Ce n’est pas une histoire comme les autres. Ce n’est pas une transaction banale ou un choix de repêchage de plus sur une longue liste d’espoirs russes exotiques qu’on suit de loin, sans vraiment y croire.
Non. Ce que vient de réaliser le Canadien de Montréal en sélectionnant Alexander Zharovsky au 34e rang du repêchage 2025, c’est une véritable réunion de famille.
Une réunion de cœurs, de rêves, de destins parallèles qui se croisent enfin, sous la lumière des projecteurs du Centre Bell.
Car Zharovsky n’est pas n’importe qui. Il est l’ami d’enfance d’Ivan Demidov, le joyau russe du Tricolore.
Les deux jeunes hommes se connaissent depuis qu’ils ont huit ans. Ils ont grandi ensemble sur les patinoires de Russie, se sont forgés dans les mêmes arénas froides, ont développé une complicité rare, une chimie instinctive que même les meilleurs coachs ne peuvent enseigner.
Quand Zharovsky a été repêché, la première chose qu’il a faite, c’est appeler Demidov.
« On va enfin pouvoir jouer ensemble », lui a-t-il lancé, ému aux larmes.
Cette phrase, ils l'ont dite des centaines de fois dans leur jeunesse, comme une sorte de promesse, un serment entre frères que le destin avait jusqu’ici refusé d’exaucer. Et voilà que le miracle se produit à Montréal.
Lorsque TVA Sports l’a contacté samedi midi, Alexander Zharovsky pleurait de joie.
Même s’il était accompagné d’un traducteur pour l’ensemble de la conversation, le jeune Russe tenait à faire bonne impression dès les premiers mots.
Il n’a pas tardé à exprimer sa joie immense :
« J’ai du mal à croire ce qui m’arrive. Jouer pour Montréal, c’est un rêve. Ce marché est tellement spécial, tellement unique. »
Mais au-delà de l’honneur que représente le fait de porter les couleurs du CH, Zharovsky a révélé une motivation encore plus personnelle derrière son enthousiasme débordant :
« Je viens de parler à Ivan (Demidov) au téléphone. On était fous de joie. On se connaît depuis qu’on a huit ans…»
Et cette complicité ne date pas d’hier.
« On a toujours rêvé d’évoluer sur le même trio. C’est quelque chose qu’on s’est dit souvent. »
Interrogé sur son style, Zharovsky a dressé un portrait humble mais clair de ses forces :
« Je me considère comme un joueur intelligent, créatif. J’aime manier la rondelle et surprendre l’adversaire. Je ne me compare à personne, mais Datsyuk et Kucherov… ce sont mes modèles. Deux esprits brillants sur la glace. »
Quant à Martin St-Louis, son nouvel entraîneur :
« C’est une légende. Avoir la chance d’apprendre de lui, c’est énorme. »
« Je suis incroyablement heureux. Merci beaucoup! »
Zharovsky, c’est un ailier gauche de 6’1” et 163 livres, mais surtout un véritable feu d’artifice offensif. Avec ses 50 points en 45 matchs dans la MHL, il a terminé au sommet des marqueurs U18 de sa ligue.
Ses mains sont magiques, sa vision du jeu exceptionnelle, et il patine comme un artiste dessine : avec fluidité, intention, audace.
Mais ce qui fait de lui un véritable joyau, c’est sa capacité à rendre les autres meilleurs. Et qui de mieux placé pour en bénéficier que son meilleur ami Ivan Demidov, lui-même maître de la feinte et des angles improbables?
Imaginez seulement. Deux Russes, deux artistes, deux amis fusionnels, qui se retrouvent sur le même trio à Montréal.
L’un qui attire les défenseurs par ses débordements spectaculaires, l’autre qui les détruit par ses passes millimétrées. L’un qui sait où l’autre va se placer, avant même qu’il y pense. Une "télépathie hockeyistique." Une symphonie russe.
Ce n’est pas seulement une histoire de chimie. C’est une stratégie. Car Kent Hughes, en ajoutant Zharovsky à son alignement, protège son investissement en Demidov.
Il lui donne un allié, un ami, un frère d’armes. Il crée un cocon culturel, affectif, psychologique, pour que Demidov éclate au grand jour sans se sentir seul. Une manière subtile, mais puissante, de maximiser la valeur de ses actifs.
Et Hughes ne l’a pas fait à la légère. Il a transigé avec la Caroline pour obtenir le 34e choix, sacrifiant les 41e et 49e choix pour monter et sécuriser Zharovsky avant que quelqu’un d’autre ne le vole.
C’est dire à quel point le CH croyait en lui. Et ce n’était pas un pari à l’aveuglette. Le Canadien avait rencontré le jeune homme une semaine avant le repêchage, à Los Angeles, et était sorti de cette rencontre charmé, conquis, convaincu.
Zharovsky parle un peu français. Il a même répondu
« Bonjour! Enchanté! » à TVA Sports lors de sa première entrevue. Un détail? Non. Un message. Il veut être à Montréal. Il veut faire les efforts. Il veut apprendre, s’intégrer, jouer.
Son agent, Dan Milstein, le grand manitou des joueurs russes en Amérique du Nord, travaille déjà pour lui obtenir un visa.
Objectif : participer au camp de développement du Canadien du 1er au 3 juillet à Brossard. Un détail logistique? Non plus. Une preuve d’engagement. Zharovsky veut prouver dès maintenant qu’il est un joueur du Canadien. Pas un projet lointain, pas une incertitude. Un joueur.
Les sceptiques pointeront du doigt le niveau de compétition de la MHL, où Zharovsky a surtout affronté des équipes de la conférence la plus faible.
Mais ces doutes sont paris en fumée quand le jeune ailier a été appelé par son équipe de la KHL, Salavat Yulaev, pour les séries éliminatoires.
Il a joué sept matchs en séries contre les meilleures équipes de Russie, avec une moyenne de 6 minutes 11 secondes de temps de jeu, et une mention d’aide. Pour un jeune de 17 ans, c’est énorme.
Mais au-delà des statistiques et des projections, il y a cette connexion humaine. Cette histoire de deux garçons nés à des centaines de kilomètres d’ici, qui ont grandi ensemble, rêvé ensemble, et qui aujourd’hui vont tenter de faire vibrer le Centre Bell ensemble.
Le Canadien vient peut-être de poser la première pierre d’un duo qui pourrait redéfinir l’identité offensive de l’équipe pour les dix prochaines années.
Zharovsky n’est pas un projet parfait. Il doit améliorer son coup de patin nord-sud, sa force physique, et être moins prévisible dans son tir.
Mais ces défauts sont corrigibles, et les échos en provenance de Russie sont formels : son QI hockey est à la hauteur de celui de Demidov. Ce n’est pas rien.
Dans une LNH obsédée par les gabarits et les comparables, Zharovsky déjoue les attentes. Il n’est pas facile à cerner, pas facile à contenir.
Il joue avec l’audace d’un Kucherov, la créativité d’un Datsyuk, et la joie d’un enfant à qui on vient de dire que tous ses rêves étaient permis.
Et si vous doutez encore, rappelez-vous ce regard. Ce sourire. Cette phrase, dite en français maladroit, mais avec le cœur en feu :
« C’est mon rêve de jouer pour Montréal. Quel marché incroyable! »
On ne sait pas encore jusqu’où ira la carrière d’Alexander Zharovsky. Mais on sait une chose : il veut être ici. Avec nous. Avec Demidov. Pour écrire l’histoire.