Il y a des silences qui font plus mal que des huées, et présentement, c’est exactement ce que Joshua Roy entend chaque fois qu’il revient au banc.
Dans une série pourtant pleine de lumière, pleine de buts, pleine d’occasions de se redéfinir, Roy est devenu l’ombre qui suit les autres sans jamais les rattraper.
Zéro point en deux matchs, alors que tout le monde, absolument tout le monde autour de lui, commence à faire du bruit et à mériter sa place au soleil.
Sean Farrell, avec ses deux buts et sa fluidité, s’impose déjà comme l’un des meilleurs Rocket en séries, tout comme Alex Barré-Boulet qui cumule trois points.
Les jeunes montent.
Les vétérans livrent.
Et pendant ce temps, Joshua Roy regarde la parade passer sans réussir à monter dans le char allégorique.
Ce n’est pas une mauvaise séquence.
Ce n’est pas un passage à vide normal.
C’est un désastre statistique dans un contexte où chaque chiffre compte double.
Là où Pascal Vincent récompense l’intensité et la constance, Joshua Roy offre l’absence et l’insignifiance.
Et comme si ce n’était pas déjà assez inquiétant, voilà qu’Oliver Kapanen débarque à Laval, tel un autre symbole de ce que Roy aurait pu être s’il avait montré la même régularité.
Kapanen, ce n’est pas le joueur le plus explosif du monde, mais au moins, il joue avec la tête, il se place, il ne disparaît jamais.
Il descend du CH avec un certain respect, une certaine aura, une certaine légitimité, ce que Roy avait l’occasion de bâtir cette saison, mais qu’il a gaspillé.
Et maintenant, avec Kapanen dans le portrait, ce sont encore moins de minutes, encore moins de responsabilités et surtout encore moins de patience à son endroit.
Ce n’est pas une affaire de position, ce n’est pas une simple affaire de profondeur, c’est une question de mérite pur et simple, brut et cruel.
Le mérite, Roy ne l’a pas en ce moment, et ça commence à paraître jusque dans les gradins.
Les partisans se divisent toujours entre ceux qui veulent encore y croire et ceux qui sont prêts à passer à autre chose.
Pascal Vincent, lui, n’a pas le luxe d’attendre que Roy se réveille au match numéro quatre ou cinq, surtout si Laval n’en joue que trois.
Il donne les minutes à ceux qui produisent.
Il place la confiance dans ceux qui répondent.
Et Joshua Roy ne répond à rien, pas même à lui-même.
Il n’a pas provoqué une seule poussée significative en zone offensive depuis le début de la série.
Il ne dérange pas défensivement, il n’impose aucun rythme physique, il n’a même pas ce regard de gars qui veut tout casser.
Et pourtant, c’est censé être le moment de sa vie.
Là où il se rachète de sa fin de saison fade à Montréal, là où il montre que malgré les doutes, il reste une pièce du futur.
Mais le Rocket roule sans lui, et pire encore, il roule mieux sans lui.
Lui qui rêvait d’un rôle central devient tranquillement un figurant dans un film où tous les autres personnages prennent du volume et de l’importance.
Il ne reste pas beaucoup de matchs pour corriger le tir, mais il reste assez de minutes pour se faire tasser pour de bon s’il continue comme ça.
Il ne s’agit plus de promesse.
Il ne s’agit plus de potentiel.
Il s’agit de production immédiate, de présence sentie, de traces laissées sur la glace.
Et Joshua Roy, jusqu’ici, ne laisse aucune trace, sinon celle d’un joueur qui glisse doucement vers un été de questions sans réponses.
Mais ce qui rend cette situation encore plus préoccupante, c’est que le Canadien de Montréal commence sérieusement à faire le tri dans ses espoirs les plus médiatisés.
On n’est plus dans les années où on bichonne les prospects simplement parce qu’ils sont Québécois et qu’ils font bien dans une entrevue d’après-match.
Aujourd’hui, si t’es pas capable de te démarquer quand ton club-école gagne deux matchs de suite contre un adversaire qui s’effondre, on t’efface sans avertissement.
Et c’est exactement ce qui est en train d’arriver à Joshua Roy.
À ses côtés, Owen Beck joue un hockey intelligent, physique, engagé, et gagne des faceoffs dans des moments cruciaux.
Brandon Gignac fait oublier qu’il a été oublié, lui qui joue comme si chaque présence pouvait le ramener à Montréal.
Et Roy, lui, traverse la glace comme s’il cherchait encore la saison régulière.
Comme si les séries n’étaient pas là pour séparer les vrais des figurants.
Comme s’il ne comprenait pas que c’est maintenant ou jamais.
Parce que la vérité, c’est que la prochaine vague est déjà là.
Tu peux t’appeler Joshua Roy, tu peux avoir scoré 100 points au junior, tu peux avoir été sur toutes les listes de “joueurs à surveiller” en 2023, ça ne te garantit absolument rien.
Pas quand Jacob Fowler vient de voler le cœur du staff technique avec une performance de muraille dès son deuxième match éliminatoire.
Pas quand David Reinbacher monte en puissance et montre qu’il peut jouer du hockey nord-américain sans perdre son calme.
Joshua Roy a encore quelques jours, quelques présences, peut-être quelques périodes pour inverser la tendance.
Mais si dimanche, lors du match numéro trois, il sort encore du Centre Bell satellite sans un tir dangereux, sans un geste qui soulève la foule, il ne sera plus une priorité.
Il deviendra, aux yeux de la direction, un actif à valeur décroissante, un joueur interchangeable dans un pipeline déjà saturé de jeunes affamés.
Et cette fois, il ne pourra pas blâmer le système.
Il ne pourra pas blâmer l’entraîneur.
Il ne pourra pas blâmer les trios ou le rôle ou la chimie.
Parce que tout le monde autour de lui, dans exactement les mêmes conditions, est en train de se battre comme si sa carrière dépendait de chaque présence.
Et c’est peut-être ça, au fond, le vrai drame silencieux de Joshua Roy.
Il joue comme s’il avait encore le temps.
Comme si la patience du Canadien était un contrat à long terme.
Comme s’il n’était pas déjà à une mauvaise série d’être placé sur le marché des transactions cet été, dans un deal à la Jesse Ylönen ou à la Joël Teasdale.
Et si ça se produit, ce ne sera pas un coup de théâtre.
Ce sera simplement la suite logique d’un printemps sans empreinte.
Et peut-être qu’un jour, Joshua Roy racontera que c’est justement ce printemps-là, ce moment précis à Laval, qui a tout changé — dans un sens ou dans l’autre.
Peut-être qu’il trouvera une étincelle, qu’il créera un but, qu’il forcera Pascal Vincent à prononcer son nom en conférence de presse avec fierté.
Peut-être qu’il fera taire ceux qui ont déjà commencé à l’effacer de la carte du CH, ceux qui voyaient en lui une belle histoire sans lendemain.
Mais s’il ne le fait pas maintenant, s’il laisse une autre présence se dérouler sans impact, s’il traverse encore un match sans que personne ne le remarque…
Alors ce sera trop tard.
Et ce ne sera pas une surprise.
Ce sera une fin attendue.
Une fin silencieuse.
Une fin qu’il a lui-même laissée s’écrire sans jamais tenter de la réécrire.
Misère