Jakub Dobeš en larmes: nos pensées l'accompagnent

Jakub Dobeš en larmes: nos pensées l'accompagnent

Par David Garel le 2025-11-06

Ce n’était qu’un match en novembre, une simple soirée de hockey de saison régulière contre les Devils du New Jersey, dans un aréna à moitié vide où le Canadien a récolté un point malgré un départ horrible.

Mais pour Jakub Dobeš, c’était bien plus que ça. C’était une déchirure personnelle. Une douleur intime. Une première tâche sur une fiche jusque-là parfaite

Et à la fin de cette rencontre perdue 4 à 3 en prolongation, le jeune gardien tchèque n’a pas pu retenir ses larmes. Le masque enlevé, les yeux rougis, la voix brisée, il a craqué devant les caméras:

« Ça n’était juste pas assez bon de ma part. Pas assez bon. C’est arrivé l’année dernière, ça arrive cette année, je suis juste déçu de moi-même. Ce n’est pas assez bien. »

Des mots simples. Durs. Qui résonnaient comme un aveu d’échec personnel alors que personne ne lui en voulait, que tous, au contraire, saluaient son calme, sa constance et son sang-froid depuis le début de la saison.

Pourtant, le pauvre Tchèque pleurait à chaudes larmes et tremblait comme un enfant au coeur brisé. Pauvre lui. Nous avions envie de pleurer. 

Nos pensées sont avec lui. On a envie de le réconforter.

Il faut remettre les choses en perspective. Dobeš a bloqué 24 des 28 tirs dirigés vers lui. Il a effectué plusieurs arrêts clés. Il a gardé son équipe dans le match alors que le CH offrait, par moments, une couverture défensive indigne d’un club aspirant aux séries.

Oui, il a accordé un but rapide en début de match, un tir de Cody Glass côté gant dès la 1re minute 53 de jeu. Mais il a rebondi, comme il le fait depuis le camp d’entraînement. Il n’a jamais semblé paniquer. Jamais laissé la nervosité l’emporter.

Et pourtant, à la fin, c’est lui qui pleurait. Pas les autres. Pas ceux qui ont perdu leurs couvertures. Pas celui qui a abandonné Bratt en prolongation pour lui permettre de marquer en échappée.

C’était Dobeš. Seul, debout, avec son sentiment d’avoir échappé une victoire qui aurait dû lui revenir.

Martin St-Louis, interrogé après la rencontre, n’a pas été surpris.

« On va lui faire un câlin », a-t-il commencé, un sourire en coin, presque attendri par la détresse de son jeune gardien.

« Les gars n’arrivent pas ici par hasard. Ils sont programmés d’une façon qui les amène à un niveau que tout le monde n’atteint pas. C’est comme ça qu’il gère ses affaires. On va l’encadrer. »

La déclaration, pleine de bienveillance, rappelle à quel point Dobeš est vu comme un athlète d’élite au sein de l’organisation.

Un gardien à la personnalité intense. Un perfectionniste qui accepte mal l’échec. Et cette émotion brute, ce moment de fragilité publique, n’est pas une faiblesse : c’est une preuve de son implication, de son désir de performer, de sa peur de décevoir.

Oliver Kapanen, toujours calme, n’a pas hésité à le défendre. « Il est trop dur envers lui-même. Il n’a pas à tout porter seul. »

Noah Dobson, encore marqué par sa propre expérience de jeune dans la LNH, a abondé dans le même sens.

« Dobeš fait partie des raisons pour lesquelles on gagne autant. Il est là pour nous. Ce soir, c’est à nous d’être là pour lui. »

Ces mots sont forts. Ils tracent une ligne claire : ce vestiaire est derrière son gardien. Le message est touchant. Ce n’est pas lui qui a coûté la victoire.

Le Canadien a pourtant bien failli l’emporter. Après avoir accordé le premier but à Glass dès le début, le CH a rapidement répliqué.

Un tir de la ligne bleue de Noah Dobson a touché Kirby Dach et a battu Markstrom à 2:59. Dach, en progression, a ainsi inscrit son troisième but en deux matchs. St-Louis l’a félicité en entrevue :

« Il va au filet, il joue avec les bonnes intentions, il est récompensé. » Puis, les Devils ont repris les devants grâce à une savante passe de Simon Nemec vers Ondrej Palat derrière le filet.

En troisième période, Jake Evans a créé l’égalité dès la première minute grâce à une belle remise de Dobson. Le défenseur s’est même illustré quelques minutes plus tard avec un geste défensif crucial, sauvant un but en désavantage numérique.

Puis Kapanen a donné l’avance au CH, profitant d’un retour devant le filet pour inscrire son cinquième de la saison.

À ce moment-là, Dobeš semblait bien parti pour récolter une autre victoire. Mais Timo Meier a forcé la tenue d’une prolongation avec un but à 1:10 de la fin, et Bratt a tranché le débat en échappée à 1:33 de la période supplémentaire.

Malgré la défaite, le Tricolore montre une fiche de 9-3-2. Le club reste dans le haut du classement de la LNH, à seulement un point des Devils. Dobeš, pour sa part, présente toujours des statistiques solides.

Il domine parmi les gardiens recrues et reste un sérieux candidat au trophée Calder. Sa moyenne de 2,25 est incroyable son pourcentage d’efficacité de 920 est parfait, et il continue d’enchaîner les performances convaincantes.

Mais tout cela semble peu de choses, aux yeux d’un jeune homme qui veut être parfait. Qui veut gagner. Qui veut porter le chandail du CH avec honneur.

Dobeš n’a jamais expliqué pourquoi cette défaite l’a touché aussi profondément. Certains dans l’entourage de l’équipe se demandent s’il se passe autre chose dans sa vie personnelle.

D’autres y voient simplement le reflet d’un jeune homme ultra-exigeant envers lui-même, dans un marché où chaque geste est scruté à la loupe.

Peu importe la raison, une chose est claire : son émotion est authentique. Et elle a touché tout le monde. Partisans, journalistes, joueurs, entraîneurs. Le vestiaire du CH, d’ordinaire plutôt silencieux après une défaite, était rempli de respect envers celui qui n’a pas pu cacher ses larmes.

Le Canadien recevra le Mammoth de l’Utah samedi au Centre Bell. L’ambiance sera électrique. On peut déjà prédire que Dobeš sera accueilli avec chaleur par la foule, même s'il est sur le banc.

Il mérite cette accolade. Cette reconnaissance. Parce qu’il s’est exposé. Il a montré qu’il n’est pas qu’un robot à arrêts. Il est un humain. Un coéquipier. Un homme qui veut bien faire. Et qui, pour une fois, s’est laissé dépasser par sa propre détresse.

La scène de Dobeš en larmes résume bien la nouvelle culture instaurée par Martin St-Louis. Une culture où l’émotion est permise. Où la vulnérabilité n’est pas un tabou. Où un jeune gardien peut pleurer sans être ridiculisé.

Bien au contraire. On le soutient. On l’entoure. On l’encourage. C’est ça, le Canadien d’aujourd’hui. Et cette image, captée dans un coin d’un vestiaire quelconque du New Jersey, vaut bien plus que mille discours de motivation.