais inévitable : est-ce que ce type de joueur fait réellement partie du futur de Montréal, ou est-ce qu’il fait partie du prix à payer pour passer à l’étape suivante?
On parle souvent de grossir le Canadien. De devenir plus lourd, plus difficile à affronter en séries. Mooney, avec ses cinq pieds huit pouces et ses 170 livres, ne cadre pas dans ce fantasme collectif.
Et pourtant, son jeu sur 200 pieds, sa capacité à gagner des mises au jeu, à bloquer des tirs, à jouer contre des joueurs plus imposants sans reculer, vient défier cette obsession.
La vraie question n’est pas de savoir s’il est trop petit. La vraie question, c’est de savoir si le Canadien peut se permettre de le garder et d’aller chercher le morceau manquant à l’attaque.
Parce que l’horloge tourne.
Le CH est trop avancé dans sa reconstruction pour accumuler indéfiniment des espoirs sans transformer l’un d’eux en impact immédiat.
Si Montréal veut vraiment un deuxième centre ou un ailier élite pour son top-6, il faudra sacrifier plus qu’un défenseur ou un choix lointain. Il faudra toucher à quelque chose qui fait mal.
Et présentement, L.J. Mooney fait mal à perdre… mais il fait encore plus réfléchir.
Il adore Montréal. Il savoure chaque message des partisans. Il vit son rêve. Mais la LNH ne fonctionne pas à l’affectif. Elle fonctionne à la valeur. Et la valeur de Mooney n’a jamais été aussi élevée.
C’est peut-être injuste. C’est peut-être prématuré. Mais c’est exactement comme ça que les grandes décisions se prennent.
Mooney est peut-être en train de devenir un joueur du Canadien.
Ou peut-être qu’il est en train de devenir la clé qui permettra enfin au Canadien de sortir de l’attente et d’entrer dans la vraie course.
Et c’est là que le débat commence vraiment.
