Patrick Roy n'est pas idiot. Il lit entre les lignes. Il sent le vent tourner. Et il sait une chose : s'il veut rester en poste à Long Island, il va devoir miser sur une seule carte. Celle de Ken Holland.
Depuis le départ de Lou Lamoriello, les noms se succèdent dans les rumeurs : Rob Blake, Marc Bergevin, Mathieu Darche, Brandon Pridham...
Mais aucun de ces candidats n’a de lien direct avec Roy.
Aucun n’a de raison de le protéger. Et dans le hockey, quand ton DG n’est pas ton gars... tu ne fais pas long feu.
Ken Holland, lui, ce serait autre chose. Parce qu’il respecte les anciens.
Parce qu’il a toujours valorisé la loyauté. Et parce qu’il sait reconnaître un coach qui peut réveiller un groupe. Roy est intense, bruyant, frontal.
Holland est calme, stratégique, discret. Mais c’est justement cette opposition qui pourrait créer un équilibre.
Regardons les faits.
À Detroit, Holland a travaillé avec Scotty Bowman puis Mike Babcock, deux caractères forts, deux têtes de hockey très affirmées.
À Edmonton, il a donné de l’espace à Jay Woodcroft et à Dave Tippett, deux profils très différents.
Holland ne cherche pas des pantins. Il cherche des têtes fortes qu’il peut encadrer. Roy correspond à ce profil.
Mais voilà : si ce n’est pas Holland, Roy est condamné.
Parce que Marc Bergevin ne reprendra pas un coach qu’il n’a pas choisi.
Rob Blake, s’il revient, voudra tourner la page après les déboires à Los Angeles.
Mathieu Darche et Brandon Pridham, eux, sont de la nouvelle école : analytique, gestion douce, influence torontoise. Zéro affinité avec le style Roy.
La vérité, c’est qu’il est sur la corde raide. Ce serait la fin. Froidement. Sans scandale. Sans vague.
Mais la fin quand même. Roy sortirait par la porte de service, comme un coach par intérim qu’on n’avait jamais vraiment planifié.
C’est là que la politique entre en jeu. Roy doit parler. Roy doit agir. Roy doit faire savoir qu’il veut Holland.
Parce que s’il attend sagement dans son bureau pendant que l'organisation choisit un DG, il verra son sort se jouer... sans lui.
Et ce n'est pas comme si Roy n'avait rien accompli. Il a bousculé une formation amorphe et lui a redonné une identité. Il a pris un groupe en chute libre et l'a mené aux séries, contre toute attente.
Il a réussi à rallumer un feu éteint à Long Island. Et il l'a fait avec son style, avec son intensité, avec sa façon de penser le hockey comme un combat, pas comme une démonstration de données.
Il ne plaira jamais aux analystes de bureau. Mais dans une chambre, il laisse une trace.
Ce qui le dessert, c’est justement cette intensité. Cette tendance à déborder, à vouloir tout contrôler, à imposer sa vision sans toujours vouloir composer avec celle des autres.
Les directions modernes ne veulent plus de têtes fortes. Elles veulent de la médiation, des PowerPoints, des rapports de consultants.
Roy, c’est tout sauf ça. Il fait peur aux timides. Il fait peur aux jeunes. Il fait peur aux modernes.
Et dans la liste des candidats en lice, peu de noms riment avec longévité pour Patrick Roy.
Marc Bergevin est un stratège expérimenté mais polarisant, sans affinité connue avec Roy. Il voudra imposer sa propre culture.
Rob Blake, ancien coéquipier de Roy à Team Canada, a quitté Los Angeles avec le besoin de se redéfinir.
Il ne viendra pas à New York pour gérer un monument déjà en place.
Mathieu Darche, artisan silencieux du Lightning, et Brandon Pridham, maître des chiffres à Toronto, viennent d’un autre monde.
Un monde où Roy fait figure d’archaïsme.
Il reste donc Ken Holland. Son seul lien logique. Sa seule chance de continuité. L’unique dirigeant d’expérience capable de voir la valeur dans un coach comme Roy et de le garder en poste pour ce qu’il est.
Si Roy veut survivre, il doit miser sur Holland. Pas en silence. Pas en retenue.
En jouant ses cartes. Parce que ce n’est plus une question de mérite.
C’est une question de politique. Et dans ce jeu-là, attendre, c’est perdre.
Le seul homme qui peut le sauver s’appelle Ken Holland.
Et Roy ferait bien de s’en souvenir avant que la porte se referme.