C’est un délire boursier. Un véritable cirque.
Depuis le 12 mai dernier, l’action de Groupe TVA se comporte comme si elle avait avalé un pot de Red Bull frelaté.
Une journée, elle explose de 30 %. Trois jours plus tard, elle s’effondre de 22 %. Le vendredi noir du 12 mai, elle avait déjà perdu 40 % de sa valeur en quelques heures… pour ensuite tout regagner comme si de rien n’était.
Les courtiers, les analystes, les stratèges : tout le monde est en état de panique. Parce qu’on ne parle pas ici d’une petite biotech obscure ou d’une crypto sans fondement.
On parle de Groupe TVA, un fleuron médiatique québécois. Du moins, c’est ce qu’il était autrefois. Aujourd’hui, l’action de TVA se déplace plus violemment qu’une montagne russe rouillée à La Ronde.
« C’est le chaos, tout simplement. Et ça n’a rien d’un rebond technique. Ce titre est devenu un jouet spéculatif », s’est exclamé un gestionnaire montréalais, qui a préféré rester anonyme par crainte de représailles de Québecor.
Souvenez-vous. Le 12 mai 2025. Une journée qui restera gravée dans l’histoire financière du Québec. L’action de Groupe TVA plonge sans avertissement. –40 %, d’un coup sec.
Les investisseurs jettent leurs titres à la mer comme s’il s’agissait de cargaisons infectées. Le chaos est tel que même les algorithmes des banques ont du mal à suivre.
Pourquoi cette chute? Les rumeurs de fermeture imminente de TVA Sports se multiplient. Les documents déposés par Québecor au CRTC et à la Bourse laissent entendre que le contrat de diffusion de la LNH ne sera pas renouvelé. Et pire : Pierre Karl Péladeau lui-même admet, lors de l’assemblée du 8 mai, que le sort de la chaîne est scellé.
C’est la panique.
Et pourtant, en l’espace de quatre séances, miracle : le titre regagne toute sa valeur perdue. Comme si les 40 % de chute du 12 mai n’avaient jamais existé.
Pourquoi? Selon Stephen Takacsy, de la firme Gestion Lester, il n’existe que trois raisons rationnelles d’acheter TVA en ce moment.
Les investisseurs n’achètent plus la valeur de TVA pour son potentiel de redressement ; ils misent plutôt sur l’arrêt des pertes :
Une décision favorable du CRTC sur les redevances pourrait redresser la situation.
Une fermeture du capital par Québecor, réduisant le flottant boursier.
L’issue à l’échéance ou la rupture du contrat de diffusion de la LNH, ce qui valoriserait davantage le titre.
Autrement dit, TVA est devenue une action de casino.
Une action contrôlée… mais incontrôlable.
Et c’est là tout le cynisme du moment : ce n’est plus la survie de TVA Sports qui fait rêver les investisseurs, mais sa disparition.
Pour bien des gestionnaires de portefeuilles, la meilleure nouvelle serait que le contrat de la LNH se termine en 2026 ou mieux encore, que TVA Sports ferme ses portes avant même l’échéance.
Selon plusieurs analystes consultés par Gestion Lester, la fin de cette aventure déficitaire serait le seul levier crédible pour redonner de la valeur à l’action de Groupe TVA.
La chaîne sportive est devenue un poids mort, une anomalie comptable qu’on tolère encore uniquement pour des raisons politiques internes à Québecor.
Et plus cette anomalie persiste, plus le titre reste vulnérable à des chutes brutales. Le marché a parlé : il ne croit plus à la rentabilité de TVA Sports. Il veut tourner la page.
Pendant que les employés de TVA Sports se défoncent en studio, caméra à l’épaule et sueur au front, pour offrir une couverture exceptionnelle de la finale de la Coupe Stanley, un frisson glacial traverse les coulisses de la station.
À chaque "shot" bien cadré, à chaque analyse livrée en direct avec passion, ils savent. Ils savent que, derrière le rideau des projecteurs, dans les coulisses opaques des salles de marché, certains investisseurs n’attendent qu’une chose : leur disparition.
Ils l’ont vu. Ils l’ont lu. Ils l’ont entendu. Les spéculateurs qui achètent des actions de TVA aujourd’hui ne le font pas parce qu’ils croient en leur travail. Non. Ils le font dans l’espoir que la station ferme.
Ils misent sur le silence des studios, sur la fin du hockey francophone en ondes, sur la liquidation du rêve. Comment continuer à mettre du cœur à l’ouvrage, quand on sent que les paris sont placés contre sa propre existence ?
C’est un paradoxe cruel. Une équipe de terrain, engagée et dévouée, qui travaille au rythme effréné des grandes finales… tout en voyant l’espoir s’effondrer chaque fois que le mot « fermeture » revient sur les lèvres des analystes financiers. Le message est clair, brutal, inhumain : vous êtes trop chers. Trop risqués. Superflus.
Dans le fond, ce n’est pas seulement une station qu’on cherche à éteindre. C’est une communauté. Une passion. Une voix. Et tout ça, sous les yeux de ceux qui, chaque soir, livrent le match comme si c’était leur dernier. Parce que peut-être… ça l’est.
Ironie de l’histoire : Québecor, qui contrôle environ 98 % des droits de vote de TVA, laisse flotter une minuscule portion du titre en bourse. Ce faible volume de transactions rend la moindre rumeur explosive. Quelques milliers d’actions échangées suffisent à faire bouger le titre de 10 % ou 15 %.
C’est donc une illusion de liquidité. Une illusion qui piège les petits porteurs.
Et pendant que des retraités investissent naïvement dans TVA, croyant miser sur un bastion médiatique québécois, le navire prend l’eau de partout.
Des licenciements massifs. Des studios vides. Des journalistes non remboursés pour leurs Uber pu leurs taxis. Des employés humiliés. Et à l’autre bout de la pyramide : un PDG, Pierre Karl Péladeau, qui se verse 20,44 millions $ de salaire.
C’est là où ça blesse le coeur. Quand l’action dégringole, on attend généralement un signal fort du patron. Un rachat d’action, un mot rassurant, une stratégie.
Mais Pierre Karl Péladeau garde le silence, préférant faire la tournée des plateaux pour parler de « transformation numérique » et de « nécessaire recentrage stratégique ». Traduction : on coupe, on vend, on ferme, on licencie.
Et tout ça, avec une prime de 315 % sur sa rémunération de l’an dernier, selon les documents de La Presse et les rapports déposés à la Bourse.
Ça donne froid dans le dos.
De plus en plus, les gros investisseurs institutionnels vendent leurs positions dans TVA et quittent le navire.
Le titre est devenu trop volatile. Trop incertain. Trop politique. Trop contrôlé.
Un gestionnaire de portefeuille nous confiait récemment :
« TVA, c’est devenu le Venezuela boursier du Québec. Il y a un dictateur actionnaire, une illusion de démocratie et une économie en ruine. »
L’autre rumeur qui alimente la folie spéculative? Une fermeture du capital. En clair : Québecor rachèterait les actions restantes de TVA au rabais, en mettant fin à son inscription en Bourse.
Ce scénario inquiète énormément les petits investisseurs. Car cela pourrait se faire à une fraction de la valeur réelle des actifs, maintenant que l’action est affaiblie.
Et pourtant, dans les couloirs de Québecor, ce scénario serait bel et bien envisagé pour l’été 2026, une fois le contrat de la LNH terminé.
La réalité est brutale : TVA Sports va mourir. C’est inscrit noir sur blanc dans les prévisions stratégiques de Québecor. Et les autres actifs de TVA (variétés, nouvelles, séries) ne suffisent plus à faire vivre la bête. Le modèle d’affaires est en ruine.
Et pendant ce temps, l’action continue de danser le tango avec l’absurde.
C’est le scandale boursier de l’année.
C’est aussi le début de la fin d’un empire.