Mathieu Darche se relève de son désastre.
Tout le monde riait du DG des Islanders.
Darche venait de rater son gros coup. Il voulait James Hagens à tout prix, l’enfant chéri de Long Island, le gars que tout le monde voyait comme le futur visage de l’organisation. Et il n’a pas réussi à monter dans le top 5 pour le repêcher.
Pire encore : dans un geste qui a fait hurler les partisans, Darche a échangé Noah Dobson au Canadien de Montréal pour une offre qui semblait bien mince. Les choix 16 et 17, plus Emil Heineman. C’est tout.
Darche s’est fait ramasser. C’était un DG dépassé, qui avait perdu la main. Un amateur. Du moins, c’est ce que plusieurs pensaient.
Mais le vent a tourné. Et vite.
Avec ses deux choix, il est allé chercher deux joueurs que personne ne croyait encore disponibles à ce moment-là. Deux vols, selon plusieurs recruteurs. Deux coups de génie.
Dès qu’il a mis la main sur les choix 16 et 17 dans l’échange avec le Canadien, Darche avait un objectif : s’en servir pour monter dans le top 5 et aller chercher James Hagens.
C’était son obsession. Son plan. Il l’avait ciblé depuis des mois. Il voulait construire autour de lui.
Mais le problème, c’est que les équipes qui détenaient ces choix-là (Utah, Nashville, Philadelphie, Boston) ont toutes refusé. Personne ne voulait reculer. Personne ne voulait lâcher un joueur comme Hagens.
Au final, les Bruins (7e) ont brisé le coeur de Darche.
Le DG des Islanders s’est donc retrouvé avec deux choix de première ronde, mais incapable de les utiliser comme il le voulait. Son plan A, échoué.
Dans la foulée, Darche a dû justifier une autre décision impopulaire : l’échange de Noah Dobson. À l’interne, il espérait obtenir un gros retour, un joueur établi ou un espoir de premier plan et non seulement les choix 16-17 du CH avec un ailier de 4e trio (Heineman)
Darche a essayé avec Columbus. Il voulait leurs choix 14 et 20, plus Dmitri Voronkov, et un jeune espoir. Columbus a dit non. Pas question de donner Voronkov.
Alors Darche s’est tourné vers Montréal. Et il a accepté un "deal" de pauvre. Mais les critiques ont été vives. On disait qu’il avait cédé trop vite. Que Dobson valait plus. Qu’il s’était fait avoir.
Bref, en quelques heures, Darche avait perdu Dobson, raté Hagens, et perdu la face.
Puis est arrivé le 16e choix. Et là, Darche a sorti Victor Eklund de son chapeau.
Le petit frère de William Eklund, l’espoir des Sharks. Un attaquant dynamique, qui venait de connaître une grosse saison en Suède avec Djurgardens. Il a aidé son équipe à monter dans la SHL avec une saison de 30 points, un exploit pour un jeune de son âge.
Eklund avait aussi été excellent au Championnat mondial junior, récoltant six points en sept matchs.
Certains disaient qu’il pouvait sortir dans le top 10. D’autres le comparaient à Jesper Bratt ou à Matthew Tkachuk pour son intensité et son style.
Et Darche l’a eu au 16e rang. Un vol. Pur et simple.
Encore mieux : il jouait cette année avec Anton Frondell, qui a été choisi 3e au total par les Blackhawks. Ils formaient un duo de feu. Et maintenant, les Islanders ont une moitié de ce duo-là.
Et puis, au 17e choix, Darche a surpris tout le monde encore une fois.
Il a repêché Kashawn Aitcheson, surnommé “Cash”, un défenseur droitier costaud, dur, intense, capable de frapper fort et de jouer simple. Le genre de gars que toutes les équipes veulent en séries.
C’était aussi un joueur que Kent Hughes convoitait. Le CH le voulait, c’est clair. Il avait parlé de lui à plusieurs reprises. TVA Sports ne l’a même pas montré à la télé, parce qu’il parlait à Kent Hughes juste avant la sélection. Et boom, Darche le prend. Un autre vol.
Il retombe sur ses pieds.
En moins d’une heure, Mathieu Darche a changé le ton de la conversation.
Ce qui était perçu comme un désastre est devenu un coup de maître. Oui, il a raté Hagens. Oui, il a cédé Dobson à bon prix. Mais il repart de ce repêchage avec deux joueurs que plusieurs voyaient comme deux coups de circuit.
Et pas n’importe quels joueurs : un attaquant créatif et explosif, et un défenseur physique et fiable. Deux profils complémentaires. Deux besoins pour une équipe en relance.
Même les critiques les plus durs ont dû se raviser.
Darche, sans rien dire, a repris le contrôle de son repêchage.
Mathieu Darche a commencé ce repêchage en catastrophe. Deux échecs publics : Hagens, raté. Dobson, vendu à rabais.
Mais à la fin, il a frappé deux fois, et fort.
Victor Eklund et Kashawn Aitcheson pourraient bien devenir les piliers de la prochaine génération des Islanders. Et ce repêchage 2025, qu’on pensait désastreux pour Darche, pourrait devenir son moment fondateur.
La morale? En LNH, ce n’est pas le plan initial qui compte. C’est la capacité de rebondir.
Et Darche vient de prouver qu’il en est capable.
Surtout, il a prouvé qu'il était humain, lui qui a demandé qu'on place le logo du combat contre le cancer du sein sur le chandail de Matthew Schaefer. Même qu'il y avait brodé les initiales de sa mére au ciel.
Le DG des Islanders était au bord des larmes qu’on a vu en entrevue à TVA Sports, après avoir sélectionné Matthew Schaefer au tout premier rang du repêchage 2025.
Fatigué, émotif, submergé par l’ampleur du moment, le nouveau directeur général des Islanders de New York a brièvement laissé tomber le masque.
Derrière le regard concentré du gestionnaire, il y avait l’homme, touché par l’histoire d’un jeune défenseur qui venait d’atteindre son rêve… sans sa mère.
Car Schaefer, ému à l’extrême, n’a pas pu retenir ses larmes lorsqu’il a reçu le chandail des Islanders des mains de Gary Bettman. Il a parlé d’elle, de Jennifer, décédée l’an dernier après un combat contre le cancer.
Il a évoqué son absence dans ce moment charnière, comme une plaie vive malgré l’euphorie du sommet. Et pendant que la salle retenait son souffle, Mathieu Darche, lui, encaissait tout.
Ce n’était pas seulement un premier choix au total. C’était une rencontre humaine, un écho à sa propre sensibilité. Un moment de grâce au cœur d’un marathon de hockey.
Ce soir, Darche a vu la lumière dans les yeux d’un jeune homme brisé par la vie, mais grandi par l’adversité. Il a accueilli Victor Eklund et Kashawn Aitcheson dans sa formation, deux autres pierres angulaires, mais c’est Schaefer qui a déclenché l’émotion brute.
Dans cette première soirée de repêchage, Darche a été rappelé à l’essentiel : le hockey, c’est avant tout des êtres humains.
Et cette humanité-là, il vient de la placer au cœur de son projet.