Il y a quelques jours à peine, Jakub Dobeš était encore perçu comme un jeune gardien rafraîchissant, arrogant, téméraire, prometteur, capable de défier les attentes et de voler un match sous la pression étouffante des séries.
Aujourd’hui, après le quatrième match contre les Capitals de Washington, il est devenu la cible d’une véritable campagne d’humiliation publique.
Ce n’est plus seulement l’adversaire direct qui le critique. Ce sont les plus grandes figures médiatiques du hockey nord-américain qui s’acharnent désormais sur lui, sans aucune pitié.
Tout a commencé dans la foulée de la terrible mise en échec que Tom Wilson a assénée à Alexandre Carrier. Le Centre Bell était en ébullition, la foule criait à l’injustice, les joueurs du Canadien étaient en état de choc, et Jakub Dobeš, dans une déclaration émotive après le match, a osé dire tout haut ce que plusieurs pensaient tout bas :
« Je pensais qu’il y aurait un arrêt. Tu ne veux pas voir un joueur avec une commotion cérébrale sur la glace. »
Une déclaration honnête, spontanée, humaine. Le Tchèque a même affirmé que selon lui, Alex Ovechkin aurait dû être suspendu pour son coup à la tête de Jake Evans et que la mise en échec de Wilson était elle aussi illégale.
Mais dans l’univers brutal et sans pitié de la LNH, cette vulnérabilité a été perçue comme une faiblesse impardonnable.
Le premier à dégainer, et non le moindre, fut Paul Bissonnette, alias “BizNasty”, ex-joueur de la LNH, animateur vedette du balado Spittin’ Chiclets et analyste de TNT Sports. Sur son compte X, devant des millions d’abonnés, il n’a pas simplement critiqué Dobeš :
« Si tu penses que la mise en échec de Wilson était sale, tu es un put*** de clown et arrête de regarder les séries éliminatoires. »
Pas de nuances. Pas de pitié. Un jugement brutal.
Dans la foulée, Elliotte Friedman, l’une des voix les plus respectées du monde du hockey, a abondé dans le même sens :
« C’était une mise en échec propre sur Carrier. C’était vicieux, mais ça ne méritait pas une pénalité. »
Le message était clair : aux yeux de l’establishment hockey, Jakub Dobeš était un “clown”, un "kid" mauvais perdant qui ne comprenait pas les “vraies” séries éliminatoires.
Et quand Ryan Whitney, ancien défenseur de la LNH et co-animateur lui aussi de Spittin’ Chiclets, a renchéri en disant que cette mise en échec avait « changé le cours de la série » et qu’il fallait cesser de pleurnicher, la meute s’est déchaînée pour de bon.
Il faut bien le dire : ce n’est plus une simple critique sportive. C’est devenu un acharnement médiatique organisé.
Les insultes affluent sur les réseaux sociaux. Le nom de Dobeš est tourné en ridicule dans des balados qui font des millions d’écoutes.
Les forums de partisans des Capitals et même certains observateurs neutres rient ouvertement du jeune gardien du CH, le présentant comme une figure pathétique, le “symbole d’une équipe qui refuse d’accepter la dureté des séries.”
Ce qui est encore plus violent, c’est que même des analystes plus modérés, comme Sean Gentille de The Athletic, ont abandonné toute forme de nuance :
« C’était sur la limite mais légal, ultimement. Beaucoup plus légal que plusieurs gestes posés par Wilson dans le passé. »
Autrement dit, même ceux qui reconnaissent la brutalité du geste refusent de voir Dobeš comme une victime.
Et pourtant, que reproche-t-on exactement à Jakub Dobeš?
De dire ce que n’importe quel spectateur a vu de ses propres yeux?
De verbaliser ce malaise que même Martin St-Louis, dans ses réponses frustrées, laissait entrevoir quand il parlait de “décisions arbitrales difficiles à avaler”?
Dobeš a eu la malchance de porter la voix d’une équipe blessée et frustrée. Et dans la culture de la LNH, où l’on glorifie la brutalité et l’omerta, il a été puni pour ça.
Le cas de Jakub Dobeš est un avertissement pour tous les jeunes joueurs qui arrivent dans la ligue : ne montre jamais tes émotions.
Ne critique jamais la ligue. Ne remets jamais en question la sacro-sainte “culture des séries”. Sinon, tu seras étiqueté. Ridiculisé. Piétiné.
Aujourd’hui, au lieu de se concentrer sur ses performances encourageantes devant le filet, Dobeš doit gérer une tempête médiatique dont il n’est même pas responsable.
Pendant ce temps, Tom Wilson continue d’être célébré comme un héros. Les Capitals paradent avec leur victoire. Et le jeune Dobeš est laissé seul sous les projecteurs brûlants, cloué publiquement pour avoir osé penser que la sécurité d’un coéquipier comptait plus que le spectacle.
Un symbole d’une fracture entre deux visions du hockey
Cette histoire n’est pas seulement une attaque contre Dobeš. Elle révèle un fossé générationnel énorme dans le monde du hockey.
D’un côté, ceux qui rêvent encore d’un hockey plus respectueux, plus axé sur la protection des joueurs.
De l’autre, les anciens gladiateurs, les partisans d’un sport brutal et sans concessions, pour qui toute plainte est une preuve de faiblesse.
Jakub Dobeš a osé incarner la première vision.
Et il en paie aujourd’hui le prix fort.
Dans les livres d’histoire du Canadien, cet épisode sera peut-être vite oublié. Mais pour ceux qui suivent avec attention la mutation du hockey moderne, la crucifixion médiatique de Jakub Dobeš restera un moment charnière : celui où l’on a vu, en direct, à quel point la transition vers un hockey plus humain est encore douloureusement loin.
Et pendant que les “clowns” dansent sur les réseaux sociaux, le vrai courage, lui, continue de porter les couleurs du Tricolore.