Luc Poirier dans l’eau chaude : le malaise Instagram prend des proportions énormes.
C’est un malaise devenu spectacle. Un malaise judiciaire, social, médiatique. Un malaise que seule l’arrogance peut engendrer, quand on est trop riche, trop sûr de soi, trop convaincu que les lois, les limites et la décence ne s’appliquent pas à son rang.
Luc Poirier, le flamboyant investisseur immobilier qu’on a vu ces derniers mois dans « Dans l’œil du dragon », croyait peut-être pouvoir museler Louis Morissette, faire disparaître ses messages privés, effacer ses maladresses publiques comme on efface une story Instagram.
Mais la Cour supérieure vient de lui rappeler que même les Ferrari et les vestons Dior ne pèsent rien devant le droit.
Et ce jugement vient mettre en lumière un malaise plus large que la seule poursuite de 2 M$ pour diffamation intentée par Morissette : celui d’un homme convaincu de pouvoir tout contrôler, même les conséquences de ses propres mots.
Le 27 février 2025, Luc Poirier se permet un commentaire aussi destructeur que gratuit sur les ondes de QUB Radio.
Selon lui, Louis Morissette « facture 5000 $ » pour animer des événements de sa propre fondation, celle qu’il a fondée avec Véronique Cloutier, dédiée à une cause aussi délicate que l'autisme.
La déclaration choque, circule, s’enflamme. Morissette nie catégoriquement, la fondation aussi. Le mal est fait.
Deux semaines plus tard, une poursuite est déposée. Louis Morissette, Véronique Cloutier et la Fondation Véro & Louis réclament collectivement 2 000 000 $ à Luc Poirier pour propos mensongers, atteinte à la réputation, et manipulation de l’opinion publique.
Plutôt que de se rétracter complètement, Luc Poirier joue alors une carte douteuse : les excuses à demi, suivies… de messages privés à Morissette sur Instagram.
Et c’est là que le malaise devient grotesque.
Dans un premier message privé, Luc Poirier écrit directement à Louis Morissette pour lui dire qu’il est désolé… tout en lui proposant un « stunt » public pour mousser sa fondation.
L’arrogance est totale. Le geste rappelle ces grands patrons qui croient qu’un chèque, une apparition ou une opération de relations publiques peut acheter le pardon, ou mieux encore, manipuler le narratif.
Quelques jours plus tard, il mandate la firme de relations publiques NATIONAL pour approcher Louis Morissette afin de « trouver une solution ». Ou plutôt... étouffer le feu avant que ça flambe pour vrai...
Mais voilà. La Cour supérieure, dans un jugement signé par la juge Eleni Yiannakis, vient d’éteindre cette tentative de contournement. Poirier avait plaidé que ses messages privés étaient « confidentiels ». La juge rejette du revers de la main.
Un message privé sur Instagram n’a rien de confidentiel en soi, tranche-t-elle. Et surtout, elle ajoute que cette tentative de sauver la face ne peut être dissociée du cœur du litige.
Ces messages, même maladroits, font partie intégrante du portrait global. Ils témoignent du réflexe de Poirier de gérer ses propres débordements comme une campagne de branding mal ficelée.
Ce jugement remet à l’avant-plan la perception que bien des Québécois ont désormais de Luc Poirier : un self-made-man à l’américaine, qui confond notoriété et pouvoir absolu.
Celui qui se présente partout comme un modèle, un homme de projets, un ancien de HLM devenu multimillionnaire, semble maintenant prisonnier de ses propres excès.
C’est ce que dénoncent plusieurs critiques, notamment Louis Morissette lui-même, qui dans un message publié le 28 février avait déclaré :
« Quand on s’attaque à l’intégrité d’une fondation, on franchit une ligne rouge. Ce que Luc Poirier a affirmé est non seulement faux, mais dangereux. »
Mais au lieu de s’effacer, de se faire petit, Poirier est revenu dans l’œil du public en multipliant les apparitions, les entrevues, les sorties théâtrales.
Il prétend ne pas chercher la lumière, mais il est partout. À Radio-Canada. Sur Crave. En scooter Dior. En story Instagram avec ses tours de condos, ses piscines à débordement, sa garde-robe griffée.
Il montre tout. Il expose tout. Et parfois, ce qu’il révèle malgré lui, c’est une incapacité totale à ressentir les limites du bon goût, de la pudeur ou de la responsabilité.
C’est l’histoire de deux hommes que tout oppose, sinon leur place bien ancrée dans l’imaginaire collectif québécois.
Louis Morissette, cravate médiatique parfaitement nouée, image contrôlée jusqu’à la moelle, incarne l’ordre, pour ne pas dire la carotte dans le derrière, et l’équilibre du couple de stars qu’il forme avec Véronique Cloutier.
Luc Poirier, lui, est le milliardaire flamboyant, plus gros que nature, dont les Ferrari, les scooters Dior et les sorties fracassantes font les délices des réseaux sociaux. Mais voilà : lorsque le pouvoir discret rencontre l’argent bruyant, le Québec assiste à une véritable collision d’égos, de principes, et de perceptions.
Luc Poirier, pour qui l’argent est un langage, croyait probablement pouvoir éteindre l’incendie à coups de billets. Mais la machine Morissette-Cloutier, rodée aux tempêtes médiatiques, a répondu par la loi.
Reste que la juge a aussi été sans pitié envers le couple de Louis et Véro. Elle leur a reproché d’avoir tenté d’instrumentaliser la noblesse de leur Fondation en promettant de reverser les dommages à celle-ci. Pas pertinent, tranche-t-elle, même si l’intention est louable.
Mais au-delà de la bataille judiciaire, c’est un malaise culturel profond qui se déploie. Luc Poirier est haï de l’establishment. Il dérange. Il flashe. Il montre son argent, ses montres, ses valises griffées et ses yachts.
Il se filme dans son opulence et ne cache rien de ses millions. Dans un Québec où la richesse s’embarrasse, Poirier, lui, veut crier sous tous les toits à quel point il est riche.
Il dérange Westmount, Outremont, les salons snobs de Radio-Canada. Louis Morissette n’est pas juste en colère : il est blessé dans son image, dans sa rigueur, dans sa maîtrise du récit public.
L’affaire Poirier-Morissette ne parle pas que de diffamation. Elle parle du choc entre deux visions de la réussite. L’une discrète, beige, inodore et incolore, pénétrant les maisons par le prime time de Radio-Canada.
L’autre, directe, provocante, TikTokée, viralisée. Quand Luc Poirier affirme qu’il n’exposerait pas sa richesse si on ne le lui demandait pas, il tente de plaider la bonne foi. Mais l’ensemble de son personnage dément ce plaidoyer : l’homme a construit sa notoriété sur son goût du "flashy m'as-tu-vu".
C’est peut-être pour cela qu’il fascine autant qu’il agace. Il avait déjà affirmé, avec candeur, que les Québécois riches ont honte de leur fortune, et que Morissette en faisait partie.
Il les accuse de se cacher, de baisser les yeux.
“Moi, j’ai pas honte. J’ai grandi dans un HLM. J’ai mangé des toasts au ketchup.”
Et dans un Québec où la richesse dérange autant qu’elle fait rêver, Luc Poirier est un cas d’école.
Mais voilà que cette fois, sa franchise lui coûtera cher. La décision de la juge est claire : les messages Instagram ne sont pas protégés, et seront analysés comme toute autre preuve. Cela signifie que Poirier, qui croyait éteindre les flammes, a plutôt jeté de l’huile sur le feu.
Cette affaire est aussi celle d’une polarisation. Poirier a ses fans, qui le voient comme un Robin des Bois à la sauce capitaliste. Un gars de Longueuil qui a tout fait tout seul.
Morissette a les siens, qui vantent sa rigueur, sa créativité, et son travail de fond. Mais entre les deux, un Québec divisé, qui se demande si on peut encore réussir sans heurter. Si on peut dire tout ce qu’on pense sans conséquences.
La poursuite suit son cours. Mais le verdict social, lui, est déjà plus nuancé. Luc Poirier n’est pas qu’un provocateur : il est un symptôme. De l’envie. Du mépris. D’un Québec qui se regarde dans le miroir et ne sait plus trop s’il préfère le chic ou le choc.
Et pendant ce temps, les avocats comptent les heures et leurs honoraires. L’affaire, elle, ne fait que commencer.
Ching Ching!