Rien ne va plus pour Zachary Bolduc, et cette fois, ce n’est même plus uniquement une question de hockey.
Depuis quelques jours, on assiste à un glissement franchement malsain autour du jeune attaquant du Canadien.
Ce qui relevait autrefois de l’analyse sportive est en train de basculer dans une forme de surveillance obsessionnelle, alimentée par les réseaux sociaux, où chaque geste, chaque clic, chaque follow ou unfollow devient matière à débat public.
Il existe désormais un compte X, "NHL Follow Tracker", dédié à le suivre à la trace, à scruter ses abonnements Instagram, à interpréter ses silences, à transformer sa vie personnelle en feuilleton ridicule.
Le dernier épisode? L’unfollow de Noémie Marleau, ex-candidate d’Occupation Double, érigé en événement quasi national.
On parle ici d’un jeune joueur déjà fragile dans sa relation avec l’exposition médiatique, déjà mal à l’aise sous les projecteurs, déjà secoué par une période sportive difficile.
Et on en rajoute une couche. Comme si la pression de performer au Centre Bell n’était pas suffisante, on l’expose maintenant à une chasse aux sorcières numérique, où il n’a même plus droit à une sphère privée minimale.
Sur la glace, le contexte n’aide en rien. Bolduc a été retiré du premier trio, une rétrogradation qui fait toujours mal à l’ego, surtout quand on essaie de se tailler une place durable dans la LNH.
Il se retrouve maintenant à tenter de se relancer aux côtés de Phillip Danault et Josh Anderson, dans un rôle beaucoup plus ingrat, beaucoup moins glamour, mais pourtant crucial.
On lui demande de se refaire une confiance, de produire sans la rondelle, de survivre dans un trio où chaque erreur est amplifiée.
Et pendant qu’il tente de se relever, l’environnement autour de lui devient de plus en plus hostile. On dissèque ses moindres décisions. On doute publiquement de sa valeur. On parle de lui comme d’un problème à régler plutôt que comme d’un jeune joueur en développement.
On va même jusqu’à pointer la façon dont Martin St-Louis le gère, certains criant à l’injustice, d’autres à la faiblesse mentale, comme si la vérité devait forcément être tranchée en 280 caractères.
La réalité, c’est que Bolduc est pris dans une tempête parfaite. Un joueur qui n’a jamais demandé à devenir un symbole, qui n’a jamais cherché la lumière, et qui se retrouve soudainement exposé, disséqué, traqué.
Ce climat est toxique. Il n’aide ni le joueur, ni l’équipe, ni même les partisans qui finissent par confondre analyse et acharnement.
On peut critiquer son jeu. On peut débattre de son utilisation. On peut se demander s’il a l’étoffe d’un joueur de premier trio.
Tout ça fait partie du hockey à Montréal. Mais transformer sa vie personnelle en spectacle, surveiller ses réseaux sociaux comme s’il s’agissait d’un communiqué officiel, c’est franchir une ligne.
Zachary Bolduc essaie de se relever, de se redéfinir, de prouver qu’il peut encore aspirer à un rôle plus important. Mais en ce moment, entre la pression sportive et le harcèlement numérique déguisé en curiosité, rien ne joue en sa faveur.
Et si le Canadien veut vraiment maximiser ses jeunes talents, il faudra aussi se demander collectivement si ce climat est propice à leur épanouissement.
Parce qu’à l’heure actuelle, pour Bolduc, ce n’est plus seulement une mauvaise séquence.
C’est une véritable catastrophe émotionnelle en train de se jouer à ciel ouvert. Tellement injuste humainement.
Et sportivement, c'est encore pire. Il faut aussi remettre une chose fondamentale à sa place, et Anthony Martineau de TVA Sports l’a très bien exprimé dans ses propos : c’est profondément injuste de faire porter à Zachary Bolduc la responsabilité du ralentissement du duo Nick Suzuki–Cole Caufield, comme si un jeune ailier qu'on manipule comme un yo-yo dans un contexte instable avait soudainement le pouvoir de briser l’un des tandems les plus établis de l’organisation.
Martineau a rappelé que les chiffres, les séquences de jeu et même le test de l’œil racontent une autre histoire : le premier trio ne s’est pas effondré à cause de Bolduc, il a surtout traversé une phase plus compliquée collectivement depuis que Juraj Slafkovsky les a quittés, avec moins d’espace, moins de transitions propres et moins de soutien en zone offensive.
Pointer Bolduc comme bouc émissaire relève d’un raccourci facile, mais dangereux, surtout quand on sait à quel point il est mal à l’aise avec l’exposition médiatique et à quel point chaque critique publique pèse plus lourd pour lui que pour d’autres profils plus flamboyants.
Et non, ce n’est certainement pas en analysant qui il suit ou qui il ne suit plus sur Instagram qu’on va l’aider à reprendre confiance, à retrouver ses repères ou à progresser dans son jeu; ce voyeurisme numérique ne fait qu’ajouter une pression inutile à un joueur déjà fragile dans ce marché.
Comme l’a souligné Martineau, Bolduc n’a jamais été placé dans une position idéale, ni pour réussir immédiatement, ni pour porter le poids symbolique d’un trio vedette, et le traiter comme un frein alors qu’il tente simplement de survivre et d’apprendre au plus haut niveau est non seulement injuste, mais contre-productif pour son développement et pour celui de l’équipe.
En attendant, qu'on laisse son "Instagram" tranquille.
