Les Oilers sont en train de commettre une erreur historique.
Carter Hart vient d’être acquitté. Les Flyers travaillent nuit et jour sur le dossier. Et Connor McDavid, lui, bouille devant l’aveuglement de ses patrons.
Tout est là pour une histoire de rédemption. Un gardien de 26 ans, autrefois présenté comme le sauveur à Philadelphie, brisé par un procès qui a traîné pendant sept ans. Aujourd’hui libre, prêt à tourner la page, il attend qu’une équipe ait le courage de lui tendre la main.
Mais à Edmonton, la réponse est tombée : non.
Pas un « non » prudent. Un « non » brutal. Jason Gregor, l’insider le plus branché en Alberta, l’a rapporté noir sur blanc : le DG des Oilers, Jeff Jackson, et son entourage n’ont aucun intérêt pour Hart. Même acquitté, même blanchi, il reste radioactif aux yeux d’Edmonton.
Et c’est là que le drame prend forme.
Parce que pendant que les Flyers testent le terrain et que leurs partisans réclament son retour — « Ramenez-le aujourd’hui », « Il mérite des excuses de la ligue », « Il doit redevenir notre numéro un » — les Oilers se cachent derrière leur image. Philadelphie, malgré ses propres démons, n’a pas peur de rouvrir la porte. Mais à Edmonton, on préfère jouer à l’autruche, comme si la tempête allait passer toute seule.
Greg Wyshynski, d’ESPN, a jeté de l’huile sur le feu : « Le problème des Oilers, c’est le gardien. Et on peut se demander si, ultimement, Carter Hart n’est pas la solution. » Ce n’est pas une phrase lancée à la légère. Wyshynski, ancien cerveau derrière le blogue Puck Daddy, est l’une des voix les plus influentes aux États-Unis. Quand il parle, les échos résonnent jusque dans les bureaux des DG.
Mais Edmonton n’écoute pas.
Et Connor McDavid, lui, commence à comprendre.
Le capitaine est en pleine négociation pour un contrat qui pourrait dépasser les 16 ou 17 millions par saison. Un pacte historique, sur quatre ou cinq ans, qui scellerait l’avenir de l’organisation. Mais il a déjà prévenu : il ne prolongera pas pour l’argent seul. Il veut un plan. Il veut une Coupe Stanley. Et surtout, il veut un gardien.
Skinner? Trop inconstant. Pickard? Un second violon incapable de prendre la relève en séries. McDavid le sait, ses meilleures années s’étiolent, et ses chances de soulever la Coupe fondent comme neige au soleil. Refuser Hart par peur des manchettes, c’est envoyer un message clair au meilleur joueur de la planète : l’image compte plus que lui.
Et ça, c’est jouer avec le feu.
Parce qu’à Philadelphie, le ton change. Les partisans se déchirent, mais une majorité commence à réclamer son retour. « Il a été jugé, acquitté, laissez-le rejouer », lancent plusieurs. D’autres rappellent que Hart a été victime d’un procès médiatique qui l’a crucifié bien avant le verdict. Pour une organisation en reconstruction, son retour représenterait non seulement un geste de pardon, mais aussi une solution sportive évidente.
Pendant ce temps-là, Edmonton campe sur ses positions. Et c’est ce qui fait trembler tout l’écosystème de la LNH.
Déjà, les scénarios d’échange de McDavid circulent. Mathias Brunet, dans La Presse, a dessiné un tableau qui glace le sang. Los Angeles devrait donner Quinton Byfield, Brandt Clarke et trois choix de première ronde. San Jose, Macklin Celebrini, Will Smith et trois choix. Dallas, Wyatt Johnston, Thomas Harley et trois choix. Toronto, incapable de payer le prix, n’aurait d’autre espoir que d’attendre l’autonomie complète. Et Montréal? Caufield, Demidov, Hage, trois choix. Une facture si lourde qu’elle donnerait la nausée à n’importe quel partisan.
Tout ça parce qu’Edmonton refuse de régler le problème le plus évident : son filet.
La comparaison avec 1988 est inévitable. Quand Peter Pocklington a envoyé Wayne Gretzky à Los Angeles, c’était un choc mondial. Les Oilers avaient choisi l’argent et l’orgueil plutôt que la gloire. Résultat : la franchise a perdu sa légende et n’a plus jamais retrouvé la même aura.
Aujourd’hui, Jeff Jackson marche droit vers le même gouffre.
Carter Hart n’est pas qu’un gardien. Il est devenu un symbole. Celui d’une LNH déchirée entre la peur de l’opinion publique et la réalité sportive. Les Flyers semblent prêts à l’assumer. Les Oilers, eux, se barricadent dans une position intenable.
Et Connor McDavid, dans tout ça? Il observe. Il calcule. Il attend. Son silence est assourdissant. Chaque jour qui passe sans prolongation est un avertissement. Chaque refus d’Edmonton de considérer Hart est un clou de plus dans le cercueil de leurs ambitions.
Le paradoxe est cruel : signer Hart pourrait régler deux problèmes en un seul coup. Offrir au capitaine le gardien qu’il réclame, et sauver l’organisation d’un exode catastrophique.
Mais refuser, c’est risquer de perdre McDavid… et de voir Hart redevenir une star ailleurs.
Ce n’est pas seulement une question de hockey. C’est une question d’orgueil. Et si les Oilers continuent de choisir l’orgueil plutôt que la raison, ils seront jugés comme ils l’ont été en 1988 : responsables d’avoir laissé filer une légende pour de mauvaises raisons.
Un jour prochain, McDavid partira peut-être.
Et ce jour-là, on se souviendra de ce moment précis : celui où Edmonton a préféré sauver la façade plutôt que de sauver sa franchise.