Le rideau n’est pas encore tombé, mais on entend déjà le grincement des rails qui annoncent la fin d’un train mythique.
Sidney Crosby vient de souffler ses 38 chandelles et, pour la première fois de sa carrière, on parle de lui avec des mots qui font mal : compte à rebours, fin de parcours, dernier chapitre.
À Pittsburgh, l’odeur de la fin flotte dans l’air comme une odeur de brûlé après un incendie qu’on a trop longtemps refusé d’éteindre.
Crosby n’a pourtant rien d’un joueur fini.
La saison dernière, il a récolté 91 points, avec 33 buts et 58 passes, une troisième saison consécutive de 90 points et plus.
Le capitaine continue de défier le temps et a même dépassé Wayne Gretzky pour le nombre de saisons consécutives au-dessus d’un point par match, un record insensé : 20 saisons d’affilée, une insulte à la logique, une claque au vieillissement.
Mais c’est là toute la tragédie : pendant que Crosby réécrit les livres de records, son équipe sombre dans la médiocrité.
Trois années de suite sans séries éliminatoires, un désert qu’il n’avait jamais connu auparavant.
Et la réalité, c’est que peu importe combien de points Crosby aligne, les Penguins ne gagnent plus.
Et ce n’est pas seulement une question de malchance.
Pittsburgh est coincée dans une transition douloureuse.
Evgeni Malkin entame sa 20e saison à 39 ans, la dernière d’un contrat de quatre ans signé en 2022.
Lui non plus ne sait pas s’il sera encore là l’an prochain.
« J’ai parlé à Geno à la fin de la saison lors de la rencontre de sortie… nous nous reverrons à la pause internationale, à la pause olympique cette année, pour voir où il en est, puis nous nous reparlerons après la saison.», a dit Kyle Dubas, le DG des Penguins.
Autrement dit : on verra. On verra si le corps tient, si l’envie reste, si la fin est déjà écrite. Ce genre de phrases, ça sent toujours le début de la fin.
Pendant ce temps, Crosby continue de se battre seul contre l’horloge.
Il a raté seulement deux matchs en trois saisons, un miracle pour un joueur qui a déjà connu mille blessures.
Mais il l’a dit lui-même, et avec un ton qui transperce le cœur : « C’est difficile… ce n’est vraiment pas un bon sentiment quand les autres équipes continuent de jouer et que toi, tu rentres à la maison. »
Traduction libre : c’est de la torture. Crosby ne joue pas pour accumuler des points, il joue pour les séries, pour soulever une Coupe.
Et à 38 ans, perdre en avril devient une punition insupportable.
Ajoutons à ça un changement de coach. Mike Sullivan, l’homme qui avait mené l’équipe à deux Coupes Stanley, est parti chez les Rangers.
Derrière le banc, on retrouve maintenant Ryan Muse, 43 ans, inconnu du grand public, parachuté dans un contexte ingrat.
Lui, il parle de patience et de processus : « Nous allons continuer à bâtir… étape par étape… devenir un peu meilleurs en tant que groupe, un peu meilleurs pour chacun de ces gars. »
Mais patience et Crosby ne vont plus ensemble.
Le capitaine n’a pas le luxe d’attendre trois ans que les jeunes se développent. Son compteur tourne, chaque match qui passe l’approche d’un moment inévitable : la retraite.
La question qui tue : jusqu’où va aller Crosby?
Est-ce qu’il va s’éteindre lentement dans une équipe qui ne gagne plus, comme un roi déchu condamné à regarder son empire tomber en ruines?
Ou est-ce que, dans un dernier geste de survie, il va forcer la main à Dubas et demander un échange?
Imaginez la bombe : Sidney Crosby, après vingt ans de loyauté, qui demande à finir ailleurs.
À Montréal, on n’ose même pas en rêver, mais il y a un frisson malsain à y penser.
Parce qu’on sait que le Canadien, avec Jeff Gorton et Kent Hughes, regarde toujours les grandes histoires.
Et une fin de carrière à la Guy Lafleur ou à la Ray Bourque pour Crosby, ce serait hollywoodien.
Ce qui rend la situation encore plus cruelle, c’est la comparaison avec Mario Lemieux.
Crosby est à 36 points de dépasser Lemieux pour devenir le joueur le plus productif de l’histoire des Penguins.
C’est inévitable. Mais ça va se passer dans une ambiance de déchéance, avec des estrades de plus en plus vides et une équipe qui se bat pour une place en séries comme si c’était une Coupe Stanley.
Le contraste est brutal : les records personnels explosent, mais le collectif implose.
Et Dubas le sait. Il a pris les rênes en vendant un discours d’avenir, en promettant un virage, mais la vérité c’est qu’il marche sur une corde raide.
S’il pousse trop tôt Malkin vers la retraite, il risque d’exploser le vestiaire.
S’il attend trop longtemps, il enterre Crosby dans une spirale de défaites. La pire décision, c’est de ne rien décider, et c’est exactement ce qui semble se produire.
La saison qui s’en vient sera donc celle de la vérité.
Crosby a encore du feu, il l’a prouvé. Mais s’il répète une campagne de 90 points sans séries, ce sera la preuve ultime que l’ère est morte, peu importe ses prouesses.
Et quand le capitaine dit lui-même que « vider son casier » est un supplice, on comprend qu’il n’acceptera pas une quatrième année de suite sans séries.
C’est ça, le vrai drame : Crosby ne veut pas finir en loser.
Alors oui, le compte à rebours est commencé.
Chaque match de cette saison sera vécu comme un verdict, chaque série de défaites comme une condamnation.
Si Pittsburgh ne retrouve pas le chemin des séries, le cri qu’on n’a jamais voulu entendre pourrait enfin sortir de la bouche de Crosby : trade me.
Et ce jour-là, ce ne sera pas seulement une bombe à Pittsburgh. Ce sera un séisme à travers toute la LNH.
Pour l’instant, le capitaine garde le sourire, comme il l’a toujours fait. Il s’entraîne, il parle de plaisir, il répète qu’il veut gagner.
Mais derrière le masque, tout le monde le sait : le sablier coule.
Et à moins d’un miracle, la fin approche.
Pas la fin de Crosby le joueur, mais la fin de Crosby à Pittsburgh.
Et ça, c’est un drame que même Mario Lemieux ne pourra arrêter.
À suivre ...