C’est l’image qui résume toute la matinée à Québec : Josh Anderson et Jake Evans, chandail bleu sans nom dans le dos, relégué dans un groupe de « réservistes » avec Florian Xhekaj et Samuel Blais devant des milliers de spectateurs venus voir leurs idoles au Centre Vidéotron.
Une scène qui, à elle seule, illustre un climat de malaise dans le vestiaire du Canadien et, surtout, dans la relation entre Martin St-Louis et ses vétérans plombiers.
Officiellement, le chandail bleu ne veut rien dire. C’est ce que St-Louis répète aux journalistes, souvent avec agacement.
Officieusement, tout le monde sait que c’est un code, une marque d’exclusion, un signal envoyé à un joueur. Et ce matin, ce signal a été lancé à Anderson, Evans, Blais… mais aussi à Patrik Laine, même si contrairement aux autres, il n'a pas été humilié.
On se souvient encore de l’épisode récent où Martin St-Louis s’était emporté contre les journalistes, reprochant à ceux-ci de « capoter pour rien » avec l’histoire des chandails.
Il jurait que la couleur n’avait aucune signification. Pourtant, à Québec, impossible de voir ça autrement qu’un geste d’humiliation.
Pourquoi exposer un vétéran comme Anderson dans un rôle de figurant devant ses partisans? Pourquoi mettre Evans, soldat loyal, dans le même panier? Pourquoi faire vivre à Blais, qui avait acheté une quarantaine de billets pour ses proches pour passer le match dans les gradins, une telle mise en scène?
La réponse est simple : Martin St-Louis a voulu envoyer un message. Mais le message est passé de travers. Dans un marché comme Montréal, et encore plus devant un public comme celui de Québec, tout est scruté. Tout devient symbole. Et ce symbole-là était brutal.
La partie la plus intrigante? Patrik Laine n’a pas été ciblé. Pourtant, si on se fie à la hiérarchie affichée, il faisait bel et bien partie d’un cinquième trio avec Joe Veleno et Owen Beck. Une unité de soutien, un signe clair de rétrogradation.
Slafkovsky-Suzuki-Caufield
Bolduc-Dach-Gallagher
Demidov-Newhook-Kapanen
Blais-Evans-Anderson
Laine-Veleno-Beck
Défenseurs
Matheson-Dobson
Guhle-Hutson
Xhekaj-Carrier
Struble-Engström
Mais Laine, lui, n’a pas porté le bleu. Comme si on avait voulu éviter de froisser un joueur dont la confiance est déjà fragile.
Comme si St-Louis avait peur d’un éclat public, d’une « coche pétée » devant la foule. Ce détail en dit long. Le coach n’a pas hésité à exposer Anderson et Evans, mais il a protégé Laine, car on le sait fragile mentalement.
Ce traitement de faveur est d’autant plus signifcatif que Laine traîne derrière lui un passé lourd. À Winnipeg, il avait été ouvertement bullié par Wheeler et Scheifele, qui se moquaient de ses feintes lentes et de son attitude nonchalante.
À Columbus, il s’est enfoncé dans l’anonymat, isolé, avant de sombrer dans le programme d’aide de la LNH. Montréal devait être sa renaissance. Mais depuis son arrivée, les mêmes critiques reviennent : effort limité à cinq contre cinq, incapacité à suivre le rythme, dépendance totale aux passes parfaites d’Ivan Demidov pour exister offensivement.
Protéger un joueur avec un tel historique, alors qu’on expose publiquement des vétérans respectés, c’est jeter de l’huile sur le feu.
Pendant ce temps, Ivan Demidov continue d’être trimballé sur un troisième trio avec Oliver Kapanen et Alex Newhook. Certes, la combinaison fonctionne, mais elle demeure une sous-utilisation évidente de son talent.
Demidov est un joueur de premier trio, pas un joker qu’on cache sur une troisième ligne. Et le spectre de Zachary Bolduc plane.
Le jeune Québécois brille, accumule les bons points, et sa candidature pour compléter un trio offensif solide devient de plus en plus incontournable. Chaque présence de Bolduc est une menace silencieuse pour Laine. Chaque passe réussie, chaque accélération est une comparaison qui souligne encore davantage la lenteur et le manque d’implication du Finlandais.
Ce qui se joue à Québec dépasse la simple expérimentation d’un camp d’entraînement. On assiste à une fracture dans la méthode St-Louis. Il dit une chose aux journalistes, en fait une autre sur la glace.
Il jure que les chandails ne veulent rien dire, mais les utilise comme arme psychologique. Il promet de protéger ses vétérans, mais les expose en public. Il prône la transparence, mais refuse de répondre franchement aux questions sur Laine.
Tout cela nourrit un malaise qui ne cesse de grossir. Et la prochaine étape, si elle survient, sera une véritable commotion : voir Patrik Laine, le joueur au plus gros salaire de l’équipe, être officiellement écarté de la formation régulière.
Martin St-Louis marche sur une ligne mince. D’un côté, il doit envoyer des messages clairs à ses joueurs. De l’autre, il doit préserver la confiance, l’unité, le respect.
En humiliant Anderson et Evans et en ménageant Laine, il a peut-être inversé les rôles. Et dans un marché comme Montréal, où chaque geste est amplifié, où chaque détail devient une tempête médiatique, cette stratégie peut se retourner contre lui.
Le public de Québec, venu applaudir ses idoles, est reparti avec un spectacle étrange : des vétérans rabaissés, un Laine toujours intouchable, et un entraîneur qui joue au chat et à la souris avec les journalistes.
Sacré Marty...