Indignation à Pittsburgh: Mario Lemieux manque de classe

Indignation à Pittsburgh: Mario Lemieux manque de classe

Par David Garel le 2025-12-22

Mais où était Mario Lemieux?

Il y a des absences qui crient plus fort que n’importe quelle présence. Dimanche soir, à Pittsburgh, pendant que Sidney Crosby dépassait officiellement Mario Lemieux au sommet des pointeurs de l’histoire des Penguins, ce n’est pas seulement un record qui a marqué les esprits.

C’est surtout un vide. Un malaise. Une incompréhension profonde. Parce que dans les estrades du PPG Paints Arena, à l’endroit même où l’héritage de Lemieux et celui de Crosby se superposent depuis deux décennies, Mario n’y était pas.

À la place, il y a eu une vidéo. Une capsule courte. Mal cadrée. Froide. Filmée à la va-vite, comme sur le coin d’une table, sans mise en scène, sans chaleur, sans cette intensité émotionnelle que commandait le moment.

Dans l’aréna, le silence s’est fait. Un silence lourd, pas celui du respect, mais celui de la confusion. Même à Pittsburgh, même chez les partisans les plus indulgents, personne n’a compris. Comment expliquer que le père spirituel de Crosby, l’homme qui l’a accueilli, protégé, guidé, façonné, n’ait pas jugé nécessaire d’être là, physiquement, pour ce moment unique?

Parce qu’il faut le rappeler : Sidney Crosby n’est pas qu’un joueur des Penguins. Il est la continuité directe de Mario Lemieux.

Sans Lemieux, il n’y a pas de Crosby à Pittsburgh. Sans Lemieux, il n’y a peut-être même plus de Penguins au tournant des années 2000. Et sans Crosby, la franchise n’aurait jamais consolidé sa place parmi les puissances économiques et sportives de la LNH. Leur lien dépasse le hockey. Il est identitaire. Symbolique. Comme une relation père-fils..

Alors pourquoi cette chaise vide?

Depuis des semaines, des mois même, Lemieux tente de redevenir l’homme fort de Pittsburgh. De reprendre le contrôle de l’équipe qu’il a littéralement sauvée deux fois : une première comme joueur, une seconde comme propriétaire. En 2021, avec son partenaire Ron Burkle, il avait vendu les Penguins à Fenway Sports Group pour environ 900 millions de dollars, conservant toutefois une participation minoritaire, question de rester dans le décor, de garder une main sur le volant.

Mais aujourd’hui, le décor a changé. Fenway a vendu les Penguins à la famille Hoffman pour 1,8 milliard. Lemieux, fidèle à son instinct de requin d’affaires, a tenté de négocier à la baisse. De « lowballer ». Fenway a refusé. Fermement.

Et c’est là que tout devient tendu.

Parce que Lemieux n’est pas seulement un symbole sentimental à Pittsburgh. C’est un homme d’affaires redoutable, celui-là même qui, en 1999, a transformé une dette de 32,5 millions en prise de contrôle totale de la franchise, humiliant au passage le monde financier du hockey professionnel.

Il a bâti un empire autour de Crosby, Malkin et Letang, remporté des Coupes, puis revendu au sommet. Aujourd’hui, il voulait revenir. Pas à n’importe quel prix. Et Fenway lui a claqué la porte au nez.

Est-ce que cette tension explique son absence dimanche soir? Est-ce que Lemieux, frustré, amer, vexé de ne pas pouvoir racheter « son » club, a choisi de se tenir à distance? Peut-être.

Et si c’est le cas, la décision passe mal. Très mal. Parce qu’il y a des moments où l’ego doit s’effacer devant l’histoire. Où il faut être plus grand que la transaction, plus grand que la négociation, plus grand que le chèque. Être là pour Crosby, ce n’était pas une faveur. C’était un devoir moral.

Ce malaise est d’autant plus frappant qu’il s’inscrit dans un contexte organisationnel déjà explosif. Les Penguins sont en chute libre. Pittsburgh Penguins pataugent dans des décisions discutables, des contrats toxiques, et une direction sportive qui peine à trouver une sortie de secours. 

Kyle Dubas est prisonnier de ses paris. Erik Karlsson, à 11,5 millions par année jusqu’en 2027, est devenu un boulet invendable. Kris Letang est usé. Malkin est blessé. Et pendant ce temps, Crosby regarde le navire prendre l’eau.

Il tient encore. Par loyauté. Par promesse. Tant qu’Evgeni Malkin est là, il ne bougera pas. Mais la patience a des limites. Et dans ce chaos, le rôle de Lemieux aurait pu être celui du stabilisateur. Du protecteur de l’héritage. De l’homme qui dit :

« Tant que je suis là, Crosby finira ici. » Or, son échec à reprendre le club change tout.

C’est là que l’histoire devient délicieusement ironique… surtout à Montréal.

Parce que tant que Lemieux n’a pas les clés, tant qu’il n’est pas le décideur ultime, Crosby n’est plus intouchable. Le dossier est vivant. Brûlant. 

Elliotte Friedman l’a confirmé : le groupe de Lemieux est loin des attentes de Fenway, et Crosby commencera la saison à Pittsburgh. Commencera. Pas la finira. Nuance capitale.

Et pendant que Pittsburgh s’enfonce, pendant que Dubas tente de vendre des meubles que personne ne veut, une fenêtre s’ouvre ailleurs. À Montréal. Chez le Canadiens de Montréal. Pour Kent Hughes, l’échec de Lemieux n’est pas une tragédie. C’est une opportunité historique. Une brèche rare dans un récit qu’on croyait verrouillé à jamais.

Le paradoxe est cruel. Mario Lemieux, le Québécois, le géant, l’homme qui a tout donné à sa ville d’adoption, devient malgré lui l’obstacle principal… ou la clé ultime.

S’il avait réussi son rachat, jamais il n’aurait permis que Crosby termine ailleurs. Jamais. Son échec, aussi douloureux soit-il pour Pittsburgh, ravive un rêve au Québec.

Dimanche soir, en n’étant pas là, Lemieux a laissé plus qu’un siège vide. Il a laissé planer un doute. Un malaise. Et peut-être, sans le vouloir, il a ouvert la porte à l’un des plus grands scénarios de l’histoire moderne du hockey : Sidney Crosby, un jour, au Centre Bell.

Parfois, en hockey comme en affaires, une absence vaut mille déclarations. Et celle de Mario Lemieux, dimanche soir, pourrait bien résonner longtemps.